Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 27 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Abidjan (République de Côte-d'Ivoire) refusant de délivrer à la jeune C... B... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de mineure à scolariser.
Par un jugement n° 2114358 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à la jeune C... B... un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... épouse D... devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que :
- la décision contestée ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant ;
- le jugement de délégation de l'autorité parentale du 5 janvier 2021 est frauduleux ;
- les revenus de Mme A... épouse D... ne sont pas suffisants pour assurer des conditions de vie décente à la jeune C... B... ;
- Mme A... épouse D... n'a jamais subvenu aux besoins de l'enfant ;
- aucune demande d'autorisation de regroupement familial n'a été présentée au bénéfice de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2023, Mme C... A... épouse D... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dias,
- et les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme C... A... épouse D..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 27 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Abidjan (République de Côte d'Ivoire) refusant de délivrer à la jeune C... B... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de mineure à scolariser. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le visa de long séjour a été sollicité en vue d'inscrire la jeune C... B... en classe de CM2, dans une école primaire de la région parisienne. S'il est soutenu que le père de l'enfant est décédé en 2014 et que sa mère ne serait plus en mesure de la prendre en charge en Côte d'Ivoire, il ne ressort pas des pièces du dossier que la jeune C... B..., qui est scolarisée depuis 2015 dans son pays, ne pourrait y poursuivre une scolarité normale et y vivre dans des conditions conformes à son intérêt, aux côtés de sa mère et de son jeune frère. Dans ces conditions et quand bien même Mme A... épouse D..., tante de l'enfant, qui a indiqué héberger cette dernière en France pendant la durée de l'année scolaire, s'est vu confier l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans méconnaître l'intérêt supérieur de cet enfant, refuser de lui délivrer le visa de long séjour sollicité, ainsi qu'il a été dit, en qualité de mineure à scolariser.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, sur le motif tiré de ce que cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... épouse D... tant en première instance qu'en appel.
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
7. Mme A... épouse D... n'établit pas ni même n'allègue avoir sollicité la communication des motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'enfant C... B.... Le moyen tiré de ce que la situation de cette enfant n'aurait pas été prise en compte doit, par suite, être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. (...) ". En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où le visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France aux fins d'être scolarisé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard, et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais sur toute considération d'intérêt général, dans le cadre d'une analyse adaptée à la nature du visa sollicité et dans le respect des engagements internationaux de la France. Le visa de long séjour en qualité de mineur à scolariser a pour objet de permettre à un mineur étranger, dont les parents résident, en principe, à l'étranger, d'être scolarisé en France.
10. Il ressort des pièces du dossier, notamment du mémoire en défense produit en première instance par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme A... épouse D... contre le refus de visa opposé à la jeune C... B..., au motif, d'une part, qu'il existe un risque que le visa, sollicité pour scolariser en France un enfant mineur en France, soit détourné de son objet, aux fins de permettre à ce dernier de s'installer durablement auprès de la personne qui s'est vue confier l'exercice de l'autorité parentale sur cet enfant, d'autre part, de ce que Mme A... épouse D... ne dispose pas de ressources suffisantes pour accueillir l'enfant en France.
11. Ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la jeune C... B... ne pourrait poursuivre normalement sa scolarité en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse D..., tante de la jeune C..., dispose de l'autorité parentale sur cette enfant ainsi que sur le frère aîné de cette dernière, et que concomitamment à la demande de visa de long séjour déposée pour scolariser en France la jeune C..., un visa de court séjour visiteur a été sollicité par son frère, pour motif familial, afin de rendre visite à Mme A... épouse D.... Dans ces circonstances, le projet de scolarisation de l'enfant sur le territoire français et l'hébergement de celle-ci au domicile de Mme A... épouse D... révèlent l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins de regroupement familial, pour le bénéfice duquel aucune autorisation n'a été sollicitée. En rejetant, pour ce motif, le recours de Mme A... épouse D... la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Par suite, le moyen qui tend à contester le bien-fondé de l'autre motif de refus qui lui a été opposé par la commission de recours doit être écarté comme inopérant.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme A... épouse D... contre la décision des autorités consulaires françaises à Abidjan (République de Côte d'Ivoire) refusant de délivrer un visa de long séjour à l'enfant C... B....
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme A... épouse D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... épouse D... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par Mme A... épouse D... sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administratives sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A... épouse D....
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02416