Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le maire de Manneville-la-Pipard a délivré à M. et Mme E... un permis de construire ainsi que l'arrêté du 23 novembre 2020 transférant le permis à la SCI Pressoir.
Par un jugement n° 2001349 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ainsi que les conclusions de la SCI Pressoir tendant à la condamnation de M. et Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 avril 2022 et le 8 avril 2024, les consorts D..., représentés par la SCP Faro et Gozlan, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2022, d'une part, en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du maire du 27 avril 2020 et du 23 novembre 2020 ainsi que celles qu'ils ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, en tant qu'il a mis à leur charge les sommes de 1500 euros à verser à la SCI Pressoir et à la commune de Manneville-La-Pipard sur le même fondement ;
2°) d'annuler les arrêtés des 27 avril et 23 novembre 2020 du maire de Manneville-la-Pipard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Manneville-la-Pipard et de la SCI Pressoir les sommes de 3 000 euros, chacune, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête n'est pas tardive ;
- en tant que voisins immédiats du projet, ils justifient d'un intérêt à agir contre les arrêtés contestés ;
- le jugement est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées par la commune de Manneville-la-Pipard, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- la notice du projet architectural méconnaît l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- le plan de masse des constructions à édifier n'indique pas les plantations maintenues, supprimées ou créées, en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- le plan de coupe du projet ne fait pas apparaître l'état initial du terrain, en méconnaissance du b) de l'article R. 431-10.
- les documents graphiques produits ne permettent pas d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel, en méconnaissance du c) de l'article R. 431-10 ; le seul document PCMI 6 représentant le pignon sud n'est pas suffisant ; les autres façades et pignons ne sont pas représentés ;
- les photographies jointes au dossier ne permettent pas de situer le terrain dans l'environnement proche et dans le paysage lointain, en méconnaissance du d) de l'article
R. 431-10 ;
- le projet porte atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et des dispositions du règlement écrit du plan local d'urbanisme intercommunal applicables à la zone UC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2024, la SCI Pressoir, représentée par la SELARL Lexavoue Normandie, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 code de l'urbanisme, et à ce qu'il soit mis à la charge des consorts D... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt pour agir contre le permis de construire du 27 avril 2020 ;
- les moyens soulevés par les consorts D... ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, si la cour retenait l'existence d'un vice affectant le permis, il y aurait lieu de prononcer un sursis à statuer en vue de permettre sa régularisation.
Par un mémoire enregistré le 26 février 2024, la commune de Manneville-la-Pipard, représentée par la SELARL Lexavoue Normandie, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 code de l'urbanisme et à ce qu'il soit mis à la charge des consorts D... une somme de 6 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le permis de construire du 27 avril 2020 ;
- le dossier de demande de permis n'était pas incomplet ;
- subsidiairement, un tel vice est régularisable en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- la construction projetée ne porte pas atteinte aux paysages avoisinants.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dias,
- et les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 27 avril 2020, le maire de la commune de Manneville-la-Pipard (Calvados) a délivré à M. et Mme E..., bénéficiaires d'une promesse de vente de la parcelle cadastrée à la section B sous le n°685, conclue avec la SCI Pressoir, un permis de construire une maison individuelle sur ce terrain. Les consorts D..., voisins immédiats du projet, ayant demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler ce permis de construire, M. et Mme E... ont renoncé à acquérir la parcelle. Par un arrêté du 23 novembre 2020, le maire a transféré à la SCI Pressoir le bénéfice du permis contesté. Par un jugement du 1er février 2022, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, rejeté la demande des consorts D... tendant à l'annulation des arrêtés des 27 avril et 23 novembre 2020 délivrés par le maire de Manneville-la-Pipard ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, mis à leur charge des sommes de 1 500 euros à verser à la SCI Pressoir et à la commune de Manneville-la-Pipard sur le même fondement, et enfin, rejeté les conclusions présentées par la SCI Pressoir sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme. Les consorts D... relèvent appel de ce jugement, d'une part, en tant qu'il a, rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés des 27 avril et 23 novembre 2020 délivrés par le maire de Manneville-la-Pipard ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, en tant qu'il a mis à leur charge les sommes de 1 500 euros à verser à la SCI Pressoir et à la commune de Manneville-la-Pipard sur le même fondement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si dans leur demande de première instance, les consorts D... ont soutenu que les informations prévues au 2° de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme n'étaient pas suffisantes pour apprécier l'insertion paysagère de la construction contestée, ils n'ont pas soulevé le moyen tiré de ce que la notice du projet architectural ne précise ni l'état initial du terrain ni la végétation et les éléments paysagers existants, en méconnaissance du 1° de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité en ce que les premiers juges ne se serait pas prononcés sur ce dernier moyen, ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, après avoir jugé, au point 10 du jugement du 1er février 2022, que les conclusions présentées par la commune de Manneville-la-Pipard tendant à ce que les consorts D... soient condamnés à lui verser une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devaient être rejetées, le tribunal administratif de Caen a, dans le dispositif du même jugement, mis à la charge des consorts D... le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Manneville-la-Pipard au titre de cet article. Ainsi, ce jugement comporte sur ce point une contrariété entre ses motifs et son dispositif. Dès lors, le jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Caen est entaché d'irrégularité en tant qu'il a mis à la charge des consorts D... le versement à la commune de Manneville-la-Pipard de la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les consorts D... sont, dès lors, fondés à demander l'annulation, dans cette mesure, de ce jugement.
4. Il y a lieu de se prononcer, immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la commune de Manneville-la-Pipard tendant à ce que les consorts D... soient condamnés à lui verser une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions dirigées contre les arrêtés des 27 avril et 23 novembre 2020 du maire de Manneville-la-Pipard présentées par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il se prononce sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 27 avril 2020 portant permis de construire et l'arrêté du 23 novembre 2020 portant transfert de ce permis de construire :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande des consorts D... par la commune de Manneville-la-Pipard et par la SCI Pressoir :
5. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".
6. Il résulte de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
7. Il ressort des pièces du dossier que les consorts D..., dont la propriété jouxte le terrain d'assiette du projet, ont la qualité de voisins immédiats de la construction projetée qui consiste dans l'édification d'une maison d'habitation d'une hauteur de plus de 9 mètres, implantée à 3,50 mètres de la limite séparative de leur propriété. Compte tenu de la nature, de l'importance et de la localisation de ce projet, qui crée une vue directe sur le jardin des consorts D... et masque partiellement la vue dont ces derniers jouissent depuis leurs fenêtres sur la vallée de la Touques, les consorts D... justifient d'un intérêt à agir contre le permis de construire du 27 avril 2020 contesté. La fin de non-recevoir opposée sur ce point par la commune de Manneville-la-Pipard et par la SCI Pressoir doit, par suite, être écartée.
En ce qui concerne le permis de construire du 27 avril 2020 et l'arrêté de transfert du 23 novembre 2020 :
8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : /a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ".
9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
10. S'agissant de l'état initial du terrain et de ses abords, il ressort des pièces du dossier que la notice du projet architectural expose que le terrain, qui présente un relief généralement plat, ne nécessite aucune adaptation particulière, que les clôtures existantes seront conservées et que les clôtures nouvelles seront constituées d'essences locales mélangées, mais n'indique pas précisément l'état de la végétation existante. Toutefois, la vue aérienne du terrain d'assiette du projet, figurant au document PCMI 1 joint à la notice ainsi que les deux photographies correspondant aux documents PCMI 7 et 8 montrant, respectivement, une vue rapprochée et une vue éloignée du terrain, et le photomontage correspondant au document PCMI 6 représentant l'insertion du projet dans son environnement permettent de connaître avec suffisamment de précision l'état de la végétation existante sur le terrain d'assiette du projet, conformément aux prescriptions du 1° de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme.
11. S'agissant des partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement, la notice indique que " l'environnement existant est composé de bâtiments rectangulaires de proportions et d'aspect s'assimilant à une architecture contemporaine et traditionnelle ", que les constructions du secteur ont des façades couvertes d'enduit clair et sont couvertes de tuiles ou d'ardoises avec des pentes comprises entre 35° et 45° et que le projet qui consiste dans la réalisation d'une maison individuelle de forme rectangulaire à combles aménagés et garage intégré, recouverte d'un enduit sable beige ocré et dont le pignon sud, visible depuis l'espace public sera agrémenté de colombages en bois et d'harpages d'angle en brique, se fond parfaitement dans l'environnement existant. Par suite, la notice précise les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement, conformément aux exigences du 2° de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) " .
13. Il ressort des pièces du dossier que le document PCMI 2 correspondant au plan de masse du projet ne fait pas apparaître les plantations maintenues, supprimées ou créées. Toutefois, d'une part, le rapprochement du photomontage figurant au document PCMI 6 et des photographies proches et éloignées du terrain, mentionnées au point 10 permettent de déterminer, parmi les plantations existant sur le terrain d'assiette du projet, celles qu'il est prévu de maintenir et celles qui sont vouées à être supprimées. D'autre part, ainsi qu'il a été dit précédemment, la notice du projet architectural indique que les clôtures existantes seront conservées et que les clôtures nouvelles seront constituées d'essences locales mélangées, permettant ainsi de connaître la nature des plantations créées. Dans ces conditions, le caractère partiellement incomplet du plan de masse du projet s'agissant des plantations maintenues, supprimées ou créées, n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ne peut donc qu'être écarté.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".
15. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les travaux projetés n'ont pas pour effet de modifier le profil du terrain. Par suite, le plan de coupe exigé au b) de l'article R. 431-10 précité n'avait pas à faire apparaître l'état initial et l'état futur. La circonstance que le plan de coupe joint au dossier de demande ne distingue pas ces deux états est donc sans incidence sur la légalité du permis de construire contesté. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis comprend plusieurs plans permettant de connaître la situation du terrain d'assiette dans la commune, le projet architectural précisant les principales caractéristiques du tissu bâti environnant et les partis retenus pour assurer l'insertion du bâtiment projeté dans ce tissu bâti, un plan de masse, les plans des façades et des toitures du bâtiment projeté, les plans de coupe des différents niveaux, deux photographies du terrain d'assiette, dont les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de masse, et enfin un document graphique permettant d'apprécier l'impact visuel du bâtiment projeté. Il est vrai que ce dernier document ne permet pas d'apercevoir les bâtiments voisins, et que les photographies du terrain d'assiette ne permettent pas de situer le terrain dans le paysage lointain. Toutefois, il n'apparaît pas, compte tenu des autres pièces figurant au dossier de demande de permis et qui ont d'ailleurs permis à l'architecte des bâtiments de France d'apprécier l'insertion du projet litigieux dans le paysage environnant, que ces insuffisances auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du d) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ne peut donc qu'être écarté.
16. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : "Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
17. Les dispositions du règlement écrit du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes Terre d'Auge, applicables à la zone urbaine UC, dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet prévoient, à la section 2, que : " Les constructions, de quelque nature qu'elles soient, doivent respecter l'harmonie créée par les bâtiments existants et le site. Elles doivent présenter une simplicité de volume, une unité d'aspect et de matériaux compatibles avec la bonne économie de la construction. Elles devront être réalisées en matériaux dont la teinte se rapprochera le plus possible des matériaux traditionnels utilisés dans la région. Tout pastiche d'une architecture archaïque ou étrangère à la région est interdit. ".
18. Ces dispositions du règlement écrit du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes Terre d'Auge ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport à ces dispositions que doit être appréciée la légalité du permis de construire contesté.
19. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé aux entrées sud du bourg de Manneville-la-Pipard, commune située dans le site classé du Pays d'Auge, sur un des côteaux longeant la vallée de la Touques, marqué par un habitat diffus et un paysage de bocage normand. S'il ressort des pièces du dossier que plusieurs bâtisses anciennes à colombage, de type augeron se trouvent dans le secteur du terrain d'assiette du projet, caractérisé par une qualité paysagère certaine, il existe aussi, à proximité du terrain litigieux, plusieurs maisons individuelles récentes, de style traditionnel ou contemporain, surmontées de toits en pente, en ardoises ou en tuile.
20. Il est constant que le bâtiment projeté consiste dans une maison d'habitation individuelle de type rez-de-chaussée + combles, de forme rectangulaire, avec garage intégré, adossé perpendiculairement à la pente. Par son implantation et ses volumes, ce bâtiment respecte l'harmonie des maisons récentes avoisinantes, sur la même hauteur du côteau. Il ressort des pièces du dossier que la teinte des façades du bâtiment, réalisée avec un enduit sable beige ocré, se rapproche de la couleur des matériaux traditionnels utilisés dans la région et s'harmonise avec la teinte plutôt claire des façades des constructions voisines. Par ailleurs, le choix d'une toiture en ardoises et de menuiseries en aluminium anthracite rappelle les matériaux utilisés par certaines maisons du secteur, de style plus contemporain, implantées à proximité du terrain, à flanc de côteau. Il ressort des pièces du dossier que le pignon sud du bâtiment, visible depuis l'espace public est agrémenté de colombages en bois et d'harpages d'angle en brique, qui reprennent les motifs et matériaux architecturaux traditionnels de la région, présents sur plusieurs bâtisses anciennes du secteur. Compte tenu de leur relative discrétion, ces éléments décoratifs d'inspiration néo-normande ne permettent pas, contrairement à ce qui est soutenu, de faire regarder la construction litigieuse comme un " pastiche d'une architecture archaïque " prohibé par les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, par sa conception et son esthétique, la construction litigieuse ne méconnaît pas les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes Terre d'Auge.
21. Il résulte de ce qui précède, et alors que les consorts D... ne soulèvent aucun moyen à l'appui de leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du 23 novembre 2020 transférant le bénéfice du permis de construire à la SCI Pressoir, qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions de leur demande dirigées contre le permis de construire du 27 avril 2020 et l'arrêté du 23 novembre 2020 portant transfert de ce permis de construire ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Caen par la commune de Manneville-la-Pipard tendant à ce que les consorts D... soient condamnés à lui verser une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Manneville-la-Pipard présentées devant le tribunal administratif de Caen sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige d'appel :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCI du Pressoir et la commune de Manneville-la-Pipard, qui n'ont pas la qualité de partie perdante, versent à M. et Mme D... les sommes qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SCI Pressoir et de la commune de Manneville-la-Pipard présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 1er février 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a mis à la charge des consorts D... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Manneville-la-Pipard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Caen par la commune de Manneville-la-Pipard sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. et Mme D... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées, en appel, par la commune de Manneville-la-Pipard et par la SCI Pressoir sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., représentante unique désignée par Me Faro, mandataire, à la SCI Pressoir, à la commune de Manneville-la-Pipard et à M. et Mme E... A... et F....
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. G...
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01055