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15/10/2024 | FRANCE | N°22NT03684

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 15 octobre 2024, 22NT03684


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Total Quadran a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la construction d'une centrale photovoltaïque sur trois parcelles situées lieudit " Les Petites Métairies " sur le territoire de la commune de Saint-Vincent-sur-Oust, ainsi que la décision du 19 décembre 2020 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.



Par un jugement n° 2000749 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Total Quadran a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la construction d'une centrale photovoltaïque sur trois parcelles situées lieudit " Les Petites Métairies " sur le territoire de la commune de Saint-Vincent-sur-Oust, ainsi que la décision du 19 décembre 2020 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 2000749 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions et a enjoint au préfet du Morbihan de délivrer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement, le permis de construire sollicité par la société Total Quadran, le cas échéant assorti de prescriptions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 septembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Total Quadran devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que l'arrêté contesté n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2023, la société Total Quadran devenue société Total Energies Renouvelables France, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- et les observations de Me Boudrot, substituant Me Gelas, représentant la société Total Energies Renouvelables France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 janvier 2019, la société Total Quadran a sollicité un permis de construire pour la réalisation d'une centrale photovoltaïque sur des terrains situés sur le territoire de la commune de Saint-Vincent-sur-Oust, au lieu-dit " les Petites métairies ", cadastrés section ZN n°s 182, 183 et 184, représentant une surface de 8,9 hectares. Par un arrêté en date du 20 septembre 2019, le préfet du Morbihan a refusé le permis de construire sollicité. La société Total Quadran a formé un recours gracieux contre cette décision lequel a été rejeté le 19 décembre 2019. La société pétitionnaire a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces deux décisions. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel du jugement du 23 septembre 2022 par lequel ce tribunal a annulé ces décisions et a enjoint au préfet du Morbihan de délivrer le permis de construire sollicité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) " et aux termes de l'article L. 151-11 de ce code : " I. Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ". Aux termes de l'article R. 123-7 du même code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. "

3. Les dispositions de l'article L. 151-11 citées au point précédent ont pour objet de conditionner l'implantation de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dans des zones agricoles à la possibilité d'exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l'absence d'atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Pour vérifier si la première de ces exigences est satisfaite, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si le projet permet l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d'implantation du projet, au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d'urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s'y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l'emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.

4. Le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Saint-Vincent-sur-Oust prévoit que : " La zone A correspond aux secteurs de la commune à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. / Sont admises dans cette zone les installations et constructions qui ne sont pas de nature à compromettre la vocation de la zone telle que définie ci-dessus et sous réserve de l'existence d'équipements adaptés à leurs besoins, ainsi que les constructions ou installations nécessaires aux services publics ou d'intérêts collectifs ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet contesté s'implantera sur les parcelles cadastrées section ZN n°s 182, 183 et 184, d'une superficie de 8,9 hectares, qui sont classées en zone Aa du PLU communal. Ce projet prévoit l'installation d'une centrale photovoltaïque, d'une surface de 5,9 hectares, composée de 380 tables de panneaux photovoltaïques, pour une puissance totale de 3,8 MWc, qui doit ainsi être regardée comme une installation nécessaire aux services publics autorisée par le PLU dans la zone. Les parcelles d'emprise du projet, dont la terre est d'une qualité médiocre et nécessite pour leur exploitation des intrants et des amendements, supportaient jusqu'à la fin de l'année 2017 des cultures de maïs en grain, mais ne font plus depuis cette date l'objet d'une exploitation agricole. Le projet de centrale photovoltaïque en litige représente seulement 0,82 % de la surface agricole utile de la commune, et laissera subsister sur les parcelles deux hectares de surface fourragère destinée à l'alimentation d'animaux d'élevage, activité agricole qui est présente sur le territoire communal. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet affecterait de manière durable la valeur agronomique des terres. Par ailleurs, le projet en cause prévoit une activité agricole et pastorale, par l'installation d'un élevage ovin sur l'emprise foncière de la centrale photovoltaïque dont il n'est pas démontré que les caractéristiques techniques y feraient obstacle ainsi que d'une activité apicole. L'éleveur ovin qui assurera l'exploitation des parcelles, et dont le siège est situé sur le territoire de la commune voisine, envisage dans ce cadre d'accroitre son troupeau jusqu'à 150 têtes de bétail et de faire de l'élevage son activité principale. En outre, s'il ressort de l'étude agricole que, sur le territoire communal, dans un contexte de réduction du nombre d'élevage, les productions animales étaient, en 2010, constituées seulement de troupeaux de bovins, toutefois, d'une part, ce territoire comportait en 2000 des élevages de brebis nourrices aujourd'hui disparus, et d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'élevage ovin ne pourrait s'y développer alors qu'il est présent dans le département du Morbihan où il représente 8 % de la production agricole. Ainsi, le projet contesté permet effectivement l'exercice d'une activité agricole d'élevage ovin laquelle a vocation à se développer dans la zone. Enfin, les circonstances alléguées selon lesquelles la pérennité économique de l'exploitation agricole ne serait pas garantie et de ce que les contrats conclus avec l'éleveur pour l'exploitation des parcelles ne garantiraient pas l'exploitation agricole ne sont, en tout état de cause, pas établies. Par suite, en refusant de délivrer le permis de construire sollicité, le préfet du Morbihan a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions contestées du préfet du Morbihan des 20 septembre et 19 décembre 2019 et lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Total Energies Renouvelables France et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Total Energies Renouvelables France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à la société Total Energies Renouvelables France.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOYLe président,

S. DEGOMMIER La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03684
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : LPA CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;22nt03684 ?
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