Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat à leur verser respectivement les sommes de 40 000 euros et de 88 918 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'absence de remise en état des parcelles cadastrées section ZH n°s 41, 42 et 43 à la suite de l'annulation du permis d'aménager dont la communauté d'agglomération était titulaire.
Par un jugement n°s 1905381 et 1905382 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné, en son article 1er, la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat à verser à M. B... la somme de 13 000 euros et à M. A... la somme de 1 320 euros, a mis à la charge de la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat, en son article 2, une somme de 1 000 euros à verser à M. B... et une somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 novembre 2022 et 17 janvier 2024, M. D... B... et M. C... A..., représentés par Me Fiannacca, demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 septembre 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat à verser à M. B... une somme de 33 600 euros et à M. A... une somme de 55 920 euros ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat le versement, à chacun, de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les parcelles cadastrées section ZH n°s 41, 42 et 43 n'ont pas été remises dans leur état initial ;
- le préjudice lié au coût de l'apport de terre végétale nécessaire à la remise en état des parcelles doit être évalué à la somme de 33 600 euros, s'agissant de la parcelle cadastrée section ZH n° 41 et à 55 920 euros, s'agissant des parcelles cadastrées section ZH n°s 42 et 43.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2023, la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol de l'Armor à l'Argoat représentée par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. B... et de M. A... ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 septembre 2022 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et de rejeter les demandes présentées par M. B... et M. A... devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de M. B... et de M. A... une somme de 1 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. B... et M. A... ne sont pas fondés ;
- sa responsabilité ne peut être engagée dès lors que les parcelles ont été remises à leur état initial ;
- le préjudice n'est pas établi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Plunier, représentant la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol de l'Armor à l'Argoat.
Une note en délibéré présentée pour la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol de l'Armor à l'Argoat a été enregistrée le 7 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 novembre 2012, le maire de la commune de Paimpol a délivré à la communauté de communes Paimpol Goëlo, devenue depuis lors la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat, un permis d'aménager pour la création d'une zone d'activités ostréicoles et la construction d'un bassin de retenue d'eau de mer sur un terrain situé lieudit " Boulgueff ", comprenant notamment les parcelles cadastrées section ZH nos 41, 42 et 43. Les travaux de terrassement pour l'exécution de ce permis d'aménager ont débuté en juillet 2013. Par un jugement du 11 avril 2014, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 12 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé ce permis d'aménager. M. B..., propriétaire de la parcelle cadastrée section ZH n° 41, et M. A..., exploitant des parcelles cadastrées section ZH nos 41, 42 et 43, ont sollicité auprès de la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'absence de remise en état des parcelles par la communauté d'agglomération. Leurs demandes ayant été implicitement rejetées, ils ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes la condamnation de la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat à les indemniser de leurs préjudices. Ils relèvent appel du jugement de ce tribunal du 23 septembre 2022 par lequel celui-ci a limité à 13 000 euros pour M. B... et à 1 320 euros pour M. A..., le montant de leur indemnisation. Par des conclusions d'appel incident, la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat demande l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. B... et à M. A... les sommes de 13 000 euros et de 1 320 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la communauté d'agglomération :
2. Si la responsabilité de l'administration est susceptible d'être retenue en cas de promesse non tenue, il appartient au demandeur de démontrer l'existence d'un engagement ferme et précis qui n'aurait pas été respecté à son égard.
3. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 19 novembre 2015, adressé au conseil des requérants, la communauté d'agglomération s'est engagée, à la suite de l'annulation du permis d'aménager dont elle était titulaire, à faire procéder aux travaux de remise en état des terrains, et en particulier, s'agissant des parcelles cadastrées section ZH nos 41, 42 et 43, à remblayer les zones terrassées avec de la terre végétale et à effectuer un ragréage de terre végétale en surface. Elle a indiqué à cet égard que le volume important de terre végétale nécessaire proviendrait d'un chantier ne débutant qu'en début de l'année 2016. Il est constant que la communauté d'agglomération a fait intervenir en 2016 une entreprise pour que celle-ci procède à la remise en état de l'ensemble des parcelles concernées.
4. Toutefois, s'agissant de la parcelle cadastrée section ZH n° 41, qui a été terrassée sur la moitié de sa superficie, il résulte des photographies de la parcelle prises à différentes époques, notamment avant les travaux de terrassement réalisés, ainsi que des attestations et des constats d'huissier réalisés les 22 mai 2019 et 27 octobre 2022, qu'il subsiste, après les travaux de remise en état réalisés en 2016, une différence de niveau entre cette parcelle et le chemin d'exploitation qui la borde. L'huissier a ainsi relevé un niveau plus bas que celui du talus bordant la parcelle alors même que les pièces photographiques produites démontrent qu'avant les travaux de terrassement réalisés, une telle différence n'existait pas. Si la communauté d'agglomération fait valoir que les travaux réalisés ont permis la remise dans son état initial de la parcelle mais que les terres sont soumises à un phénomène naturel de tassement, toutefois, une telle circonstance ne permet pas d'expliquer la différence de niveau constatée dès lors que l'ensemble des terres sont soumises à ce tassement, y compris celles qui bordent la parcelle et dont le niveau reste supérieur. Les requérants doivent ainsi être regardés comme apportant la preuve qui leur incombe que cette parcelle, qui a subi le décaissement le plus important car elle devait accueillir le bassin de stockage d'eau de mer et la station de pompage du village ostréicole, n'a pas retrouvé son niveau antérieur aux travaux de terrassement. En ne respectant pas son engagement, formulé de manière suffisamment ferme, certaine et définitive, la communauté d'agglomération doit, par suite, être regardée comme ayant commis une faute du fait d'une promesse non tenue de nature à engager sa responsabilité.
5. En revanche, s'agissant des parcelles cadastrées section ZH n°s 42 et 43, aucune pièce du dossier ne permet d'établir l'état et la topographie des terrains avant la réalisation des travaux de terrassements. Les constats d'huissier produits, qui se bornent à constater l'existence d'une pente importante sur le côté droit des parcelles ainsi qu'une surface irrégulière avec des zones creuses et des zones formant des bosses et à relever qu'une bande de terre borde les parcelles à un niveau plus élevé, ne permettent pas, à eux seuls, d'établir que les parcelles n'auraient pas été remises à leur état initial. Il ressort en revanche du courrier de la communauté de communes du 19 novembre 2015 que la parcelle cadastrée section ZH n° 43 n'a été que très peu impactée par les terrassements et que la parcelle cadastrée section ZH n° 42 n'a été terrassée que dans sa partie nord. Ainsi, les éléments produits sont insuffisants pour apporter la preuve que les travaux réalisés par l'entreprise missionnée par la communauté d'agglomération n'auraient pas permis de les remettre dans leur état initial. Aucune faute ne peut par suite être reprochée à la communauté d'agglomération à raison d'une promesse non tenue pour ces deux parcelles.
En ce qui concerne les préjudices :
6. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct et certain entre les fautes commises par cette personne et le préjudice subi par la victime.
7. S'agissant de la parcelle cadastrée section ZH n° 41, M. B... demande l'indemnisation du seul préjudice résultant pour lui du coût de l'apport de terre végétale nécessaire à la remise à l'état initial de sa parcelle. D'une part, le cabinet de géomètres-experts Géosat a estimé que la remise à niveau de la totalité de la parcelle nécessite un apport de terre végétale d'un volume de 1 418 m3. Toutefois, il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération a indiqué aux propriétaires des parcelles concernées, par un courrier du 19 novembre 2015, qui n'a pas été contesté par ces derniers, qu'environ 50 % de la surface de la parcelle avait fait l'objet de travaux de terrassement pour l'exécution du permis d'aménager. Dans ces conditions, il y a lieu d'estimer la terre végétale nécessaire à la remise à l'état initial de la parcelle à un volume de 709 m3. D'autre part, il ressort du devis de la société ATP Armor Travaux, réalisé le 22 novembre 2022 pour la parcelle en cause, qui est le plus récent et le plus précis produit, que le prix de la terre végétale au m3 s'élève à 24 euros TTC. Dans ces conditions, il sera fait une exacte appréciation du préjudice de M. B... en l'évaluant à la somme de 17 016 euros.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et M. A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rennes a limité la condamnation de la communauté d'agglomération à verser à M. B..., en réparation de son préjudice né du coût de l'apport de terre végétale à réaliser pour la remise à l'état initial de la parcelle cadastrée section ZH n° 41, à la somme de 12 000 euros et à demander que cette somme soit portée à un montant de 17 016 euros. En revanche, la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement et le rejet des conclusions indemnitaires de M. B... et M. A....
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... et de M. A..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat une somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... et M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 12 000 euros que la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat a été condamnée à payer à M. B... en réparation de son préjudice né du coût de l'apport de terre végétale à réaliser pour la remise à l'état initial de la parcelle cadastrée section ZH n° 41 est portée à 17 016 euros.
Article 2 : Le jugement n°s 1905381 et 1905382 du tribunal administratif de Rennes du 23 septembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol Agglomération de l'Armor à l'Argoat versera à M. B... et à M. A... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à M. C... A... et à la communauté d'agglomération Guingamp-Paimpol de l'Armor à l'Argoat.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03651