La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2024 | FRANCE | N°24NT00352

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 11 octobre 2024, 24NT00352


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et d

u séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.



...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane, née le 20 avril 1982, est entrée en France le 5 mai 2022 pour y demander l'asile. Mme A... a demandé, le 17 janvier 2023, un titre de séjour pour raison médicale sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 juin 2023, le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du 9 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

2. En premier lieu, par un arrêté du 2 mai 2023, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 23 du 3 mai 2023, le préfet de la Manche a donné délégation à Mme Perrine Serre, secrétaire générale de la préfecture de la Manche, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, requêtes juridictionnelles et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Manche ", à l'exception de certains actes dont ne font pas partie les décisions relatives au séjour des étrangers en France et à leur éloignement. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, les décisions faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français et fixant le pays de destination comportent les éléments de droit et de fait qui les fondent. Les moyens tirés de ce qu'elles seraient insuffisamment motivées doivent donc être écartés.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. / Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente. / Les informations ou les résultats d'examens complémentaires sollicités sont communiqués dans un délai de quinze jours à compter de la demande formulée par le médecin de l'office. A défaut de disposer de ces éléments dans ce délai, le demandeur atteste avoir entrepris les démarches nécessaires dans ce même délai. Lorsque le demandeur n'a pas accompli les formalités lui incombant conformément aux deux alinéas précédents ou lorsqu'il n'a pas justifié de son identité à l'occasion de sa convocation à l'office, le service médical de l'office en informe le préfet dès l'établissement du rapport médical ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été convoquée par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à une visite médicale, le 3 mai 2023, et pour des examens complémentaires mais que dans les deux cas elle ne s'est pas présentée, sans excuses ni justifications. Mme A... soutient qu'elle n'avait pas été informée de ces demandes d'examens complémentaires. Si les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 qu'elle invoque impliquaient que le médecin de l'office l'informe s'il avait décidé, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné son certificat médical, elles ne lui imposaient aucune règle d'information préalable particulière à l'égard de l'intéressée s'agissant de l'organisation d'examens complémentaires. Par ailleurs, si ces dispositions impliquaient que le service médical de l'office informe le préfet de ce que Mme A... ne s'était pas présentée, le défaut d'une telle information est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

6. En quatrième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin inspecteur n'aurait pas pris en compte le fait que le traitement de Mme A... comportait du Loxapac et que son suivi psychiatrique était susceptible d'interruptions, ni en tout état de cause qu'un défaut d'information ou d'examen sur ce point aurait entaché d'irrégularité l'avis du collège des médecins de l'OFII du 22 mai 2023 sur sa situation médicale.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

7. En premier lieu, il n'est pas établi que Mme A... aurait fait état de traitements inhumains et dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine dans le cadre de sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande au titre de ces stipulations.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

9. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège des médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

10. Le collège des médecins de l'OFII a estimé, dans son avis du 22 mai 2023 sur lequel le préfet de la Manche s'est fondé, que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Les certificats médicaux produits par Mme A... ne sont pas de nature, eu égard à leur portée, à remettre en cause la disponibilité au Nigéria des traitements médicaux nécessités par son état de santé. Le rapport de l'agence de l'Union européenne pour l'asile (AUEA), établi au mois d'avril 2022, qu'elle produit ne suffit pas à contredire l'avis du 22 mai 2023 du collège des médecins de l'OFII. Elle ne produit aucun autre document susceptible d'être probant à ce sujet. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ne pourrait accéder effectivement aux soins et traitements que son état de santé exige. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Manche aurait méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

12. Si Mme A... soutient qu'elle sera exposée à des menaces en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son orientation sexuelle, les éléments qu'elle produit ne sont pas suffisamment probants pour établir la réalité des risques allégués. D'ailleurs, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 29 juillet 2022, confirmée par la cour nationale du droit d'asile le 30 décembre 2022. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de la Manche a méconnu les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est célibataire, sans charges de famille en France et que ses parents, sa sœur et ses frères résident au Nigéria, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans. Elle ne justifie pas d'une intégration particulière du seul fait de ses problèmes de santé. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Manche n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. En cinquième lieu, au regard de ce qui a été dit aux points 10, 12 et 14, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

16. En sixième et dernier lieu, la décision litigieuse de refus de titre de séjour n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français prise par le préfet de la Manche doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision de refus de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

17. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante aux fins d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Bernard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00352
Date de la décision : 11/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-11;24nt00352 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award