Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.
Par un jugement n° 2214318 du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2024, M. B..., représenté par Me Prelaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la même notification et une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de quinze jours à compter de la même notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas régulier dès lors qu'il a omis de répondre au moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée, a été prise sans consultation de la commission du titre de séjour, méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du même code et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, méconnaît les dispositions de l'article 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 16 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien, né le 3 avril 1987, déclarant être entré en France en mars 2011, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles
L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 septembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 29 décembre 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal administratif a répondu au moyen invoqué en première instance et tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour dans le point 15 du jugement attaqué. Dès lors, le jugement n'est pas irrégulier pour ce motif.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, après avoir visé les textes applicables à la situation de M. B..., la décision contestée précise les raisons pour lesquelles le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que l'intéressé ne pouvait pas prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en l'absence d'un visa d'entrée de long séjour, ni sur celui de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment au motif qu'il ne peut justifier d'un contrat de travail visé par les services compétents, ni même sur celui de l'article L. 423-23 du même code au titre de la vie privée et familiale. Elle précise que la circonstance que M. B... a présenté un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er décembre 2021 ne lui ouvre pas droit au séjour, que sa cellule familiale se situe dans son pays d'origine et que l'intéressé ne justifie pas entretenir de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables en France. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation en droit et en fait de l'arrêté attaqué doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié". (...) ". Aux termes de l'article 11 de ce même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 2.3.3 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ; (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".
5. Il résulte de ces stipulations et dispositions que la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " aux ressortissants tunisiens sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien est subordonnée notamment à la présentation d'un visa d'entrée de long séjour.
Il est constant que M. B... est dépourvu d'un tel visa. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié sur ce fondement, n'a pas méconnu ces stipulations et dispositions.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
7. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. M. B..., qui soutient, sans d'ailleurs l'établir, être entré en France en 2011, ne démontre aucune attache familiale stable et durable en France. Par ailleurs, ses parents, deux de ses frères et sa sœur résident en Tunisie où il a par ailleurs vécu jusqu'à l'âge de 24 ans. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances et même si M. B... a pu présenter un contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er décembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique, en refusant de lui délivrer, sur le fondement de son pouvoir discrétionnaire, un titre de séjour en qualité de salarié, n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation et n'a pas, par voie de conséquence, pris une décision disproportionnée au regard de ces motifs.
9. En quatrième lieu, M. B... ne justifie pas être entré régulièrement en France en 2011 ni n'établit une continuité de séjour en France pendant plusieurs années, soit de 2011 à 2013 et de 2015 à 2017. Comme il a été précédemment dit, il ne se prévaut d'aucun lien familial ou personnel alors que, comme il a été dit au point 8, une grande partie de sa famille réside en Tunisie et il ne justifie pas d'une intégration d'une intensité particulière en France. Compte des conditions d'entrée et de séjour en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
10. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour est obligatoirement saisie pour avis, entre autres, lorsque l'autorité administrative envisage de refuser de délivrer ou de renouveler certaines cartes de séjours temporaires, notamment celles prévues aux articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ou lorsqu'elle envisage de rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans. En l'espèce, M. B... ne remplit pas les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il a également sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du même code, il n'établit pas une présence de plus de dix ans en France à la date de l'arrêté contesté. Ainsi, la saisine de la commission du titre de séjour ne présentait pas de caractère obligatoire. Le moyen tiré de ce que la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière en l'absence d'avis de cette commission doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". Le 3° de l'article L. 611-1 est relatif à l'hypothèse où l'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. Comme il a été dit au point 3, il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de la Loire-Atlantique a suffisamment motivé en fait et en droit le refus opposé à la demande de délivrance d'un titre de séjour déposée par M. B.... Dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confondant avec celle du refus de titre de séjour.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Aux termes de l'article 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée. 2. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout État membre. 3. Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des États membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens ou citoyennes de l'Union ". L'article 51 de la charte prévoit que : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
14. La décision portant obligation de quitter le territoire français ne met pas en œuvre le droit de l'Union. Par suite, M. B... ne peut pas utilement invoquer, à l'encontre de cette décision, la méconnaissance des dispositions de l'article 15 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le moyen tiré de ce que la décision méconnaîtrait ces dispositions doit, par suite, être écarté.
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
16. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur .
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Vieville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉLa greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01426