Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à hauteur de 78 267 euros au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement n°2101105 du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2024, M. et Mme A..., représentés par
Me Peters demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 novembre 2023 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à hauteur de 78 267 euros au titre des années 2015 et 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'activité exercée par M. A... en Angola est éligible à l'exonération d'impôt sur le revenu de l'article 81 A du code général des impôts dès lors qu'il existe un lien de subordination entre M. A... et la société Total France ;
- il était affilié à la caisse des français de l'étranger pour la période du 1er mai 2015 au 28 février 2018 ;
- un lien de subordination existe entre M. A... et la société Anotech Energy, société française immatriculée au RCS de Paris comme cela ressort d'une attestation du pôle fiscal de la société ; les billets d'avion étaient pris en charge par la société Anotech France ; il a suivi des formations ; le formulaire P 60 n'a pas été émis car M. A... n'était pas résident Britannique et en conséquence assujetti aux impôts britanniques ; la société Anotech prenait en charge le paiement des impôts en Angola par l'intermédiaire de son partenaire local Sonepral qui s'occupait également des demandes de visas ;
- la subordination de M. A... à la société Anotech et à la société Total ressort également des notes de frais de mai à juin 2015 ;
- la jurisprudence du conseil d'Etat invite à rechercher quel est l'employeur effectif.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a exercé l'activité d'ingénieur sécurité qualité sur des plateformes de production pétrolière (" Material et Welding et NDE Superintendent ") en Angola et a perçu des revenus de source étrangère pour des montants de 102 345 euros en 2015 et de 133 641 euros en 2016 provenant de la société Anotech Energy UK Ltd, établie au Royaume-Uni, qu'il a déclarés comme des salaires relevant du régime d'exonération de l'article 81 A du code général des impôts. Postérieurement à une demande de renseignements et dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration, par une proposition de rectification reçue le 12 novembre 2018, a regardé les revenus de source étrangère perçus par M. A... au cours des années 2015 et 2016 comme relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux. Le service a maintenu cette requalification malgré les observations de M. et Mme A... dans une réponse du 6 février 2020. La réclamation formée par M. et Mme A... a été rejetée par une décision du 18 février 2021. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016. Par un jugement du 8 novembre 2023 dont M et Mme A... relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur requête.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes du I de l'article 81 A du code général des impôts : " I. - Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. / L'employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. L'exonération d'impôt sur le revenu mentionnée au premier alinéa est accordée si les personnes justifient remplir l'une des conditions suivantes : 1° avoir été effectivement soumises, sur les rémunérations en cause, à un impôt sur le revenu dans l'État où s'exerce leur activité et sous réserve que cet impôt soit au moins égal aux deux tiers de celui qu'elles auraient à supporter en France sur la même base d'imposition ; 2° avoir exercé l'activité salariée dans les conditions mentionnées aux premier et deuxième alinéas : soit pendant une durée supérieure à cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois consécutifs lorsqu'elle se rapporte aux domaines suivants : a. chantiers de construction ou de montage, installation d'ensembles industriels, leur mise en route, leur exploitation et l'ingénierie y afférente ; (...) ".
3. Pour l'application de ces dispositions, la circonstance qu'une personne ayant son domicile fiscal en France soit formellement liée par un contrat de travail avec une société établie, tout à la fois, hors de France, d'un autre Etat membre de l'Union européenne et d'un autre Etat membre de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative ne suffit pas, à elle seule, à exclure que cette personne puisse se trouver dans une relation de subordination à l'égard d'un employeur établi en France, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat membre de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative. Dans une telle hypothèse,, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'une argumentation en ce sens, de rechercher si, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce et des justifications produites par le salarié, celui-ci peut être regardé comme ayant été envoyé, pour l'exercice de son activité salariée, par un employeur établi en France, au sein d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat membre de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative, dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur et, par suite, comme relevant du champ d'application de l'exonération prévue au I de l'article 81 A du code général des impôts. En outre, pour l'application du I de l'article 81 A du code général des impôts, l'existence d'une activité salariée implique l'existence d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
4. Il résulte de l'instruction que M. A... a exercé au cours des années 2015 et 2016 l'activité d'ingénieur sécurité qualité (" Welding Superintendant ") sur des plateformes de production pétrolière en Angola tout en ayant, avec son épouse, son domicile fiscal en France conformément aux dispositions de l'article 4 B du code général des impôts. Le document intitulé " contract of employment ", mentionne que la société Anotech Energy UK Ltd consent à employer M. A... et à lui verser ses rémunérations et qu'il consent à être employé, conformément aux articles définis dans ce contrat et aux conditions détaillées dans la " lettre de nomination " dite
" letter of appointment " signée par M. A... avec la société Total E et P Angola, laquelle précise la date de début de l'engagement, le lieu de travail, la durée de l'emploi, les horaires et le calendrier de travail et la rémunération.
5. Toutefois, il ne résulte pas des stipulations du " contract of employment ", qui concernent pour l'essentiel les rémunérations versées à M. A... et qui ne comportent aucune règlementation propre aux salariés en matière de cotisations sociales et d'impôts, la réalité d'un lien de subordination caractérisé par un pouvoir de direction et de sanction de l'entreprise Anotech envers M. A.... En effet, le " contract of employment " se borne à mettre M. A... à disposition de la société Total EetP Angola dans le cadre d'un contrat de prestation de service. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que M. A..., qui n'a produit que des contrats le liant à la société Anotech établie en Grande -Bretagne, aurait été envoyé en Angola par une société du groupe Total établie en France ou dans l'un des autres États mentionnés à l'article 81 A du code général des impôts rappelé au point 2.
6. Par ailleurs, les notes de frais produites et l'affiliation à la caisse des français à l'étranger ne sauraient établir à elles seules l'existence d'un lien de subordination.
7. Enfin, M. A... ne rapporte pas la preuve, en se prévalant de l'attestation de la société Sonepral, de ce que les sommes qu'il a perçues auraient été imposées à impôt sur le revenu en Angola pour un montant au moins égal aux deux tiers de l'impôt sur le revenu que ces sommes auraient supportées en France sur la même base d'imposition.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, le tribunal administratif de Rennes, a rejeté leur demande de décharges des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2015 et 2016.
Sur les frais de justice :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser la somme que demandent M. et Mme A... au titre des frais de justice.
D E C I D E :
Article 1er : la requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0003002