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08/10/2024 | FRANCE | N°23NT03788

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 08 octobre 2024, 23NT03788


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti à hauteur de 219 930 euros au titre de l'année 2015 ainsi que celle des pénalités correspondantes.



Par un jugement n°2101335 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 décembre 2023 et un mémoire enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti à hauteur de 219 930 euros au titre de l'année 2015 ainsi que celle des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°2101335 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 3 juin 2024, M. A..., représenté par Me Seiler, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 octobre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2021 de rejet de sa réclamation ;

3°) la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti à hauteur de 219 930 euros au titre de l'année 2015 ainsi que celle des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en retenant que la société n'avait pas procédé au réinvestissement de plus de 50% du produit de la cession des parts de la SARL Isonorm à la SASU TST International dans une activité économique, le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit ; la notion d'investissement au sens des dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts qui permet de placer une plus-value en report d'imposition doit être appréciée à la date de sa réalisation effective c'est-à-dire à la date où il est intégré à l'activité économique, peu important la date de règlement du ou des fournisseurs ;

- le report d'imposition cesse lorsque les titres apportés sont cédés dans un délai de trois ans à compter de l'apport et que le produit de la vente n'a pas été réinvesti dans les deux ans et à plus de 50 % dans une activité économique ; le non-respect éventuel de la condition de réinvestissement fait tomber le report d'imposition au titre de l'année d'expiration du délai de

2 ans, soit au cas particulier au titre de l'année 2017 et non de l'année 2015, quand bien même certaines obligations déclaratives n'auraient pas été respectées ;

- si la société bénéficiaire de l'apport n'a pas souscrit explicitement d'engagement de réinvestissement en 2015, à la date du 30 septembre 2017, le réinvestissement économique avait été réalisé pour un montant total de 317.481 euros (302.481 euros + 15.000 euros de titres souscrits) mais n'a figuré en tant que tel au bilan de la Sasu Tst International qu'une fois le règlement auprès des fournisseurs effectivement réalisé au moyen de sa trésorerie et à l'origine de l'accroissement du compte-courant ;

- les premiers juges ont considéré à tort que faute d'avoir respecté ses obligations déclaratives, la société requérante ne pouvait prétendre au régime du report d'imposition, et qu'il y avait donc bien lieu d'imposer la plus-value initialement reportée au titre de l'année 2015 (année de la cession des titres Isonorm) ; les dispositions des articles 74 0-M et 74-0 L de l'annexe II au code général des impôts n'instituent que des obligations déclaratives qui ne constituent pas des conditions de fond ; aucune obligation déclarative n'est mentionnée à l'article 150-0 B ter du code général des impôts comme conditionnant le régime du report d'imposition ; de plus, les obligations déclaratives des articles 74-0 K et suivants de l'annexe II au code général des impôts n'étaient pas applicables à la date de cession des titres Isonorm.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 14 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 juillet 2013, M. A... a apporté à la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) TST International la totalité des parts qu'il détenait dans le capital de la société à responsabilité limitée (SARL) Isonorm. La plus-value dégagée à l'occasion de cet apport, d'un montant de 1 549 000 euros, a été placée en report d'imposition sur le fondement de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. La SASU TST International a cédé 700 titres de la SARL Isonorm le 15 avril 2015 pour la somme de 584 600 euros, puis 300 titres le 20 novembre 2015 pour la somme de 41 000 euros. L'administration a remis en cause le report d'imposition de la plus-value réalisée lors de l'apport des titres dès lors qu'aucun engagement d'investir au moins

50 % du produit de la cession des titres dans un délai de deux ans n'avait été pris ou effectué par la société TST International en méconnaissance de ses obligations déclaratives au sens du 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts et a considéré que la plus-value était imposable au titre de l'année 2015, année de cession des titres apportés. La réclamation préalable formée par M A... le 24 juin 2020 a été rejetée par courrier du 14 janvier 2021. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti. Par jugement du 18 octobre 2023 dont M A... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.

Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu :

2. Aux termes de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I.- L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. (...) Il est mis fin au report d'imposition à l'occasion : (...) 2° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés, si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l'apport des titres. Toutefois, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans à compter de la date de l'apport et prend l'engagement d'investir le produit de leur cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit, dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l'exception de la gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier, dans l'acquisition d'une fraction du capital d'une société exerçant une telle activité, sous la même exception, et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle au sens du 2° du III du présent article, ou dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l'augmentation de capital d'une ou plusieurs sociétés répondant aux conditions prévues au d du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter et aux b et c du 2° du I de l'article 199 terdecies-0 A. Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans expire (...) La fin du report d'imposition entraîne l'imposition de la plus-value dans les conditions prévues à l'article 150-0 A, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date de l'apport des titres, en cas de manquement à la condition de réinvestissement mentionnée au 2° du présent I. (...) VI.- Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables et des sociétés bénéficiaires de l'apport des titres. ".

3. L'article 150-0 B ter du Code général des Impôts prévoit un mécanisme de report d'imposition de la plus-value constatée lors de l'apport de titres à une société contrôlée par l'apporteur. Ce report d'imposition cesse en cas de cession des titres reçus en échange ou encore lorsque les titres apportés sont cédés dans un délai de trois ans à compter de l'apport et que le produit de la vente n'a pas été réinvesti dans les deux ans et à plus de 50% dans une activité dite " économique ".

4. Pour remettre en cause le report d'imposition de la plus-value réalisée lors de l'apport des titres, l'administration a considéré qu'aucun engagement d'investir au moins 50 % du produit de la cession des titres dans un délai de deux ans n'avait été pris ou effectué par la société TST International au moment de la vente des titres en 2015, en méconnaissance des dispositions du 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. Cependant, alors que le point VI de l'article 150-0 B ter, dans sa version applicable, prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat doit fixer les conditions d'application de l'article, et notamment les obligations déclaratives des contribuables, les dispositions de l'article 74-0 L de l'annexe II au code général des impôts qui soumettent la société bénéficiaire de l'apport à l'obligation de mentionner diverses informations dans une attestation annexée à sa déclaration de résultat de l'année de survenance d'un des évènements mentionnés à la première phrase du 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, sont issues du décret n° 2016-177 du 22 février 2016. Par suite, la société TST international n'était assujettie à aucune obligation déclarative conditionnant son éligibilité au régime du report d'imposition au titre de l'année 2015. M A... est donc fondé à soutenir que l'administration ne pouvait remettre en cause le report d'imposition de la plus-value réalisée lors de l'apport des titres au motif qu'aucun engagement d'investir au moins 50 % du produit de la cession des titres dans un délai de deux ans n'avait été souscrit par la société TST International en 2015, année de cession des titres apportés.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti à hauteur de 219 930 euros au titre de l'année 2015 ainsi que celle des pénalités correspondantes.

Sur les frais de justice :

6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M A... au titre des frais de justice en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : le jugement n°2101335 du 18 octobre 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : M. A... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti à hauteur de 219 930 euros au titre de l'année 2015 ainsi que celle des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'État est condamné à verser à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0378802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03788
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS OLYMPE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23nt03788 ?
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