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08/10/2024 | FRANCE | N°23NT02360

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 08 octobre 2024, 23NT02360


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS 2CED a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer à titre principal, la restitution des sommes de 23 972 euros, 77 670 euros et 77 670 euros au titre du crédit d'impôt innovation en raison des dépenses qu'elle a respectivement engagées en 2016, 2017 et 2018 et de désigner, à titre subsidiaire, un expert ayant pour mission de se prononcer sur l'éligibilité à ce crédit d'impôt des projets qu'elle a menés au cours de ces trois années.



Par un jugement n° 2000969 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS 2CED a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer à titre principal, la restitution des sommes de 23 972 euros, 77 670 euros et 77 670 euros au titre du crédit d'impôt innovation en raison des dépenses qu'elle a respectivement engagées en 2016, 2017 et 2018 et de désigner, à titre subsidiaire, un expert ayant pour mission de se prononcer sur l'éligibilité à ce crédit d'impôt des projets qu'elle a menés au cours de ces trois années.

Par un jugement n° 2000969 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet 2023 et les 19 et 20 juin 2024, le SAS 2CED, représentée par Me Tailfer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, la désignation d'un expert ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la plateforme sur internet, " Allovoisins " s'est développée avec un ensemble de nouveaux produits présentant des performances fonctionnelles inédites sur le marché des plateformes de l'économie collaborative ; les dépenses engagées visaient à la création de nouveaux services en 2016, 2017 et 2018 ; les nouveaux produits lui permettent de bénéficier du crédit d'impôt innovation qui est prévu par les dispositions du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ;

- elle se prévaut, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prescriptions de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-45-10.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 février et 8 et 18 juillet 2024, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS 2CED ne sont pas fondés.

Par ordonnance n°23NT02360 QPC du 26 juillet 2024, le président de la première chambre de la cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SAS 2CED.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 mai 2019, la SAS 2CED, dont l'activité consiste à traiter des données informatiques en éditant une plateforme sur internet, dénommée " Allovoisins ", qui a pour objet de fournir, à travers une solution digitale, un service d'échange de services ou de matériels entre particuliers et voisins, a déposé trois déclarations modèle n° 2069-A afin de bénéficier d'un crédit d'impôt innovation dont elle a demandé la restitution au titre des années 2016, 2017, 2018, soit un montant total de 179 312 euros représentant 20 % des dépenses d'innovation. Le 26 août 2019, elle a produit un dossier technique à la demande de l'administration. Par une décision du 19 novembre 2019, le service a considéré que les travaux réalisés par la SAS 2CED ne constituent pas des travaux d'innovation, au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts. Par un jugement du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société tendant à la restitution des sommes de 23 972 euros, 77 670 euros et 77 670 euros au titre du crédit d'impôt innovation en raison des dépenses qu'elle a respectivement engagées en 2016, 2017 et 2018 et à la désignation, à titre subsidiaire, d'un expert ayant pour mission de se prononcer sur l'éligibilité à ce crédit d'impôt des projets qu'elle a menés au cours de ces trois années. La SAS 2CED relève appel de ce jugement.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration des impôts peut contrôler les dépenses déclarées au titre du crédit d'impôt innovation sans être tenue de saisir les services du ministère chargé de la recherche et de la technologie, Ainsi, il était loisible à l'administration d'examiner l'éligibilité des travaux au dispositif du crédit d'impôt innovation sans avoir recours préalablement à une expertise. Dès lors, l'absence d'expertise ne constitue pas un manque de loyauté à l'égard de la société requérante, qui n'a au demeurant pas formulé de demande de rescrit auprès des services du ministère de la recherche ou de l'administration fiscale, comme le permet le 3° bis de l'article L. 80 B du code général des impôts.

3. En second lieu, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / k) Les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises (...) définies comme suit : / 1° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits autres que les prototypes et installations pilotes mentionnés au a ; / 2° Les dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations mentionnées au 1° ; / 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations mentionnées au 1° ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au 1° et de 43 % des dépenses de personnel mentionnées au 2° ; (...) / Pour l'application du présent k, est considéré comme nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui satisfait aux deux conditions cumulatives suivantes : - il n'est pas encore mis à disposition sur le marché ; - il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l'écoconception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités.(...) ". Il résulte des dispositions précitées que c'est la nature de l'activité même qui conditionne l'éligibilité au dispositif du crédit d'impôt innovation. Sont éligibles aux dispositions du k du II de cet article les opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits tels que définis par ce même k. Pour l'application du k du II du même article est considéré comme nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui satisfait à la condition qu'il n'est pas encore mis à disposition sur le marché et à celle qu'il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l'éco-conception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités.

4. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, et compte tenu, le cas échéant, de tous éléments produits par l'une ou l'autre des parties, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

5. La SAS 2CED a développé un site dont le nom commercial est " Allovoisins ", créé en 2013, et a pour objet de " favoriser l'économie collaborative en fournissant à travers une solution digitale un service d'échange de services ou de matériel entre particuliers, entre voisins ". Elle soutient qu'elle fait évoluer cette plateforme en 2016, 2017 et 2018 par diverses innovations et soutient que les dépenses engagées visaient à la création de nouveaux services.

6. Il résulte du dossier technique présenté par la société que celle-ci a créé en 2016 un outil d'analyse de la sémantique de l'annonce permettant de proposer les catégories de services en relation avec la demande et un algorithme de tri des offres et en 2018 deux nouveaux services " Premium " et " moment de vie ", ce dernier service permettant au demandeur de formuler plusieurs demandes sur un formulaire unique. Toutefois, l'ensemble de ces nouveaux services, bien qu'il " offre la possibilité pour un offrant d'apparaitre de manière plus visible sur la plateforme aux demandeurs en fonction de leur distance et de la catégorie de service que l'offrant propose ", a pour seul objet d'améliorer l'offre de services à l'usager. Alors même que ces développements avaient sans conteste l'objectif d'obtenir des fonctionnalités supérieures au logiciel mis sur le marché en 2013, il n'est pas justifié que ces fonctionnalités se distingueraient substantiellement de celles dont sont dotés les autres produits déjà présents sur le marché par des performances supérieures, alors même que cette plateforme serait, selon la société, " actuellement leader sur ce marché et compte plus de 3 millions d'utilisateurs répartis dans toute la France. ". De tels services dotés de nouvelles fonctionnalités, qui relèvent de l'adaptation limitée de produits existants, ne remplissent pas la condition de nouveauté d'un produit à laquelle est subordonné le bénéfice des dispositions du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts alors que la société estime que " l'ensemble de ces nouveaux produits présentent des performances fonctionnelles inédites sur le marché des plateformes de l'économie de collaborative ". Au demeurant, la société, qui se contente de produire un simple descriptif des nouvelles fonctionnalités proposées aux usagers de sa plateforme, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les produits sont innovants, et que les dépenses retenues sont relatives à des opérations de conception de prototype ou d'une installation pilote des nouveaux produits.

7. En 2017, la société requérante a conçu et développé un algorithme de prix des abonnements et des algorithmes permettant une modulation du prix d'un service particulier en fonction de la demande et non d'une nouvelle tarification générale. Compte tenu de leur nature, ces algorithmes, qui ont seulement pour effet d'améliorer la fidélité des utilisateurs, n'entrent pas dans les prévisions d'un crédit d'impôt innovation prévu par les dispositions du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Si la société entend revendiquer, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice des prescriptions de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-45-10, elle n'est en tout état de cause pas fondée à s'en prévaloir dès lors que cette instruction ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il est fait application dans le présent arrêt.

9. Il résulte de ce qui précède que la SAS 2CED n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS 2CED est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS 2CED et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et l'industrie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02360
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : TAILFER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23nt02360 ?
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