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08/10/2024 | FRANCE | N°23NT02025

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 08 octobre 2024, 23NT02025


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes :

- de dire que la signature par M. G... A... des relevés de notes des UE 6 et 7 du 2 septembre 2021 a été obtenue suite à des manœuvres dolosives entachant de nullité ces documents ;

- de rejeter les relevés de notes pour les UE 6 et 7, de fixer une note neutre de 10/20 pour les deux épreuves et d'en tirer les conséquences en déclarant M. D... A... reçu à la licence pr

ofessionnelle " Gestion technique du patrimoine immobilier " de l'IUT de Brest Morlaix ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes :

- de dire que la signature par M. G... A... des relevés de notes des UE 6 et 7 du 2 septembre 2021 a été obtenue suite à des manœuvres dolosives entachant de nullité ces documents ;

- de rejeter les relevés de notes pour les UE 6 et 7, de fixer une note neutre de 10/20 pour les deux épreuves et d'en tirer les conséquences en déclarant M. D... A... reçu à la licence professionnelle " Gestion technique du patrimoine immobilier " de l'IUT de Brest Morlaix ;

- d'ordonner à l'IUT de Brest-Morlaix d'émettre un nouveau bulletin de notes et de lui transmettre le diplôme de licence professionnelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de dire que M. B... F..., M. C... E..., ainsi que le directeur de l'IUT ont commis des actes de concussion en bande organisée.

Par une ordonnance n° 2206037 du 2 mai 2023, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 juillet 2023, 24 avril 2024, 7 et 20 juin 2024, M. D... A... et M. G... A..., représentés par Me Verdier-Villet, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rennes du 2 mai 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 2 décembre 2021 par laquelle le directeur de l'IUT de Brest-Morlaix a confirmé l'ajournement de M. D... A... à la licence professionnelle GTPI pour l'année scolaire 2020/2021 et donc la décision d'ajournement ;

3°) d'enjoindre à l'IUT de Brest- Morlaix délivrer le diplôme de la licence Pro GTPI pour l'année scolaire 2020/2021 ;

4°) subsidiairement, d'ordonner à la partie adverse de communiquer les feuilles d'émargement de la soutenance des deux mémoires signés par les membres du jury du 2 septembre 2021 des épreuves 6 et 7 à partir desquelles le jury de l'université de Bretagne occidentale a pris sa décision d'ajourner M. D... A... ;

5°) de mettre à la charge de l'université de Bretagne Occidentale le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le juge de première instance a rejeté leur demande comme

irrecevable ;

- la nullité des relevés de notes sur les UV 6 et 7 inférieurs à 10 prive de base légale la décision du jury de l'IUT ;

- la décision d'ajournement formalisée dans son courrier du 2 décembre 2021 a été prise aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que les signatures des membres du jury et notamment M. G... A... ont été apposés avant que les notes ne soient décidées ; aucune disposition n'obligeait M. G... A... à se retirer de la délibération fixant la note de M. D... A... ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2024, l'université de Bretagne Occidentale (UBO) conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. M A..., comme manifestement irrecevable en application des dispositions du 4° de l'article R 222-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, la requête devra être rejetée par la cour sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- à titre infiniment subsidiaire, les moyens soulevés par M. M A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du 6 décembre 2019 portant réforme de la licence professionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me de Saint Seine, substituant Me Verdier, représentant

M.M A... et de Me Marani, substituant Me Coudray, représentant l'Université de Bretagne Occidentale.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... était inscrit en licence professionnelle " Gestion technique du patrimoine immobilier (GTPI) de l'Institut universitaire de technologie de l'Université de Bretagne Occidentale au titre de l'année 2020/2021. Dans le cadre de sa formation,

M. D... A... a conclu un contrat d'apprentissage avec la société de M. G... A..., son père. A l'issue de la soutenance de son mémoire professionnel le 28 août 2021,

M. D... A... a été ajourné à la session de l'examen de cette licence, par une délibération du jury du 14 septembre 2021. Le relevé des notes obtenues faisant apparaitre qu'il a obtenu notamment 9/20 aux unités d'enseignement (UE) 6 " Application de synthèse- projet " et UE 7 " Applications professionnelles- mémoire " et mentionnant qu'il était ajourné lui a été communiqué le 22 septembre 2021. Le 18 octobre 2021, l'intéressé a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision d'ajournement qui a été rejeté par une décision du 2 décembre 2021. Par une ordonnance du 2 mai 2023, dont M. D... A... et M. G... A..., son père, relèvent appel, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes sur le fondement du 4° de l'article R 222-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ".

3. En premier lieu, les notes obtenues par M. D... A... à l'issue des épreuves UE 6 et UE 7 ne sont pas détachables de la décision prise par le jury au vu de l'ensemble des épreuves subies par les candidats dans le cadre de la licence GTPI. Par suite, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, elles ne présentent donc pas le caractère d'une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir de sorte que le moyen tiré de ce que la nullité des relevés de notes sur les UV 6 et 7 inférieurs à 10 prive de base légale la décision du jury doit être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, les requérants ne contestent pas l'irrecevabilité opposée par le premier juge s'agissant des conclusions tendant à dire que la signature par M. G... A... des relevés de notes des UE 6 et 7 du 2 septembre 2021 a été obtenue suite à des manœuvres dolosives entachant de nullité ces documents et que M. B... F..., M. C... E..., ainsi que le directeur de l'IUT ont commis des actes de concussion en bande organisée.

5. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". L'article R. 421-5 de ce code dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable.

6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

7. Pour rejeter comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M.M. D... et G... A... tendant à l'annulation de la délibération du jury prononçant son ajournement, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rennes a considéré que ces conclusions à fin d'annulation étaient tardives car ayant été présentées plus d'un après la date à laquelle

M. D... A... avait eu connaissance de la décision litigieuse. Il ressort des pièces du dossier que le relevé de notes matérialisant cette délibération lui a été adressé le 22 septembre 2021 par l'IUT de Brest-Morlaix. M. A... a eu connaissance de cette délibération au plus tard le 18 octobre 2021, date à laquelle, selon ses propres écritures, il a présenté un recours contre cette décision. Ainsi, à la date de son enregistrement, plus d'un an après, le 1er décembre 2022, la requête de M.M. D... et G... A... était effectivement tardive et donc irrecevable.

8. Toutefois, il ressort de la demande présentée par ces derniers, sans ministère d'avocat, devant le tribunal administratif de Nantes que les requérants ont entendu contester également la légalité de la décision du 2 décembre 2021 par laquelle le directeur de l'IUT de Brest-Morlaix a confirmé l'ajournement de M. D... A... à la licence professionnelle GTPI pour l'année scolaire 2020/2021 et qu'ils avaient d'ailleurs joint à leur demande. Ces conclusions à fin d'annulation n'ont été ni visées ni analysées par le vice-président du tribunal administratif, qui n'y a pas davantage statué. Dès lors, l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu'elle omet de statuer sur ces conclusions.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que, l'ordonnance du 2 mai 2023 est irrégulière uniquement en tant qu'elle a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 décembre 2021 par laquelle le directeur de l'IUT de

Brest-Morlaix a confirmé l'ajournement de M. D... A... à la licence professionnelle GTPI pour l'année scolaire 2020/2021 et doit être annulée dans cette seule mesure. Il y a lieu de se prononcer immédiatement sur ces conclusions, par la voie de l'évocation, et de rejeter le surplus des conclusions de la requête M.M. D... et G... A....

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 2 décembre 2021 :

10. Aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable aux faits du présent litige : " Les enseignements supérieurs sont organisés en liaison avec les milieux professionnels : (...) 2° Les praticiens contribuent aux enseignements ; (...) ". Aux termes de l'article 13 de l'arrêté du 6 décembre 2019 : " La licence est délivrée sur proposition d'un jury désigné en application des articles L. 613-1 et L. 613-4 du code de l'éducation. Ce jury comprend, pour au moins un quart et au plus la moitié, des professionnels des secteurs concernés par la licence professionnelle. (...) "

11. Il résulte de l'instruction que M. D... A... a suivi les enseignements de la licence GTPI en alternance et a conclu à cette fin le 5 juillet 2020 un contrat d'apprentissage avec la Résidence de Kerangaërel dirigée par M. G... A..., son père qui a été par ailleurs désigné comme étant son maitre de stage. Au terme de l'année universitaire et afin d'obtenir sa note correspondant aux UE 6 " Application de synthèse- projet " et UE 7 " Applications professionnelles- mémoire ". M. D... A... a soutenu son rapport de stage le 28 août 2021 devant un jury composé notamment M. C... E..., directeur adjoint à l'IUT et chef du département Génie civil, M. B... F..., tuteur de stage d'une autre étudiante et M. G... A... maitre de stage. A l'issue de cette soutenance, la note de 9/20 a été attribuée à M. D... A... pour les UE 6 et 7 ce qui a conduit le jury présidé par

M. C... E..., à ajourner l'intéressé et lui refuser la délivrance du diplôme de licence.

12. Il est constant que M. G... A..., qui a participé au jury de soutenance du rapport de stage de son fils en tant que maitre de stage, n'était pas membre du jury de la licence professionnelle " Gestion technique du patrimoine immobilier (GTPI) de l'Institut universitaire de technologie de l'Université de Bretagne Occidentale au titre de l'année 2020/2021. Les requérants soutiennent que la décision d'ajournement du jury de licence est irrégulière en conséquence de l'irrégularité des relevés de notes signés par les membres du jury de soutenance au motif qu'au moment de leur signature, ils ne comportaient aucune note et auraient donc été antidatés. A la suite d'une mesure d'instruction, l'université a indiqué ne pas avoir retrouvé trace de tels documents. En tout état de cause, quel que soit le document signé par M. G... A... à l'issue de la soutenance de son mémoire de fin d'études de son fils, les notes attribuées à ce dernier pour la délivrance du diplôme relevaient de la seule compétence du jury d'examen de la licence professionnelle GTPI dont la composition a été régulièrement fixée par un arrêté du vice-président de l'Université de Bretagne Occidentale (UBO). Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la décision d'ajournement a été prise aux termes d'une procédure irrégulière. Les conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 décembre 2021 par laquelle le directeur de l'IUT de Brest-Morlaix a confirmé l'ajournement de M. D... A... à la licence professionnelle GTPI pour l'année scolaire 2020/2021 doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Bretagne Occidentale, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... A... et M. G... A... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M.M A... la somme demandée par l'université de Bretagne Occidentale au même titre.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 2 mai 2023 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée en tant qu'elle omet de statuer sur les conclusions de M. D... A... et M. G... A... dirigées contre la décision du

2 décembre 2021 par laquelle le directeur de l'IUT de Brest-Morlaix a confirmé l'ajournement de M. D... A... à la licence professionnelle GTPI.

Article 2 : La demande présentée par M. D... A... et M. G... A... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du 2 décembre 2021 par laquelle le directeur de l'IUT de Brest-Morlaix a confirmé l'ajournement de M. D... A... à la licence professionnelle GTPI et le surplus de leurs conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'université de Bretagne occidentale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., M. G... A... et à l'université de Bretagne occidentale.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02025
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL & CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23nt02025 ?
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