Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F... et Mme A... G... ont, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 7 juin 2023 par lesquels le préfet du Morbihan a rejeté leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et les a astreints à remettre l'original de leur passeport et à se présenter régulièrement au commissariat de Vannes ;
Par deux jugements portant les numéros 2304104 et 2304105 datés du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2024, M. F... et Mme G..., représentés par Me Roilette, demandent à la cour :
1°) d'annuler les jugements nos 2304104 et 2304105 du 16 octobre 2023 par lesquels le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;
2°) d'annuler les arrêtés du 7 juin 2023 par lesquels le préfet du Morbihan a rejeté leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et les a astreints à remettre l'original de leur passeport et à se présenter régulièrement au commissariat de Vannes ;
3°) d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, au préfet du Morbihan de délivrer à M. F... et à Mme G... une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, d'enjoindre sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, au préfet du Morbihan de réexaminer la situation de M. F... et de Mme G..., dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans les deux cas sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Roilette d'une somme de 2 500 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
Sur les décisions de refus de séjour :
- elles sont insuffisamment motivées et souffrent d'un défaut d'examen sérieux de leur situation ;
- le préfet a méconnu les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit des étrangers et l'arrêté du 7 juin 2023 et commis une erreur manifeste d'appréciation en ne leur accordant pas le titre de séjour sollicité au regard de l'état de santé de leur fils cadet, D... ;
- leur situation de parents de deux enfants mineurs dont l'un atteint d'une maladie génétique très rare justifiait que le préfet les admettent exceptionnellement au séjour dans le cadre de ses pouvoirs propres ou sur le fondement des articles L. 435-1 ou L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portent une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale en application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les obligations de quitter le territoire français :
- elles ne sont pas motivées et souffrent d'un défaut d'examen sérieux de leur situation ;
- ils sont fondés à se prévaloir de l'illégalité des décisions de refus de séjour ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant tenu de les éloigner du fait du refus de leurs demandes de titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur les avis du collège de médecins de l'OFII des 16 septembre 2022 et 2 mai 2023 sans tenir compte que la prise en charge de leur fils D... par les médecins spécialistes en maladies génétiques du CHU de Nantes ne datait que de décembre 2022 ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le préfet n'a pas accordé une considération primordiale à l'intérêt supérieur de ses deux enfants en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur les décisions fixant le pays de destination :
- elles ne sont pas motivées et souffrent d'un défaut d'examen sérieux ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en omettant de prendre en compte l'inexistence d'une possibilité de suivi pluridisciplinaire par des médecins généticiens dans le système de santé défaillant de la Géorgie ;
- les décisions portent une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de sa vie privée et familiale qu'ils tiennent de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet n'a pas accordé une considération primordiale à l'intérêt supérieur de ses deux enfants en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur les décisions les obligeant à remettre leur passeport et à se présenter deux fois par semaine au commissariat de Vannes :
- les décisions sont insuffisamment motivées et souffrent d'un défaut d'examen sérieux ;
- ils sont fondés à se prévaloir de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et portent une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2024, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et que les autres moyens soulevés par M. F... et Mme G... ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2024.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme G... a été déclarée caduque par une décision du 7 février 2024
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Marion.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... et Mme G... sont un couple de ressortissants géorgiens nés respectivement en 1993 et 1994. Entrés régulièrement en France le 29 janvier 2022, accompagnés de leurs deux enfants, C... et D..., nés en 2014 et 2019, ils ont sollicité l'asile. Leurs demandes examinées en procédure accélérée ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 mai 2022. Leurs recours formés contre ces décisions ont été rejetés, le 21 septembre 2022, par la Cour nationale du droit d'asile. Par une demande du 2 mars 2022, réitérée le 21 décembre 2022, ils ont sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parents d'un enfant malade, en raison de l'état de santé de leur plus jeune fils, D.... Le 7 juin 2023, le préfet du Morbihan a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a imposé de remettre l'original de leurs passeports et de se présenter deux fois par semaine au commissariat de Vannes. Par deux jugements datés du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. M. F... et Mme G... relèvent appel de ces jugements.
Sur les décisions de refus de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, les décisions visent le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Elles font état de ce que le couple, parents de deux enfants mineurs, s'est vu opposer des décisions de refus d'asile, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, ainsi que des refus de séjour en qualité de parents d'un enfant malade, en l'occurrence D..., au motif que si l'état de santé de ce dernier nécessitait une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité, il existait une prise en charge adaptée dans le pays d'origine. Les refus de séjour précisent également que le couple qui a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans en Géorgie ne séjourne que depuis 1 an et 5 mois en France et n'a pas communiqué, à la date des décisions en litige, d'autres informations relatives à sa situation personnelle de nature à établir des liens intenses et stables avec la France. Par suite, les décisions sont suffisamment motivées en droit et en fait.
3. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucun élément de leur dossier ne permet de retenir que leur situation personnelle telle que le préfet a pu en avoir connaissance n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier. Ainsi le moyen tiré de l'absence d'examen sérieux de leur situation personnelle ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...)". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ..., se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois (...) Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". L'article R. 425-11 du même code prévoit : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que D..., le fils cadet des requérants, souffre du syndrome d'Hajdu-Cheney, une maladie génétique rare touchant principalement le système ostéo-articulaire. Cette maladie, diagnostiquée après sa naissance en Géorgie, est, en l'état actuel de la science, incurable. En l'absence de traitement, seuls les effets de cette maladie peuvent être retardés ou soulagés par des traitements symptomatiques. Les requérants soutiennent que le préfet a méconnu les dispositions des articles précitées en se bornant à faire siens les avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration des 16 septembre 2022 et 2 mai 2023 par lesquels l'Office conclut à ce que l'état de santé de D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une extrême gravité mais que ce dernier pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Géorgie. Néanmoins, pour contester ce dernier point, les requérants se bornent à produire un certificat médical de consultation à distance de leur médecin traitant géorgien datée du 22 janvier 2022 les invitant à aller à l'étranger " pour bien gérer les problèmes liés à l'ostéolyse " de D... et faisant état de ce " qu'en raison de la nature extrêmement rare de cette maladie, il n'existait aucune expérience de sa prise en charge et de son traitement en Géorgie ". Ce certificat et le rapport du Comité de personnes handicapées relatif à la mauvaise prise en charge des personnes handicapées en Géorgie ne suffisent pas à démonter que D... ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé géorgien. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Morbihan aurait méconnu les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les requérants n'ont pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ainsi que le fait valoir le préfet en défense, ils ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de cet article.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...). ".
8. Il ressort des pièces du dossier que si les requérants se prévalent de la scolarisation de leurs deux enfants en France, ils ne démontrent pas que ces derniers, eu égard notamment à leur jeune âge ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par ailleurs, ni la circonstance que D... peut bénéficier d'une prise en charge médicale pluridisciplinaire pour son affection incurable et d'une scolarisation adaptée à son handicap dans un centre médico-psychologique précoce, ni les efforts d'intégration des requérants au travers d'action bénévole et les soutiens obtenus par la famille auprès de la population locale ne suffisent à démontrer que les intéressés disposent de liens personnels et familiaux en France de nature à justifier la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, il n'apparaît pas davantage que le préfet ait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect d'une vie privée et familiale normale qu'ils tiennent des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou ait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle des requérants.
Sur les décisions d'obligations de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 [refus de séjour], la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour.... " et aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :/ (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
11. Pour obliger M. F... et Mme G... à quitter le territoire français, le préfet s'est fondé sur le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Comme indiqué au point 2, les décisions relatives au séjour sont suffisamment motivées. Par suite, les obligations de quitter le territoire français n'avaient pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés.
12. En deuxième lieu, en l'absence d'annulation des décisions de refus de séjour, M. F... et Mme G... ne sont pas fondés, compte-tenu de ce qui a été dit précédemment, à demander, par voie de conséquence, l'annulation, des obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre.
13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est cru tenu d'obliger M. F... et Mme G... à quitter le territoire français.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
15. Il ressort des arrêtés du préfet du Morbihan que ce dernier s'est fondé sur les deux avis du collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration des 16 septembre 2022 et 2 mai 2023. Si la prise en charge de D... par des médecins spécialistes en maladies génétiques du CHU de Nantes n'a débuté qu'en décembre 2022, le collège des médecins réuni le 2 mai 2023 avait donc bien connaissance de l'état médical de l'enfant. Par ailleurs, il ressort clairement des pièces du dossier qu'en l'absence, en l'état actuel de la science, de tout traitement curatif de la maladie d'Hajdu-Cheney, le suivi médical de D... est assuré par une équipe pluridisciplinaire regroupant des professionnels de santé tels qu'un pédiatre, un orthopédiste, un orthophoniste mais n'implique pas la mise en œuvre d'une thérapie génique par des médecins spécialistes en maladies génétiques. Par suite, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 concernant la possibilité d'une prise en charge pluridisciplinaire de D... en Géorgie, M. F... et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait pris sa décision en violation des dispositions précitées ou commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'enfant.
16. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le couple formé par M. F... et Mme G..., avec leurs deux enfants, C... et D..., a vécu jusqu'à l'âge de 29 et 28 ans en Géorgie et n'ont aucune famille en France. Si le fils aîné, C..., est scolarisé dans un collège en France depuis un an et demi, rien ne fait obstacle à son retour et à sa rescolarisation dans son pays d'origine. Par ailleurs, si le jeune D... est scolarisé à Vannes dans un centre d'action médico-social précoce, il ressort des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et de la Cour nationale du droit d'asile que cet enfant s'était vu proposer une scolarisation dans un établissement spécialisé en Géorgie qui a été refusée par ses parents. Dans ces conditions, eu égard à l'entrée récente en France de la famille et à la possibilité pour cette dernière de poursuivre sa vie familiale dans son pays d'origine, le préfet du Morbihan n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des requérants à une vie privée et familiale normale qu'ils tiennent de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dispositions que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
18. Il ressort des pièces du dossier que le préfet n'a pas, compte-tenu de l'âge des deux enfants de M. F... et Mme G... et compte-tenu de ce qui a été dit précédemment relativement aux traitements que l'état de santé de D... requiert actuellement, pris sa décision en violation des stipulations précitées.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
19. En premier lieu, en indiquant que M. F... et Mme G... n'établissaient pas être exposés à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Géorgie, le préfet a satisfait aux exigences de motivation.
20. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés.
21. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation compte-tenu du caractère défaillant du système de santé en Géorgie peut être écarté compte-tenu de ce qui a été exposé précédemment.
22. En quatrième et dernier lieu, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment.
Sur les décisions obligeant M. F... et Mme G... à remettre l'original de leur passeport et à se présenter deux fois par semaine au commissariat de Vannes :
23. Aux termes de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ". Aux termes de l'article L. 721-8 de ce code : " L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger auquel un délai de départ a été accordé la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité, dans les conditions prévues à l'article L. 814-1. ".
24. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que le préfet peut exiger des intéressés, auxquels un délai de départ volontaire de trente jours a été accordé, qu'ils lui remettent l'original de leur passeport et qu'ils se présentent à la police deux fois par semaine afin d'y indiquer les diligences accomplies en vue de leur départ volontaire. Ces mesures qui font état de ce qu'elles sont destinées à éviter un risque de fuite et à vérifier les diligences accomplies par les requérants pour quitter le territoire français sont parfaitement motivées.
25. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucun élément de leur dossier ne permet de retenir que leur situation personnelle telle que le préfet a pu en avoir connaissance n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier. Ainsi le moyen tiré de l'absence d'examen sérieux de leur situation personnelle ne peut qu'être écarté.
26. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... et Mme G... ne puissent pas se déplacer avec leurs deux enfants. Par suite, les décisions attaquées n'apparaissent pas excessives ou disproportionnées. Les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
27. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 7 juin 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
28. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction de M. F... et de Mme G... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... et de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à Mme A... G... et au ministre de l'intérieur .
Une copie en sera transmise au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.
La rapporteure,
I. MARION
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT00672