La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2024 | FRANCE | N°23NT01140

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 04 octobre 2024, 23NT01140


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme K... F... E..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale des jeunes G... C... A..., D... C... A... et J... C... A..., et Mme L... H... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Djibouti refusant de délivrer à Mme L... H... B..., ain

si qu'aux jeunes G... C... A..., D... C... A... et J... C... A... des visas d'entrée et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... F... E..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale des jeunes G... C... A..., D... C... A... et J... C... A..., et Mme L... H... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Djibouti refusant de délivrer à Mme L... H... B..., ainsi qu'aux jeunes G... C... A..., D... C... A... et J... C... A... des visas d'entrée et de long séjour en qualité de membres de famille de réfugiée.

Par un jugement n° 2207271 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours en tant qu'elle porte refus de délivrance de visas aux enfants G... C... A..., D... C... A... et J... C... A..., a enjoint au ministre de délivrer à ces derniers les visas sollicités et a rejeté, par son article 4, le surplus des conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours, en tant qu'elle porte refus de délivrance d'un visa à Mme L... H... B... et tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui délivrer ce visa.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la décision de la commission de recours en ce qu'elle a rejeté les recours formés contre les refus de visa opposés aux enfants G... C... A..., D... C... A... et J... C... A... et lui a enjoint de délivrer à ces derniers les visas sollicités ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme K... F... E... et Mme L... H... B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision de la commission en ce qu'elle a rejeté les recours formés contre les refus de visa opposés aux enfants G... C... A..., D... C... A... et J... C... A... et à ce qu'il soit enjoint de délivrer à ces derniers les visas sollicités.

Par un mémoire enregistré le 15 mai 2023, Mme F... E..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale des enfants G... C... A..., D... C... A... et J... C... A..., et Mme L... H... B..., représentées par Me Régent, demandent à la cour :

1°) de rejeter l'appel du ministre ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 4 du jugement du 28 février 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

3°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle porte refus de délivrance d'un visa à Mme L... H... B... ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme H... B... ainsi qu'aux jeunes G..., D... et J... C... A... les visas sollicités dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent que :

- la commission de recours n'a pas répondu dans un délai d'un mois à sa demande de communication des motifs de la décision implicite contestée ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas été procédé à un examen précis et circonstancié de leur recours.

Mme F... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- et les observations de Me Régent, représentant Mme F... E... et Mme H... B....

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 10 mars 2023, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Djibouti refusant de délivrer des visas de long séjour aux jeunes G..., D... et J... C... A..., ainsi qu'à Mme H... B..., en qualité d'enfants de Mme F... E..., bénéficiaire de la protection subsidiaire. Par un jugement du 28 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme F... E... et de Mme H... B..., cette décision de la commission de recours en ce qu'elle a rejeté les recours formés contre les refus de visa opposés aux enfants G... C... A..., D... C... A... et J... C... A... et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à ces derniers des visas de long séjour. Par l'article 4 de ce même jugement, le tribunal a rejeté les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision de la commission en ce qu'elle a rejeté le recours formé contre le refus de visa opposé à Mme H... B... et tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui délivrer ce visa. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel du jugement du 28 février 2023 en tant qu'il a annulé la décision de la commission de recours en ce qu'elle a rejeté le recours formé contre les refus de visas opposés aux enfants G..., D... et J... C... A... et lui a enjoint de délivrer ce visa. Mme F... E... et Mme H... B... demandent l'annulation de ce jugement en tant que, par son article 4, il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission en ce qu'elle a rejeté leur recours contre le refus de visa opposé à Mme H... B... et à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui délivrer ce visa.

Sur l'appel du ministre :

2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ".

3. Aux termes de l'article L.811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. Pour établir l'identité des jeunes G..., D..., et J... C... A... ainsi que les liens de filiation les unissant à Mme F... E..., ont été produits, à l'appui des demandes de visas, les copies des certificats de naissance établis par l'ambassade de la République fédérale de Somalie à Djibouti, le 12 août 2020, un certificat d'authenticité des actes de naissance ainsi que les copies des premières pages des passeports des intéressés délivrés le 13 août 2020. En se bornant à soutenir que ces documents ont été délivrés le même jour et par les mêmes autorités que celles qui ont délivré ses passeport et certificat de naissance à Mme H... B..., dont la demande a été rejetée par le jugement attaqué, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'établit pas le caractère frauduleux de ces actes. Si la décision contestée retient que ces documents n'indiquaient pas la date de la déclaration de naissance, la qualité et l'identité du déclarant, les dates et lieux de naissance des parents, ainsi que l'heure de la naissance de l'enfant, il n'est pas précisé quelles dispositions du droit somalien auraient ainsi été méconnues. Par ailleurs, la circonstance que ces actes ont tous été établis le même jour ne permet pas davantage d'établir leur caractère frauduleux. Enfin, les informations contenues dans ces documents concordent pour l'essentiel avec les déclarations faites par Mme F... E... sur la composition de sa famille, dès le dépôt de sa demande d'asile. Ces actes d'état civil établissent l'identité des demandeurs ainsi que les liens familiaux qui les unissent à Mme F... E.... En estimant que ces liens n'étaient pas établis, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours en tant qu'elle a rejeté le recours formé contre les refus de visas opposés aux jeunes G..., D..., et J... C... A... et lui a enjoint de délivrer ces visas.

Sur les conclusions de Mme F... E... et de Mme H... B... :

6. Les conclusions présentées par Mme F... E... et par Mme H... B... contre le jugement attaqué, en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté leur recours formé contre le refus de visa opposé à Mme H... B... ont été enregistrées dans le délai d'appel et constituent, dès lors, un appel principal.

7. Pour établir son identité ainsi que le lien de filiation l'unissant à Mme F... E..., Mme H... B... a notamment produit, à l'appui des demandes de visas, la copie de son certificat de naissance établi par l'ambassade de la République fédérale de Somalie à Djibouti, le 12 août 2020, ainsi que la copies des premières pages de son passeport, délivré le 13 août 2020. Compte tenu des nombreuses erreurs orthographiques et autres anomalies figurant sur les mentions du certificat de naissance, ce document n'est pas à lui seul de nature à établir l'identité de la demandeuse de visa. Toutefois, Mme H... B... est en possession d'un passeport, délivré le 13 août 2020 par les autorités somaliennes, qui mentionne le lien de filiation l'unissant à Mme F... E.... Si le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait valoir, dans son mémoire en défense produit en première instance, que ce passeport ne correspond pas au spécimen du passeport somalien le plus récent référencé par le Conseil européen, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que cette forme de documents d'identité et de voyage ne serait plus usitée. Par ailleurs, les informations contenues dans ce passeport, relatives au nom et au prénom de sa titulaire, à sa filiation paternelle et maternelle, ainsi qu'à son lieu de naissance concordent avec les déclarations faites en 2015, dans le cadre de sa demande d'asile, par Mme F... E..., sur la composition de sa famille. Si le passeport de l'intéressée relate sa naissance le 9 septembre 2003, alors que Mme F... E... a indiqué dans le formulaire de demande d'asile renseigné et signé en 2015, que sa fille aînée était née le 9 septembre 2001, cette seule circonstance ne permet pas toutefois de faire considérer que les mentions figurant dans le passeport de l'intéressée, notamment la date de naissance, ne correspondraient pas à la réalité. La circonstance que cette dernière date soit postérieure d'un peu moins de neuf mois du divorce de Mme F... E... et du père de Mme H... B... ne permet pas de faire considérer que cette date de naissance serait erronée. Par suite, le caractère frauduleux du passeport de Mme H... B... n'est pas établi. Ce document, ainsi que les déclarations faites par Mme F... E... à l'appui de sa demande d'asile sont de nature à établir l'identité de la demandeuse de visa ainsi que le lien de filiation qui l'unit à Mme F... E.... En estimant que ce lien n'était pas établi et en rejetant, pour ce motif, le recours formé contre le refus de visa opposé à Mme H... B..., la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de Mme F... E... et de Mme H... B..., que ces dernières sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission en ce qu'elle a rejeté le recours formé contre le refus de visa opposé à Mme H... B....

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme F... E... et Mme H... B... :

9. En premier lieu, si Mme F... E... et Mme H... B... demandent que des visas de long séjour soient délivrés aux jeunes G..., D..., et J... C... A... une injonction en ce sens a déjà été prononcée par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 février 2023. Ces conclusions sont donc sans objet. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le tribunal.

10. En second lieu, le présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme H... B.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Mme F... E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Régent dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'article 4 du jugement du 28 février 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme F... E... et de Mme H... B... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle concerne Mme H... B..., d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à cette dernière un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.

Article 3 : La décision du 10 mars 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée en tant qu'elle a rejeté le recours formé contre le refus de visa opposé à Mme H... B....

Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme H... B... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Régent une somme de 1 200 euros hors taxe, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Régent renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par Mme F... E... et Mme H... B... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme K... F... E... et à Mme L... H... B....

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. LE REOUR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01140
Date de la décision : 04/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-04;23nt01140 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award