Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 1er juin 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 3 mars 2022 des autorités consulaires françaises en Iran refusant de lui délivrer un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2211022 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 juin, 11 juillet et 27 octobre 2023, Mme D... C..., représentée par la société Itra Consulting, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 1er juin 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité et, subsidiairement, de réexaminer sa demande de visa ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros hors taxe sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en raison de sa motivation insuffisante ;
- sauf à méconnaitre l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il sera fait droit à la demande de réunification ; le lien marital unissant M. E... à Mme C... est établi depuis leur union religieuse le 27 mars 2015 ; subsidiairement, il sera pris en compte une situation de concubinage depuis cette date ; le couple attend un enfant ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... C..., ressortissante afghane née en 1988, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour au titre de la réunification familiale au motif qu'elle est la conjointe de M. E..., ressortissant afghan né en 1985 auquel le statut de réfugié a été reconnu en France le 26 mars 2018. Par une décision du 1er juin 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision de l'autorité diplomatique française en Iran refusant de lui délivrer le visa de long séjour sollicité. Par un jugement du 26 mai 2023, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Mme C... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en ce que le tribunal n'a pas tenu compte de sa situation personnelle au terme d'un examen complet de sa situation. Il ressort cependant notamment des points 4, 7 et 9 de ce jugement que les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision au regard des moyens soulevés et des documents produits au dossier. De même le jugement contesté répond avec la motivation requise au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement contesté doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter le recours formé par Mme C... contre la décision de refus de visa qui lui a été opposée, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France lui a opposé le fait que M. E..., qu'elle présente comme son époux, ne l'a pas déclarée comme membre de sa famille après que le bénéfice de la qualité de réfugié a été reconnu par la France à ce dernier le 26 mars 2018, que cette union n'a pas été reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), que les déclarations de M. E... ont été incohérentes sur sa situation familiale et que les éléments de possession d'état présentés sont insuffisants pour établir ce mariage.
5. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue (...). ". L'article L. 561-5 du même code prévoit que : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. / En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ".
6. En premier lieu, et d'une part, il ressort des déclarations des intéressés que M. E... et Mme C... se seraient unis religieusement le 27 mars 2015 en Afghanistan, soit avant la reconnaissance du statut de réfugié à M. E... le 26 mars 2018. Cependant, eu égard aux dispositions précitées du 1° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait de son caractère religieux, une telle union n'ouvre pas droit à ce que M. E... soit rejoint en France par Mme C... en tant que conjointe de réfugié. Si les intéressés font valoir qu'ils se sont unis civilement en Afghanistan le 14 avril 2019, la réalité de ce mariage n'est pas établie par le certificat de mariage afghan produit établi à cette date sur le fondement de déclarations de trois " confesseurs " et de deux " témoins " se bornant à certifier de leur union religieuse le 27 mars 2015. En tout état de cause, une union civile intervenue en avril 2019 serait postérieure à la reconnaissance de la qualité de réfugié à M. E... et n'ouvrirait pas de droit à une réunification familiale à Mme C.... Par ailleurs, lors de ses entretiens à l'OFPRA les 25 janvier et 5 mars 2018, M. E... a explicitement exposé qu'il n'était alors pas marié, mais fiancé, à Mme C... et qu'en conséquence sa " maison " et son point d'attache en Afghanistan étaient le domicile de sa mère et de ses sœurs à Nangarhar. De même, la fiche familiale de renseignement qu'il a remplie le 18 mai 2018 indique de manière manuscrite que Mme C... est sa fiancée alors même qu'il a coché la case " concubine " du formulaire. Enfin les photographies présentées, au demeurant non datées, des intéressés en tenue de mariage n'établissent pas l'existence d'un mariage civil. D'autre part, si M. E... et Mme C... soutiennent subsidiairement qu'ils ont vécu en concubinage en conséquence de leur mariage religieux, les déclarations précitées de M. E..., et les documents mentionnés précédemment ne permettent pas d'identifier une quelconque situation de concubinage caractérisée par une vie commune suffisamment stable et continue du couple avant le dépôt de sa demande d'asile. Il en va de même de la preuve de quelques envois d'argent de M. E... à une tierce personne, Mme A... B..., en 2018 et 2019, établie en Afghanistan. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait intervenue en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 561-2 et L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Pour les motifs exposés au point 6, il n'est pas établi que M. E... et Mme C... auraient vécu ensemble en Afghanistan avant le départ de M. E... à l'étranger en juillet 2015, alors même qu'ils se seraient unis religieusement en Afghanistan en mars 2015. S'il est établi que depuis leur séparation ils se sont revus en Iran en février 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait été enceinte en conséquence à la date de la décision contestée, soit le 1er juin 2022. Les quelques documents médicaux produits afin d'établir cet état de grossesse sont ainsi notamment constitués de deux échographies datées d'octobre 2023 et aucune naissance n'est établie. Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01903