Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Suyenthan Ponnambalam Chandrakumar a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 mai 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2407976 du 12 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 16 mai 2024 du préfet de Maine-et-Loire (article 1er) et a enjoint à celui-ci de procéder à un nouvel examen de la situation de M. Ponnambalam Chandrakumar (article 2).
Procédures devant la cour :
I. Par une requête n° 24NT02168, enregistrée le 12 juillet 2024, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Ponnambalam Chandrakumar devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le résumé de l'entretien individuel de M. Ponnambalam Chandrakumar comporte le tampon " Préfecture de la Loire-Atlantique l'agent habilité ", avec la signature et les initiales de l'agent ayant mené l'entretien ;
- le fait que l'identité et la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien ne figurent pas dans le résumé de l'entretien individuel, alors qu'aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni aucune disposition nationale ne l'impose, n'a pas privé M. Ponnambalam Chandrakumar de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien ;
- les entretiens sont saisis dans une application dont l'accès est réservé, par mot de passe personnel, à des agents qualifiés en vertu du droit national ;
- le résumé d'entretien de M. Ponnambalam Chandrakumar a été contresigné par la cheffe du bureau de l'asile de la préfecture de l'Essonne ;
- il s'en rapporte à ses écritures de première instance pour justifier du rejet de la demande de M. Ponnambalam Chandrakumar.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2024, M. Ponnambalam Chandrakumar, représentée par Me Néraudau, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 700 euros hors taxes, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- le préfet de Maine-et-Loire ne conteste qu'un seul des deux moyens d'annulation retenus par le tribunal ;
- les moyens soulevés par le préfet de Maine-et-Loire ne sont pas fondés ;
- elle est entachée d'un premier vice de procédure dès lors que les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n'ont pas été respectées, le droit à l'information portant également sur celle évoquée à l'article 13 du règlement UE n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- cette décision est entachée d'un second vice de procédure dès lors que les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'ont pas été respectées ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'erreurs de fait en ce qui concerne son état de santé et sa vulnérabilité ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle écarte l'application du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle procède d'un défaut d'examen du risque de méconnaissance des articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; elle a été prise en méconnaissance de ces stipulations et dispositions.
M. Ponnambalam Chandrakumar a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2024.
II. Par une requête n° 24NT02170, enregistrée le 12 juillet 2024, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 12 juin 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le résumé de l'entretien individuel de M. Ponnambalam Chandrakumar comporte le tampon " Préfecture de la Loire-Atlantique l'agent habilité ", avec les initiales de l'agent ayant mené l'entretien ;
- le fait que l'identité et la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien ne figurent pas dans le résumé de l'entretien individuel, alors qu'aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni aucune disposition nationale ne l'impose, n'a pas privé M. Ponnambalam Chandrakumar de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien ;
- les entretiens sont saisis dans une application dont l'accès est réservé, par mot de passe personnel, à des agents qualifiés en vertu du droit national ;
- il ressort de l'arrêté portant délégation de signature du 28 février 2024 que le résumé d'entretien de M. Ponnambalam Chandrakumar a été signé par un agent du bureau de l'asile, qualifié en vertu du droit national.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange,
- et les observations de Me Néraudau, représentant M. Ponnambalam Chandrakumar.
Considérant ce qui suit :
1. M. Ponnambalam Chandrakumar, ressortissant srilankais, né le 16 octobre 1993, a sollicité l'asile le 23 février 2024. Par un arrêté du 16 mai 2024 le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 12 juin 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, sur demande de M. Ponnambalam Chandrakumar, a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de l'intéressé. Par une requête distincte, il demande à la cour de surseoir à l'exécution du même jugement.
2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 24NT02168 et 24NT02170, présentées par le préfet de Maine-et-Loire, sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour se prononcer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Le jugement attaqué, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 16 mai 2024 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de M. Ponnambalam Chandrakumar aux autorités espagnoles, est fondé sur deux moyens, tirés respectivement de la méconnaissance de l'article 4, concernant le droit à l'information du demandeur d'asile, et de l'article 5, concernant l'entretien avec un agent habilité, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Dans sa requête d'appel, le préfet ne conteste le jugement attaqué qu'en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de ce règlement, sans remettre en cause l'autre moyen retenu par le tribunal, aux points 8 et 10 du jugement attaqué, tiré de la méconnaissance par l'arrêté attaqué du 16 mai 2024 portant transfert en Espagne, de l'article 4 de ce règlement, moyen qui n'a pas un caractère inopérant. Par ailleurs, si le préfet indique dans sa requête d'appel s'en remettre à l'ensemble des observations qu'il a formulées dans son mémoire en défense en première instance, il n'a ni exposé devant la cour les raisons pour lesquelles le moyen tiré de la violation de l'article 4 du règlement du Dublin III devrait être écarté, ni joint une copie de ses écritures en défense de première instance sur ce point.
4. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par M. Ponnambalam Chandrakumar, le dispositif du jugement attaqué peut être regardé comme fondé sur au moins un des motifs retenus par le premier juge et que le préfet de Maine-et-Loire n'est dès lors, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté contesté.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
5. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel du préfet de Maine-et-Loire contre le jugement du 12 juin 2024. Par suite, les conclusions de la requête n° 24NT02170 aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
6. M. Ponnambalam Chandrakumar a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Aussi, et dans la mesure où l'Etat est la partie perdante à cette instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 1 000 euros, à verser à Me Néraudau, avocate de M. Ponnambalam Chandrakumar. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressé.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24NT02170 à fin de sursis à exécution du jugement du 12 juin 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes.
Article 2 : La requête n°24NT02168 du préfet de Maine-et-Loire est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros hors taxe à Me Néraudau en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. Suyenthan Ponnambalam Chandrakumar, à Me Néraudau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24NT02168,24NT02170