Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée auprès du préfet du Calvados le 11 octobre 2021.
Par un jugement n° 2200778 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 décembre 2023, 9 et 10 mai 2024, et un mémoire enregistré le 25 août 2024 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Naviaux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 13 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée auprès du préfet du Calvados le 11 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, au besoin sous astreinte, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée n'est pas motivée ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision contestée méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de l'existence de motifs exceptionnels ou humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 mars et 16 mai 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que le montant demandé par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit minoré.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant égyptien, a demandé au préfet du Calvados par courrier du 4 octobre 2021 reçu le 11 octobre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un refus implicite est né du silence de l'administration, dont M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation. Par un jugement du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement.
2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision contestée, que M. B... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., pour établir sa résidence habituelle en France pour l'année 2011, a produit un accusé de réception de sa déclaration de revenus, deux courriers relatifs à l'ouverture d'un compte bancaire en septembre 2011 et un relevé de compte bancaire ne faisant état de retraits d'espèces qu'en octobre et novembre 2011. Pour l'année 2012, il a produit son avis d'impôt sur les revenus de l'année 2011, avec un montant d'impôt égal à zéro, une analyse sanguine du 30 janvier 2012, un résultat d'IRM de juin 2012 et un courrier de son établissement bancaire du 11 décembre 2012. Pour l'année 2016, il a produit un avis d'impôt sur les revenus 2016 ne faisant état d'aucun revenu, deux bulletins de paie pour les mois de janvier et février 2016 et des relevés bancaires pour les mois de janvier, avril et septembre 2016. Pour l'année 2018, il a produit un avis d'imposition sur les revenus 2018 ne faisant état d'aucun revenu, un relevé de compte bancaire ne faisant état de retraits d'espèces qu'en janvier 2018 et une attestation de passage de la préfecture de police le
12 octobre 2018. Pour les années en cause, il a également produit des attestations de son frère, de son cousin, d'un ami d'enfance et d'un voisin de l'immeuble dans lequel il habitait jusqu'en 2019, non suffisamment circonstanciées. Ces éléments, ne permettent pas d'établir qu'il aurait résidé de manière habituelle sur le territoire français pendant plus de dix ans à la date de la décision contestée, en ayant le centre de ses intérêts en France pendant cette durée. De plus, s'il est marié depuis 2019 à une femme de nationalité algérienne, cette dernière est également en situation irrégulière. Ils sont parents de deux enfants nés en France, leur ainé étant né le 21 juillet 2021, antérieurement au dépôt de sa demande de titre de séjour, le second étant né postérieurement, le 1er décembre 2022. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue soit en Egypte, soit en Algérie ou encore dans tout autre pays dans lequel les intéressés sont légalement admissibles. La famille est hébergée à Honfleur par un compatriote de M. B.... Si le requérant produit le témoignage de son frère et de cousins de nationalité égyptienne résidant régulièrement en France et attestant de relations familiales avec lui, il ne justifie ni même n'allègue avoir tissé en France des liens en dehors du cercle familial. Enfin, il n'a travaillé que sur de très courtes périodes. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. M. B... ne saurait utilement invoquer les stipulations du paragraphe 2 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, lesquelles créent seulement des obligations entre Etats, sans ouvrir des droits à leurs ressortissants.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Les éléments mentionnés au point 4 ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet doit être écarté.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative :
/ 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
7. Pour les motifs indiqués au point 4, M. B... ne remplit pas effectivement les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, pour les motifs indiqués aux points 4 et 5, l'intéressé ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2024.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03706