Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Atlantique Construction Rénovation (ACR) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 septembre 2019 de la communauté d'agglomération Redon Agglomération Bretagne Sud de poursuivre à ses frais et risques l'exécution du lot n° 4 du marché de travaux de réhabilitation d'une friche industrielle située à Redon et de condamner Redon Agglomération Bretagne Sud à lui régler le solde du marché, soit la somme de 113 816,72 euros, assortie des intérêts moratoires pour retard de paiement.
Par un jugement n° 1905880 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de la SARL ACR.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai et 4 décembre 2023, et un mémoire enregistré le 8 janvier 2024 qui n'a pas été communiqué, la SARL ACR, représentée par Me Collet-Ferré, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 mars 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 16 septembre 2019 de la communauté d'agglomération Redon Agglomération Bretagne Sud de poursuivre à ses frais et risques l'exécution du lot n° 4 du marché de travaux de réhabilitation d'une friche industrielle située à Redon ;
3°) de condamner Redon Agglomération Bretagne Sud à lui régler le solde du marché, soit la somme de 113 816,72 euros, assortie des intérêts moratoires pour retard de paiement ;
4°) de rejeter les conclusions de Redon Agglomération Bretagne Sud ;
5°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Redon Agglomération Bretagne Sud la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande d'annulation de la décision de poursuite des travaux à ses frais et risques était recevable et le jugement attaqué est donc irrégulier ;
- sa demande de paiement du solde du marché était recevable dès lors que les projets de décompte final et général ont été établis conformément aux stipulations du CCAG applicables et ont été de nature à faire naître un décompte général et définitif tacite en l'absence de décompte général notifié par la communauté d'agglomération de Redon ;
- un décompte général et définitif étant né, conformément aux dispositions de l'article 13.4.4 du CCAG Travaux, elle n'avait pas à mettre en demeure la communauté d'agglomération de Redon de lui notifier un décompte général ;
- l'envoi du projet de décompte final est bien postérieur à la réception des travaux ;
- sa saisine du juge n'était pas prématurée du fait de l'absence de résiliation du marché qui lui avait été attribué ;
- les défaillances qui lui sont reprochées ne sont pas établies ;
- elle a toujours poursuivi l'exécution de ses travaux, et il ne peut être contesté que l'avancement de ceux-ci au 2 octobre 2019 est exclusivement dû à son intervention ;
- elle aurait dû être autorisée à reprendre ses ouvrages, ayant justifié des moyens nécessaires pour ce faire ;
- le surcoût des marchés de substitution ne lui est pas imputable ;
- la communauté d'agglomération ne pouvait conclure des marchés de substitution qu'après une résiliation ;
- elle est fondée à obtenir le solde de son marché ;
- la créance dont se prévaut la communauté d'agglomération de Redon n'est pas fondée, de sorte qu'aucune compensation ne peut être opérée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 août et 22 décembre 2023, la communauté d'agglomération Redon Agglomération Bretagne Sud, représentée par Me Fekri, conclut :
1°) au rejet de la requête de la société ACR ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que le solde du marché soit fixé à la somme de 18 746,72 euros hors taxe et qu'en conséquence, sa condamnation soit limitée au versement de cette somme ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la société ACR la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable, en tant que la société ACR demandait l'annulation d'un acte d'exécution du contrat, caractérisé par une décision de poursuite des travaux à ses frais et risques en raison de manquements contractuels ;
- la demande de paiement formulée par la société ACR était irrecevable, son marché n'ayant pas été résilié ;
- la société ACR a, en tout état de cause, déjà perçu le versement des sommes correspondant au règlement des prestations effectuées et ne saurait donc être rémunérée pour des prestations non réalisées ;
- la demande de paiement de la société ACR est également irrecevable, en ce qu'elle est prématurée puisqu'elle a adressé son projet de décompte final avant la réception des travaux prononcée le 2 mars 2020 ;
- la demande de première instance est irrecevable, en ce que la société ACR ne lui a pas adressé de mémoire en réclamation afin de contester la décision de poursuite d'exécution des travaux à ses frais et risques et n'a donc pas respecté la procédure prévue par l'article 50.1.1 du CCAG Travaux ;
- la demande de paiement de la société ACR est irrecevable, dès lors qu'elle n'a pas mis en demeure le pouvoir adjudicateur d'établir le décompte général du marché, avant de saisir le juge ;
- la société ACR n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'un décompte général et définitif tacite, la procédure d'établissement du décompte final n'ayant pas été respectée ;
- le projet de décompte général n'a pas été notifié au maître d'œuvre ;
- elle a pu régulièrement décider de surseoir à l'établissement du décompte général, dès lors que la créance du titulaire du marché était incertaine ;
- la maîtrise d'œuvre n'a eu de cesse, au cours de l'exécution des travaux confiés à la société ACR, de pointer ses manquements à ses obligations contractuelles, lesquels ont eu pour effet de prolonger le délai d'exécution des travaux jusqu'au 13 décembre 2019, au lieu du 30 août 2019 ;
- la société ACR n'est pas intervenue dans le délai de quinze jours suivant la mise en demeure qui lui a été adressée ;
- les travaux ayant fait l'objet de la décision de mise en demeure ne correspondent pas à ceux visés par l'avenant n° 1 à l'acte d'engagement ;
- la décision de permettre à l'entreprise attributaire du marché de reprendre l'exécution des travaux, après notification d'une décision de poursuite des travaux aux frais et risques, appartient discrétionnairement au maître d'ouvrage, en vertu de l'article 48.2 du CCAG Travaux ;
- l'article 48-1 du CCAG Travaux prévoit expressément que lorsque le titulaire du marché ne se conforme pas à une mise en demeure, le maître d'ouvrage peut soit décider la simple poursuite des travaux aux frais et risques, soit décider la poursuite des travaux aux frais et risques avec résiliation du marché ;
- les travaux mis à la charge de la société ACR résultent directement des obligations fixées par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 4 du marché dont elle était attributaire ;
- la demande de paiement du solde du marché par la société ACR sera nécessairement rejetée puisqu'elle méconnait la procédure prévue par l'article 13.3 du CCAG Travaux ainsi que celle prévue par l'article 50.1.1 de ce CCAG ;
- si elle devait être condamnée à verser la somme réclamée, cela constituerait inévitablement un enrichissement indu de l'entreprise ;
- elle demande, à titre reconventionnel, que les excédents de dépenses qui résultent du recours à des entreprises tierces pour faire exécuter les prestations initialement confiées à la société ACR, qui se sont élevées à la somme totale de 31 739,94 euros HT, soient soustraites des sommes qui pourraient être mises à sa charge par le tribunal ;
- le solde du marché de la société ACR ne peut être fixé à une somme supérieure à 18 746,72 euros HT, en tenant compte de la dernière situation réglée, de l'application de la retenue de garantie et des pénalités de retard applicables de plein droit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009, modifié le 3 mars 2014, portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- Me Collet-Ferré, substituant Me Haudebert représentant la société Atlantique Construction Rénovation (A.C.R) et de Me Mocaer, substituant Me Fekri représentant la communauté d'agglomération Redon agglomération.
Considérant ce qui suit :
1. En 2018, la communauté d'agglomération Redon Agglomération Bretagne Sud a décidé d'entreprendre des travaux de réhabilitation d'une friche industrielle lui appartenant, située à Redon (Ille-et-Vilaine), pour y implanter des ateliers relais destinés aux professionnels. La maîtrise d'œuvre de l'opération a été confiée à un groupement d'entreprises, dont M. A..., architecte-urbaniste, était le mandataire. Le marché de travaux ayant été décomposé en douze lots, le lot n° 4 relatif au gros œuvre a été attribué à la société Atlantique Construction Rénovation (ACR) par un acte d'engagement notifié le 31 octobre 2018 portant sur un montant de
280 001,96 euros hors taxes. Les travaux devaient être achevés à l'issue d'un délai de neuf mois, soit le 30 août 2019. Par courrier du 9 juillet 2019, le président de la communauté d'agglomération a constaté que certaines prestations n'étaient toujours pas exécutées et a mis en demeure la SARL ACR d'assurer, dans un délai de quinze jours, l'ensemble des prestations dues au marché, ainsi que la reprise des malfaçons identifiées par la maîtrise d'œuvre. L'entreprise a, en outre, été avisée qu'à l'expiration de ce délai, la poursuite des travaux par une entreprise tierce, à ses frais et risques, serait ordonnée. Le 16 septembre 2019, le président de Redon Agglomération Bretagne Sud a finalement décidé l'exécution des travaux de reprise consécutifs aux désordres constatés et l'exécution des travaux non réalisés ou à finir par des entreprises tierces, aux frais et risques de la SARL ACR, attributaire du lot, et a convoqué celle-ci pour la réalisation d'un constat d'huissier sur site le 2 octobre 2019. Par courrier du 7 octobre 2019, la SARL ACR a admis que certains des travaux identifiés lors de la visite sur place restaient à réaliser et s'est engagée à intervenir dans un délai de quinze jours. Le 15 octobre 2019, le pouvoir adjudicateur a néanmoins refusé cette proposition de terminer les prestations du marché et a confirmé que les travaux listés par le constat d'huissier seraient effectués à ses frais et risques par des entreprises tierces. Par courrier du
5 novembre 2019, la SARL ACR a contesté cette décision estimant avoir déféré à la mise en demeure de poursuivre les travaux, réfutant les retards qui lui sont imputés et rappelant qu'elle demeurait impayée d'une somme de 75 351,77 euros, alors même que l'ensemble des travaux n'avait pas été facturé. La SARL ACR a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, l'annulation de la décision du 16 septembre 2019 décidant la poursuite des travaux à ses frais et risques et d'autre part, la condamnation de Redon Agglomération Bretagne Sud à lui verser la somme de 113 816,72 euros, assortie des intérêts moratoires, en règlement du solde du marché. Le tribunal a rejeté sa requête. La SARL ACR fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
S'agissant des conclusions dirigées contre la décision du 16 septembre 2019 :
2. La société ACR a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 septembre 2019 par laquelle le représentant du pouvoir adjudicateur a décidé, s'agissant du lot n° 4 du marché de réhabilitation d'une friche industrielle à Redon, l'exécution des travaux de reprise consécutifs aux désordres constatés et l'exécution des travaux non réalisés ou à finir par des entreprises tierces, aux frais et risques de l'entreprise titulaire du lot, en application de l'article 48.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) dans sa version en vigueur lors de la remise des offres. Contrairement à ce que soutient la société requérante, cette décision, qui n'a pas pour effet de rompre le lien contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son cocontractant, n'est pas assimilable à une décision de résiliation du lot dont elle était attributaire et ses conclusions qui tendent, dès lors, seulement à l'annulation d'une mesure d'exécution du contrat, sont irrecevables. Ainsi, c'est sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal a rejeté, pour ce motif, de telles conclusions.
S'agissant des conclusions tendant au paiement du solde du marché :
3. Aux termes de l'article 13.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux), relatif à la demande de paiement finale, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 à laquelle le marché litigieux a entendu se référer : " 13.3.1. Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois de l'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. / Le projet de décompte final est établi à partir des prix initiaux du marché, comme les projets de décomptes mensuels, et comporte les mêmes parties que ceux-ci, à l'exception des approvisionnements et des avances. Ce projet est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 s'ils n'ont pas été précédemment fournis. (...) ".
4. Aux termes de l'article 13.4.2 de ce même CCAG Travaux : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) ". Aux termes de l'article 13.4.3 du même cahier : " Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. La date de sa notification au pouvoir adjudicateur constitue le départ du délai de paiement. / Ce décompte lie définitivement les parties. (...) ". Aux termes de l'article 13.4.4 de ce cahier : " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé, composé : - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ;- du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. / (...) Si, dans [un] délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai. (...) ".
5. En outre, selon l'article 14.3.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige, qui entend déroger à l'article 13.3.2 du CCAG Travaux : " Après achèvement des travaux, l'entrepreneur établit le projet de décompte final concurremment avec le projet du dernier décompte mensuel. Ce projet de décompte final indique le montant total des sommes auxquelles l'entrepreneur peut prétendre du fait de l'exécution réelle de l'ensemble des travaux dus au titre du présent marché. / Cette remise est faite simultanément au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage, dans un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux. (...) / Ce projet de décompte final est établi sur la base des prix HT du marché, des rabais, des majorations ou des réfactions éventuels pris en compte, mais sans application des clauses de variation des prix. Il est accompagné des calculs des quantités prises en compte, des calculs des coefficients de variation des prix et, le cas échéant, des pièces justifiant sa demande de remboursement des divers frais qu'il a dû acquitter pour le compte du maître de l'ouvrage sur les matériaux et produits fournis par celui-ci. / En tant que de besoin, ce projet de décompte final comporte : - le relevé des travaux exécutés ; - le relevé des travaux exécutés en régie ; - les indemnités, pénalités, primes et retenues autres que la retenue de garantie ; - les remboursements des dépenses incombant au maître de l'ouvrage dont l'entrepreneur a fait l'avance ; - le surplus de dépenses résultant des prestations exécutées aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant devant être déduit ; - les intérêts moratoires. / Il est accepté ou rectifié par le maître d'œuvre et prend alors la forme du décompte final. A partir de ce décompte final, le maître d'œuvre établit le décompte général qui comprend : - le décompte final ; - l'état de solde à régler à l'entrepreneur qui indique : (le montant du solde établi à partir du décompte final et du dernier acompte mensuel ; ( l'effet des clauses de variation des prix ; ( le montant de la TVA ; ( le montant du solde à régler diminué de l'éventuelle retenue de garantie ; - le récapitulatif des acomptes mensuels et du solde. (...) ".
6. Aux termes de l'article 50 du CCAG Travaux, dans sa version applicable en l'espèce : " 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif (...) / 50.3. Procédure contentieuse : / 50.3.1. A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation (...) ".
7. Les stipulations citées au point 6 s'appliquent à tout différend né de l'exécution du marché, y compris celui né de la décision du maître d'ouvrage d'ordonner la poursuite des travaux aux frais et risques de son cocontractant, comme en l'espèce la décision prise par Redon Agglomération le 16 septembre 2019 à la suite de la mise en demeure du 9 juillet 2019, ou celui résultant du refus du maître de l'ouvrage de procéder au règlement du solde du marché, et impliquent que, pour être recevable à saisir la juridiction administrative d'un tel différend, le titulaire du marché doit avoir préalablement saisi le représentant du pouvoir adjudicateur d'un mémoire en réclamation adressé en copie au maître d'œuvre.
8. La requérante se prévaut de l'intervention d'un décompte général et définitif tacite en application de l'article 13.4.4 du CCAG Travaux, en l'absence de réponse dans le délai de dix jours de la collectivité maître d'ouvrage à l'envoi du 7 août 2020 constituant son projet de décompte général. Cependant, il résulte de l'instruction que le projet de décompte final envoyé au pouvoir adjudicateur n'était pas complet au sens de l'article 14.3.2 du CCAP dès lors qu'il n'était pas accompagné des calculs des quantités prises en compte et des calculs des coefficients de variation des prix. A cet égard, au vu des stipulations de l'article 14.3.2 du CCAP, la circonstance que ces éléments auraient déjà été fournis est sans incidence. D'ailleurs, si la société ACR soutient que le calcul des coefficients d'actualisation ou de révision de prix a déjà été transmis, elle ne l'établit pas. Dès lors, le projet de décompte général de l'entreprise comportant ce décompte final incomplet ne pouvait pas faire naître un décompte général et définitif tacite qui serait devenu intangible. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que le document présenté comme le projet de décompte général par la société ACR aurait été notifié à la société ECMS, maître d'œuvre d'exécution. Ainsi, la condition posée par l'article 50 du CCAG et tenant à l'obligation de réclamation préalable était opposable à la société ACR quant au différend né de la décision de mise en régie du marché prise par la collectivité maître d'ouvrage en application de l'article
48.2 du CCAG Travaux stipulant que " Si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée, à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée. ". Contrairement à ce que soutient la requérante, son courrier du 5 novembre 2019 à Redon Agglomération ne peut être regardé comme valant mémoire en réclamation dès lors qu'il n'indique pas les bases de calcul des sommes réclamées, en se référant à des factures non précisées et non annexées à ce courrier et en se bornant à rappeler un impayé global de 75 351,77 euros. Enfin, il n'est ni établi ni même allégué que ce courrier aurait été notifié au cabinet A..., maître d'œuvre de conception. En tout état de cause, le moyen tiré de l'intervention d'un décompte général tacite est inopérant dès lors que le différend entre l'entreprise et la collectivité maître d'ouvrage est né de la décision du 16 septembre 2019 ordonnant la poursuite des travaux aux frais et risques de la société ACR, qui se situe en amont de l'établissement du décompte.
9. Par suite, la société ACR n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en rejetant sa demande tendant au paiement du solde du marché comme irrecevable.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Redon Agglomération Bretagne Sud, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société ACR demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros à verser à Redon Agglomération Bretagne Sud au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société ACR est rejetée.
Article 2 : La société ACR versera à Redon Agglomération Bretagne Sud une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Atlantique Construction Rénovation et à la communauté d'agglomération de Redon Agglomération Bretagne Sud.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2024.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23NT01338