Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2207384 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 février 2024, M. B..., représenté par Me Bourgeois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros hors taxe à verser à son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- le jugement et la décision attaquée sont entachés d'un vice de procédure dès lors que l'administration s'est abstenue, en méconnaissance de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger, de saisir les autorités guinéennes compétentes pour procéder à la vérification de ses actes d'état civil ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen particulier dès lors que le préfet a fondé sa décision non seulement sur l'extrait d'acte de naissance n° 27 et la carte d'identité consulaire qu'il a produits à l'appui de sa demande de titre de séjour, mais également sur un " jugement supplétif n° 27 " et un " extrait du registre de l'état civil n° 8706 " alors que ces derniers documents n'existent pas ;
- le préfet a méconnu les articles L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil en estimant que ses documents d'état civil revêtaient un caractère frauduleux ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision porte atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance du titre de séjour sollicité ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision porte atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance du titre de séjour sollicité et obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour fixer la Guinée comme pays de destination ;
- la décision méconnaît les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle partielle par décision du 17 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- et les observations de Me Rombout, substituant Me Bourgeois, représentant M. B....
Une note en délibéré présenté par Me Bourgeois pour M. B... a été enregistrée le 6 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, entré en France en août 2016 a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après que sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 7 février 2018. Par un arrêté du 10 mars 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai. Par un jugement du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours de M. B... contre cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Pour refuser d'accorder un titre de séjour et obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet de la Loire-Atlantique a tout d'abord considéré que M. B... ne justifiait pas de son état civil puis qu'il ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour ni se prévaloir de son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et enfin a estimé qu'il ne pouvait se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne le refus de séjour
3. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "
4. Si M. B... se prévaut outre de sa durée de séjour sur le territoire français, soit six ans à la date de la décision attaquée, de l'absence d'attaches familiale ou amicales dans son pays d'origine, son père étant décédé en 2019, il ne justifie cependant, à la date de la décision contestée, d'aucune attache familiale suffisamment ancienne stable et durable et notamment pas de la réalité de sa relation avec une compatriote demandeuse d'asile en France. De même, il ne saurait utilement se prévaloir de la naissance de sa fille née le 6 février 2024, soit postérieurement à la date de la décision attaquée. En outre, s'il justifie d'une intégration professionnelle dès lors qu'il est employé en qualité de livreur à temps plein au titre d'un contrat à durée indéterminée, cette seule circonstance n'est pas nature à établir l'existence de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Dans ces conditions, le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder le titre de séjour sollicité.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. M. B... se prévaut de sa durée de présence sur le territoire français depuis l'année 2016, de son insertion professionnelle résultant d'une embauche en contrat à durée déterminée puis à durée indéterminée depuis septembre 2021 en qualité de livreur. Cependant, alors que le requérant est demeuré sur le territoire malgré l'édiction d'une obligation de quitter le territoire en 2018, son insertion professionnelle ne permet pas de le regarder comme justifiant de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile.
7. En troisième lieu, et alors même que le préfet de la Loire Atlantique aurait à tort opposé à M. B... que ce dernier ne justifiait pas de son identité, il résulte de l'instruction du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le fait que l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour ni se prévaloir de son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par le stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il ne pouvait se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que les moyens tirés la méconnaissance de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger, de l'erreur de fait et du défaut d'examen des pièces d'état civil qu'il a produites et de la méconnaissance des articles L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil doivent être écartés comme inopérants.
8. En quatrième lieu, M. B... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il est présent sur le territoire depuis plus de cinq ans, qu'il est inséré professionnellement qu'il vit avec une compatriote avec laquelle il a eu une fille née le 6 février 2024. Cependant, pour les motifs exposés aux points 4 et 6, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant le séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, il ne saurait utilement se prévaloir des risques encourus par lui-même ou sa fille en cas de retour en Guinée à l'appui de ces conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour.
9. En sixième lieu et alors que sa fille est née le 6 février 2024, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de l'atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant à l'encontre de la décision portant refus de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
11. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4.
12. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, le moyen tiré de l'annulation de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.
14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour fixer le pays de destination.
15. En dernier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption du motif retenu par le tribunal administratif.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant d'une part à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2022 du préfet de la Loire-Atlantique. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public, par mise à disposition, au greffe le 24 septembre 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT00509020