Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2023 par lequel le préfet de la Vendée lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2316729 du 18 décembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2023 du préfet de la Vendée en tant qu'il porte refus de titre de séjour ainsi que les conclusions accessoires et a annulé cet arrêté en tant qu'il fait obligation à M. B... de quitter le territoire français. La magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a également enjoint au préfet de la Vendée de procéder à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 janvier 2024, le préfet de la Vendée demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande de M. A... B....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- s'agissant des autres moyens présentés par M. B... devant les premiers juges, qui ne sont pas davantage fondés, il s'en remet aux observations présentées devant le tribunal administratif.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2024, M. A... B..., représenté par Me Touchard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Vendée de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Il conclut par ailleurs à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. B... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 25 octobre 1982, est entré régulièrement en France le 1er mai 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 28 juin 2023, il a sollicité du préfet de la Vendée la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 26 octobre 2023, le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Par un arrêté du 26 octobre 2023, le préfet de la Vendée a assigné M. B... à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement n° 2316729 du 18 décembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2023 du préfet de la Vendée en tant qu'il porte refus de titre de séjour ainsi que les conclusions accessoires et a annulé cet arrêté en tant qu'il fait obligation à M. B... de quitter le territoire français. Le préfet relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :
2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France sous couvert d'un visa court séjour en mai 2016 et s'est maintenu sur le territoire malgré une mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Le requérant, qui est célibataire et sans charge de famille et qui n'a entrepris de démarches en vue de sa régularisation qu'en juin 2023 ne justifie pas d'une particulière intégration, en dépit de la production d'une promesse d'embauche au sein d'une entreprise de traiteur, de ses actions de bénévolat accomplies notamment auprès de l'association Les Amis de la Solidarité en 2023 et de la circonstance qu'il aurait noué des liens amicaux sur le territoire français. S'il se prévaut de la présence de sa sœur en France et d'une amie chez qui il indique résider depuis l'état 2022, la seule production d'attestations peu circonstanciées ne permet pas d'établir la réalité de l'intensité des liens allégués. Enfin, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident son père, sa mère ainsi que ses frères et sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge à l'âge de trente-quatre ans. Dans ces circonstances, et eu égard notamment aux conditions du séjour en France de l'intéressé, la décision par laquelle le préfet de la Vendée lui a fait obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts que cette décision poursuivait. Par suite, le préfet de la Vendée est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes s'est fondée sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées au point 2 pour annuler sa décision obligeant M. B... à quitter le territoire français.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal et devant la cour :
5. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. En l'espèce, alors que la décision portant refus de titre de séjour comporte, de manière suffisante, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, la mesure d'éloignement en litige, qui mentionne le 3° de l'article L. 611-1, est, par suite, suffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant.
7. En troisième lieu, pour les mêmes motifs énoncés au point 3, le préfet de la Vendée n'a pas entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur de fait en retenant que l'intéressé ne justifiait pas avoir établi le centre de sa vie privée et familiale en France et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
8. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
9. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent jugement, le moyen tiré de ce que le préfet de la Vendée aurait, en fixant le pays de destination, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Vendée est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 26 octobre 2023. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par M. B... à fin d'injonction sous astreinte et au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2316729 du 18 décembre 2023 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que les conclusions présentées par celui-ci devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT00155 2
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