Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2300084 du 14 décembre 2023 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistré les 12 janvier et 9 mai 2024, Mme C... A..., représentée par Me Lavenant, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2022 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est senti lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration n'est pas motivé ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle sollicite le bénéfice de l'ensemble des éléments précédemment soulevés tant au regard de l'illégalité externe qu'interne du refus de délivrance du titre de séjour ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du 29 mars 2024, la présidente du bureau d'aide juridictionnelle a constaté le rejet de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme C... A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... A..., ressortissante comorienne née en 1965, est entrée en France au cours du mois de septembre 2021, sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 2 décembre 2022 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Mme C... A... relève appel du jugement du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, dans l'hypothèse où le tribunal administratif aurait méconnu, comme le soutient l'intéressé, les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ainsi affecté la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application, notamment l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne des éléments de la biographie de l'intéressée et se fonde sur le fait que si l'état de santé de Mme C... A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'est pas établi que l'intéressée ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le préfet de la Loire-Atlantique a ainsi suffisamment motivé sa décision tant en droit qu'en fait. En outre, il ne ressort pas de cette motivation que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège / (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport / (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié / d) la durée prévisible du traitement / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays / (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Enfin, aux termes de l'article R. 4121-76 du code de la santé publique : " L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires / Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci ". Il résulte de ces dispositions que l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII en vertu de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit permettre l'identification des médecins dont il émane et être signé par eux. L'identification des auteurs de cet avis constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure.
5. Pour refuser de délivrer à Mme C... A... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), rendu le 19 juillet 2022, et a relevé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. D'une part, il convient, par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration n'est pas motivé, moyen que la requérante reprend en appel sans apporter d'élément nouveau.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'OFII du 19 juillet 2022 mentionne les nom, prénom et qualité des médecins signataires et comporte leurs signatures respectives. Si Mme C... A... conteste l'authenticité des signatures électroniques apposées sur cet avis, il ressort cependant des pièces du dossier que les signatures figurant sur cet avis sont des fac-similés qui ne constituent pas des signatures électroniques au sens de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration et qui, par conséquent, ne nécessitent aucun processus d'authentification, les avis du collège de médecins de l'OFII n'étant pas au demeurant au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Par ailleurs, aucun élément ne permet de douter que les signatures apposées au bas de cet avis du 19 juillet 2022 ne seraient pas celles des trois médecins composant le collège de médecins de l'OFII, dont l'identité est précisée pour chacun d'eux. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. Enfin, pour contester l'appréciation de sa situation au regard des conditions posées par les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à laquelle s'est ainsi livrée l'autorité préfectorale, Mme C... A... qui fait valoir qu'elle souffre de diabète de type II et qui se contente de produire une fiche de l'OMS de 2016 ne démontre pas l'impossibilité de bénéficier de soins et traitements et d'un accès effectif à une prise en charge médicale appropriée aux Comores. Elle ne démontre pas que le traitement qui lui a été prescrit notamment en raison du diabète dont elle souffre et en particulier les médicaments trulicity, metformine et irbésartan ne seraient pas substituables par d'autres, alors que la fiche pays relative au système de santé aux Comores produite par le préfet mentionne que le traitement requis en cas de diabète non insulinodépendant est disponible dans ce pays. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique aurait, en estimant que Mme C... A... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
10. Le séjour de Mme C... A... en France, entrée sur le territoire français au mois de septembre 2021, était très récent à la date de l'arrêté contesté. Si elle se prévaut de la présence en France de ses cinq enfants majeurs, et de onze petits-enfants, tous de nationalité française, elle n'a pas vocation à demeurer avec eux comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, en refusant d'accorder un titre de séjour à Mme C... A..., le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
12. En deuxième lieu, en se bornant à reprendre " les moyens d'illégalité externe développés au soutien de la demande d'annulation de la décision portant refus de délivrance du titre de séjour avec la même motivation et les mêmes conséquences ", Mme C... A... n'assortit pas sa critique de la légalité externe de l'obligation de quitter le territoire français, qui constitue une décision distincte, des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.
13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
15. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT00124 2
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