Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 mars 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination, l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par deux requêtes distinctes, M. D... a également demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 mars 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et a procédé à un signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement nos 2401481, 2401482, 2401483, 2401484 du 25 mars 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 avril 2024, Mme B... et M. D..., représentés par Me Wone, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 mars 2024 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 14 mars 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté dès lors que le mémoire du préfet leur a été communiqué après l'audience sans leur laisser le temps nécessaire pour en prendre connaissance et y répondre ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ces décisions sont contraires aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- les décisions fixant leur pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre ;
- ces décisions sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant interdiction de retour en France sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre ;
- ces décisions sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions les assignant à résidence portent atteinte au droit au respect de leur vie privée et familiale ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et portent atteinte à leur liberté d'aller et venir ;
- elles portent une atteinte très grave à l'intérêt de leurs enfants.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... et M. D..., ressortissants algériens, relèvent appel du jugement du 25 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 14 mars 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation de leur pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et procédant à leur signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen ainsi que des arrêtés du même jour les assignant à résidence.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 776-1 du code de justice administrative : " Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les obligations de quitter le territoire français, les décisions relatives au séjour qu'elles accompagnent, les interdictions de retour sur le territoire français et les interdictions de circulation sur le territoire français obéissent, sous réserve des articles L. 651-3 à L. 651-6, L. 652-3, L. 653-3, L. 761-3, L. 761-5, L. 761-9, L. 762-3 et L. 763-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux règles définies aux articles L. 614-2 à L. 614-19 du même code. ". Aux termes de l'article R 776-13-2 du même code : " La présentation, l'instruction et le jugement des recours obéissent, sans préjudice de la section 1, aux règles définies au premier alinéa de l'article R. 776-13, aux articles R. 776-15, R. 776-18, R. 776-20-1, R. 776-22 à
R. 776-26, aux deuxième et quatrième alinéas de l'article R. 776-27 et à l'article R. 776-28. ". Aux termes de l'article R. 776-26 de ce code : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les mémoires en défense présentés par le préfet d'Ille-et-Vilaine dans les affaires n° 2401481, 2401482, 2401483 et 2401484, qui ont été jointes en première instance, ont été reçus par le tribunal administratif de Rennes, dans l'application Télérecours, le 18 mars 2024, avant la tenue de l'audience, qui était fixée à 14h30. Ces mémoires ont été communiqués, par la voie électronique, au conseil de Mme B... et M. D.... La seule circonstance que leur avocat n'en a pris connaissance que le 18 mars 2024 à 15h11 ne suffit pas à établir qu'il n'aurait pas eu la possibilité de les consulter plus tôt et d'y répondre avant la clôture de l'instruction, qui est intervenue, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à la fin de l'audience. Par suite, le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire doit être écarté.
Sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme B... et M. D... soutiennent qu'ils sont entrés en France à la fin du mois d'avril 2019, que leurs deux enfants sont nés à Rennes en 2019 et 2024, que plusieurs membres de leur famille disposent soit d'un titre de séjour régulier, soit de la nationalité française et qu'ils déclarent leurs revenus en France. Il ressort des pièces du dossier, que les intéressés n'ont toutefois accompli aucune démarche en vue de la régularisation de leur séjour en France et que M. D... a été interpellé, le 14 mars 2024, à Rennes, alors qu'il travaillait sous couvert d'une carte d'identité italienne falsifiée. Par ailleurs, s'ils se prévalent du fait que leur fille est scolarisée en classe de maternelle et bénéficie d'un accompagnement scolaire spécifique ainsi que d'une prise en charge médicale en raison de son handicap, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait poursuivre sa scolarité dans des conditions similaires en Algérie et que leurs deux enfants ne pourraient y être médicalement suivis. Il ressort en outre des pièces du dossier que les requérants ne sont pas dépourvus de toutes attaches familiales dans leur pays d'origine, où résident notamment leurs parents respectifs ainsi que les frères et sœurs de Mme B.... Enfin, par les seules pièces dont ils se prévalent, les requérants n'établissent pas avoir noué en France des liens personnels et amicaux d'une particulière intensité. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre porteraient une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en conséquence, qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Les décisions en litige n'ont pas pour effet de séparer Mme B... et M. D..., qui ont la même nationalité et qui font chacun l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, de leurs deux enfants. Par suite, la seule circonstance que ces derniers sont nés en France, et alors qu'il n'est pas établi qu'ils ne pourraient pas être scolarisés et bénéficier de soins médicaux appropriés dans un autre pays et notamment en Algérie, ne suffit pas à établir que les mesures d'éloignement litigieuses seraient contraires aux stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur les décisions fixant leur pays de destination :
8. En premier lieu, le présent arrêt n'annulant pas les mesures d'obligation de quitter le territoire français en litige, Mme B... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant leur pays de renvoi doivent être annulées, par voie de conséquence, de l'annulation de ces mesures d'éloignement.
9. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt.
Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. Le présent arrêt n'annulant pas les mesures d'obligation de quitter le territoire français en litige, Mme B... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français doivent être annulées, par voie de conséquence, de l'annulation de ces mesures d'éloignement.
11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
12. Aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à Mme B... et M. D.... Les intéressés ne se prévalent d'aucune circonstance humanitaire, seule susceptible, en vertu des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de justifier que l'autorité préfectorale n'édicte pas à leur encontre d'interdiction de retour sur le territoire français. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence en France de Mme B... et M. D... serait antérieure à 2019 et qu'ils auraient engagé une quelconque démarche de régularisation de leur séjour alors qu'au contraire M. D... a été interpelé en flagrance pour travail illégal. Dès lors, et bien qu'ils n'aient fait précédemment l'objet d'aucune mesure d'éloignement et qu'il ne ressorte pas des pièces du dossier que leur présence en France constituerait une menace pour l'ordre public, en fixant à un an la durée des interdictions de retour sur le territoire français litigieuses, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les décisions portant assignation à résidence :
13. Aux termes des dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 733-2 du même code : " L'autorité administrative peut, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. / Lorsque l'étranger assigné à résidence fait l'objet (...) d'une décision d'interdiction administrative du territoire français, (...) la durée de cette plage horaire peut être portée à dix heures consécutives par période de vingt-quatre heures. ".
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions portant assignation à résidence de Mme B... et M. D... pour une durée de 45 jours, qui prévoient une obligation pour les intéressés de se présenter tous les mardis et jeudis à l'exception des jours fériés, à 10 heures pour Mme B... et à 16 heures pour M. D..., à la direction zonale de la police aux frontières -zone ouest- " Le Reynel ", rue Jules Vallès à Saint-Jacques-de-la-Lande, située dans l'agglomération de Rennes, ville dans laquelle ils sont hébergés, feraient obstacle à ce qu'ils s'occupent de leur fille scolarisée et accompagnent chacun de leurs deux enfants aux consultations médicales que leur état de santé requiert. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les mesures litigieuses seraient disproportionnées dans leur principe ou dans leurs modalités et porteraient une atteinte excessive à leur droit d'aller et de venir. Ils n'établissement pas davantage que ces décisions seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ou contraires aux stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant. Dans ces conditions, ces moyens doivent être écartés.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Pour les mêmes motifs, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme B... et M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01251