La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2024 | FRANCE | N°24NT01155

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 20 septembre 2024, 24NT01155


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite de rejet par le préfet du Calvados de sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français.



Par une ordonnance n° 2400402 du 20 février 2024, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de M. B... pour irrecevabilité.



Procédure devant la cour :



Par une

requête enregistrée le 16 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Le Floch, demande à la cour :



1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite de rejet par le préfet du Calvados de sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français.

Par une ordonnance n° 2400402 du 20 février 2024, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de M. B... pour irrecevabilité.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Le Floch, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour déposée le 4 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans le délai de quinze jours à compter de cette même date ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la demande qu'il a déposée en ligne sur le site " demarches-simplifiées.fr " constituait bien une " pré-demande en ligne " et non une demande de rendez-vous ; c'est donc à tort que sa requête a été rejetée par ordonnance pour irrecevabilité manifeste ;

- la décision attaquée est entachée d'incompétence de son auteur ;

- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation en l'absence de réponse de l'administration à sa demande de communication de ses motifs ;

- elle est entachée d'une violation de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La procédure a été communiquée au préfet du Calvados, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

13 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 31 mars 2023 pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant albanais né en 1988, est entré en France le 15 novembre 2021. Il s'est marié avec une ressortissante française, dont il a eu une fille, née le 30 décembre 2022 à Caen (Calvados). Le 4 mai 2023, il a déposé sur la plate-forme " demarches-simplifiées.fr " un dossier de " Pré-demande en ligne : Première demande de titre de séjour "parent d'enfant français" ". Estimant qu'en l'absence de toute réponse à sa démarche de la part de l'autorité compétente, une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour était née au bout de quatre mois, il a demandé le 6 décembre 2023, sans qu'il lui soit répondu, la communication des motifs de cette décision. Il relève appel de l'ordonnance du 20 février 2024 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté pour irrecevabilité sa demande d'annulation de cet acte.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 31 mars 2023 pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice : " Sont effectuées au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : / (...) / 2° A compter du 5 avril 2023, les demandes de cartes de séjour temporaires, de cartes de séjour pluriannuelles, de cartes de résident et de certificats de résidence algériens délivrés en application des articles L. 411-1, L. 411-4, L.423-7, L. 423-8 et L. 423-10 du même code ainsi que des stipulations combinées des articles 6 4 et 7 bis g de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 10 1) c de l'accord franco-tunisien du 7 mars 1988 modifié ; / (...)". L'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet " et l'article R. 432-2 du même code dispose que : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 1, que M. B... a déposé le 4 mai 2023 sur la plate-forme " demarches-simplifiées.fr " un dossier de " Pré-demande en ligne : Première demande de titre de séjour "parent d'enfant français" ". Cette demande de délivrance d'un titre en qualité de parent d'enfant français, formée sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était au nombre des demandes, énumérées par l'arrêté précité du 31 mars 2023, qui, par application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peuvent être valablement présentées au moyen du téléservice mis en œuvre par l'administration.

4. D'autre part, il n'est pas soutenu en défense et il ne ressort pas des pièces du dossier que, bien que M. B... ait produit de nouvelles pièces en décembre 2023, la demande de titre qu'il a présentée le 4 mai 2023 aurait été initialement incomplète ou aurait fait l'objet d'une demande de l'autorité préfectorale à l'intéressé afin qu'il complète son dossier.

5. Il s'ensuit que, compte tenu d'une attestation de dépôt de la demande le 4 mai 2023 et par application des dispositions, citées au point 3, des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision implicite de rejet de la demande de M. B... est née le 5 septembre 2023, dont l'intéressé était recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir à la date du 14 février 2024 à laquelle il a saisi le tribunal administratif de Caen.

5. Par suite, c'est à tort que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi, au motif de l'absence de décision de refus de séjour faisant grief à M. B.... Son ordonnance du 20 février 2024 doit, dès lors, être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. B... devant le tribunal administratif de Caen.

7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° (...) constituent une mesure de police (...) ". Selon les termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ". Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse d'une décision implicite intervenue dans un cas où la décision explicite aurait dû être motivée, l'absence de communication des motifs de cette décision dans le délai d'un mois suivant la demande de communication de ces motifs entache d'illégalité la décision en cause.

8. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier recommandé reçu à la préfecture du Calvados le 8 décembre 2023, M. B... a sollicité, par l'intermédiaire de son conseil, la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Il n'est pas contesté, en défense, que le préfet du Calvados n'a pas répondu à cette demande. Ainsi, en l'absence de communication par cette autorité des motifs de la décision implicite en litige, laquelle figure au nombre des actes devant être motivés en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, cette décision se trouve entachée d'illégalité.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour formulée 4 mai 2023 par M. B... doit être annulée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que le préfet du Calvados procède au réexamen de la situation de M. B.... Il y a lieu d'enjoindre à ce préfet de procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois suivant la date de notification du présent arrêt. En revanche, n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Tsanarazy, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'État, partie perdante, le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros hors taxe.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2400402 du 20 février 2024 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen et la décision implicite par laquelle le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour de M. B... sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la demande de titre de séjour de

M. B... dans le délai d'un mois.

Article 3 : L'État versera à Me Tsanarazy, avocat de M. B..., une somme de 1 000 euros hors taxe en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B..., à Me Tsanarazy, et au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01155
Date de la décision : 20/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : TSARANAZY NOMENJANAHARY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-20;24nt01155 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award