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20/09/2024 | FRANCE | N°23NT03557

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 20 septembre 2024, 23NT03557


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL SPSOA a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 28 décembre 2020 par laquelle le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne (CRPMEM) a refusé de lui accorder une licence " filets à poissons - région Bretagne" pour la campagne 2021.



Par un jugement n° 2105616 du 2 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de la SARL SPSOA.



Procédure devant la co

ur :



Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er décembre 2023, le 27 mars 2024 et le

10 avril...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL SPSOA a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 28 décembre 2020 par laquelle le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne (CRPMEM) a refusé de lui accorder une licence " filets à poissons - région Bretagne" pour la campagne 2021.

Par un jugement n° 2105616 du 2 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête de la SARL SPSOA.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er décembre 2023, le 27 mars 2024 et le

10 avril 2024, la SARL SPSOA, représenté par Me Langlais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 28 décembre 2020 par laquelle le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne (CRPMEM) a refusé de lui accorder une licence " filet à poissons " pour la campagne de pêche 2021 ;

3°) de mettre à la charge du CRPMEM de Bretagne une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en tant qu'il se fonde sur l'absence de justification de l'envoi et de la réception de son recours gracieux du 3 mars 2021 avant l'expiration du délai de recours contentieux, le jugement attaqué est entaché d'une erreur matérielle ; son courrier du 3 mars ayant été reçu le 5 mars, c'est à tort que le tribunal a retenu que sa requête était tardive et l'a rejetée pour irrecevabilité ;

- la décision litigieuse est fondée sur un régime d'autorisation établi par le CRPMEM, qui porte atteinte à la liberté d'entreprendre, dont les limitations relèvent du domaine de la loi et qui est protégé par la Constitution et par le droit de l'Union européenne ;

- le droit applicable permet que l'activité de pêche soit limitée au nom de la protection de l'environnement et de considérations socio-économiques au moyen d'un régime d'autorisations conditionnant l'accès à une espèce à protéger particulièrement, et non à toutes les espèces de poissons, ou au moyen de mesures techniques applicables pour pouvoir pêcher dans une zone justifiant une protection particulière ; or le navire " souvenir " respecte les mesures techniques édictées par le CRPMEM de Bretagne et se trouve illégalement privé d'accès à la zone concernée ;

- la décision du CRPMEM de Bretagne s'affranchit, par le régime d'autorisation qu'il met en œuvre, des critères qui lui sont imposés par l'article L. 921-2 du code rural imposant que les autorisations soient délivrées en tenant compte de l'antériorité des producteurs, des orientations du marché et des équilibres économiques ; le critère des antériorités n'a pas été appliqué, celui des équilibres économiques a été appliqué en méconnaissance du principe d'égalité de traitement, et les raisons invoquées par le CRPMEM pour s'affranchir des obligations posées par l'article

L. 921-2 du code rural ne sont pas valables.

Par des mémoires en défense enregistrés le 8 février 2024 et le 10 avril 2024, le CRPMEM de Bretagne conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la SARL SPSOA lui verse une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête de la SARL SPSOA.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL SPSOA ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Catroux,

- et les observations de Me Vendé, représentant le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL SPSOA, dont M. A... B... est le gérant, exploite en tant qu'armateur le navire de pêche " Souvenir ". Elle a déposé pour ce navire une demande de licence de filet à poissons, pour la campagne 2021, auprès du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Bretagne. Cette demande a été explicitement rejetée par une décision de ce comité du 28 décembre 2020 qui lui a été notifiée le 5 janvier 2021, prise au motif que " le contingent de licences alloué est atteint après satisfaction des demandes en renouvellement conformément à l'article 2 de la délibération n° 2008-021 " FILET - CRPM B " du 30 mars 2018 du CRPMEM de Bretagne, approuvée par arrêté du préfet de Région du 26 juin 2018 ". Par un courrier daté du 3 mars 2021, M. B... a demandé au CRPMEM Bretagne l'annulation de cette décision et, par une décision du 4 mai 2021, le CRPMEM de Bretagne lui a répondu défavorablement. M. B... a alors contesté une nouvelle fois la décision du 28 décembre 2020, dans une lettre datée du 6 juillet 2021, sans qu'il lui soit répondu. La SARL SPSOA relève appel du jugement du 2 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté pour irrecevabilité sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 28 décembre 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai ". L'article L. 112-6 du même code dispose que " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un premier recours gracieux du 3 mars 2021,

M. A... B... a demandé au CRPMEM de Bretagne, par l'intermédiaire de ses conseils, Mes Croix et Langlais, l'annulation de la décision du 28 décembre 2020, qu'il avait reçue le

5 janvier 2021 et qui comportait l'indication des voies et délais de recours, lui refusant l'attribution d'une licence pour le navire de pêche " Souvenir ". Contrairement à ce que fait valoir le CRPMEM en défense, ce recours, qui concerne le navire " Souvenir ", armé par la SARL SPSOA, doit être considéré comme ayant été valablement présenté pour cette société par M. A... B... qui en est le gérant. Il ressort également des pièces du dossier, ainsi que le CRPMEM de Bretagne l'a d'ailleurs admis lui-même dans son courrier de réponse du 4 mai 2023, que ce recours gracieux a été reçu par le CRPMEM de Bretagne le 5 mars 2023, donc avant l'expiration, le lundi 8 mars 2023 à minuit, du délai de recours contentieux, lequel a ainsi été interrompu. Alors, d'une part, que le rejet exprès de ce recours gracieux par l'administration, le 4 mai 2023, reçu le lendemain 5 mai 2023 par la SARL SPSOA, ne comportait pas lui-même l'indication des voies et délais de recours et que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle indication figurait dans un courrier par lequel le CRPMEM de Bretagne aurait accusé réception du recours gracieux de la SARL SPSOA, lequel doit être regardé comme une demande au sens de l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration, relevant donc de l'obligation de délivrance d'un accusé de réception prévue à l'article L. 112-3 du même code, le délai de recours contentieux contre la décision du 28 décembre 2020, qui avait été interrompu, ainsi qu'il été dit ci-dessus, par l'effet du recours gracieux susmentionné, n'a pas recommencé à courir. Il ne peut être considéré, enfin, eu égard au délai de moins de six mois s'étant écoulé entre la réception par la SARL SPSOA, le 5 mai 2023, du rejet de son premier recours gracieux et la saisine du tribunal administratif le 4 novembre 2021 et eu égard à l'exercice par cette société d'un second recours gracieux le 6 juillet 2021, sans qu'il soit accusé réception de cette nouvelle demande ni répondu à celle-ci, que la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes le 4 novembre 2021 l'aurait été au-delà d'un délai raisonnable et serait tardive pour ce motif.

4. Il résulte de ce qui précède que la société SPSOA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté pour irrecevabilité sa requête. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Rennes pour qu'il statue sur la demande de la société SPSOA.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la SARL SPSOA et du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Bretagne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Rennes pour qu'il soit statué sur la demande présentée par la SARL SPSOA

Article 3 : Les conclusions de la SARL SPSOA et du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Bretagne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SPSOA, au Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Bretagne, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au président du tribunal administratif de Rennes.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03557
Date de la décision : 20/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : BOISSONNET RUBI RAFFIN GIFFO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-20;23nt03557 ?
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