Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 5 août 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (République de Guinée) refusant de délivrer à M. B... C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2203827 du 28 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 15 septembre 2021 et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... C... et M. B... C... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- la demande de visa présentée pour M. B... C... n'a pas été présentée dans un délai raisonnable après la reconnaissance de la qualité de réfugié de M. E... C... ;
- la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 15 septembre 2021 peut être légalement fondée sur le motif tiré de ce que M. E... C... ne respecte pas les principes régissant la vie familiale en France, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2023, M. E... C... et M. B... C... demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de l'intérieur ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... C... un visa d'entrée et de long séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- aucune disposition ni aucun principe n'impose au réunifiant de former sa demande dans un délai raisonnable ;
- l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable au litige ;
- M. E... C... ne méconnaît pas les principes régissant la vie familiale en France.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mas,
- et les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 28 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. E... C... et de M. B... C..., la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France avait refusé à M. B... C..., fils allégué de M. E... C... dont la qualité de réfugié a été reconnue par décision de la commission de recours des réfugiés du 15 mars 2005, la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". Aux termes de l'article L. 561-3 de ce code : " La réunification familiale est refusée : / (...) 2° Au demandeur ou au membre de la famille qui ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. ".
3. Le ministre de l'intérieur ne conteste pas les motifs par lesquels le jugement attaqué a jugé que la décision contestée de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France contestée du 15 septembre 2021, en ce qu'elle se fondait sur la circonstance que le lien de filiation entre M. E... C... et M. B... C... n'était pas établi, était entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 561-2, L. 561-5 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 47 du code civil.
4. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. En premier lieu, si le ministre de l'intérieur soutient que la demande de visa formée au profit de M. B... C... n'a pas été constituée dans un délai raisonnable à compter de la reconnaissance du statut de réfugié de M. E... C..., ce motif n'est pas au nombre de ceux pouvant légalement fonder un refus de visa dans le cadre d'une réunification familiale. Dans ces conditions, ce motif ne saurait légalement fonder la décision contestée du 15 septembre 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.
6. En second lieu, les dispositions de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives au regroupement familial, ne sont pas applicables aux demandes de visa présentées dans le cadre d'une réunification familiale. Dans ces conditions, la décision contestée de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ne saurait être légalement fondée sur le motif tiré de ce que la demande de visa rejetée par cette décision méconnaîtrait la condition de respect des principes régissant la vie familiale en France résultant des dispositions de cet article.
7. Par suite, les demandes de substitution de motifs sollicitées par le ministre ne peuvent être accueillies.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le tribunal administratif de Nantes a fait droit aux conclusions à fin d'injonction présentées devant lui par M. E... C... et de M. B... C.... Les conclusions présentées, de nouveau, à ces mêmes fins par les intéressés devant la cour sont donc sans objet. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Nantes d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de M. E... C... et de M. B... C..., d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. E... C... et M. B... C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. E... C... et M. B... C... à fin d'injonction et d'astreinte sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. E... C... et à M. B... C....
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. LE REOUR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00224