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20/09/2024 | FRANCE | N°23NT00215

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 20 septembre 2024, 23NT00215


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. N... I..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de l'enfant mineure B... I..., et Mme E... C..., agissant en qualité de représentants légaux des enfants mineurs J... I..., H... I..., M... I... et K... I..., ainsi que M. G... I..., M. D... I... et M. F... I... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juillet 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejet

le recours formé contre la décision du 6 août 2019 des autorités consulaires frança...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N... I..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de l'enfant mineure B... I..., et Mme E... C..., agissant en qualité de représentants légaux des enfants mineurs J... I..., H... I..., M... I... et K... I..., ainsi que M. G... I..., M. D... I... et M. F... I... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juillet 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 août 2019 des autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer à Mme E... C..., à M. G... I..., à M. D... I..., à M. F... I..., aux jeunes B..., J..., H..., M... et K... I... des visas d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2203749 du 23 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 7 juillet 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté les recours formés contre les refus de visas opposés à M. G... I..., à M. D... I... et à M. F... I..., a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à ces derniers les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et rejeté le surplus des conclusions de M. I... et autres.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2023, M. N... I..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de l'enfant mineure B... I..., et Mme E... C..., agissant en qualité de représentants légaux des enfants mineurs J..., H..., M... et K... I..., représentés par Me Le Floch, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2021 de la commission de recours en tant qu'elle a rejeté le recours formé contre la décision du 6 août 2019 des autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme E... C..., et aux jeunes B..., J..., H..., M... et K... I... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme E... C..., ainsi qu'aux jeunes B... I..., J... I..., H... I..., M... I... et K... I... les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer leurs demandes de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. I... et Mme C... soutiennent que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- l'identité de la jeune B... I... et le lien de filiation l'unissant à M. I... sont établis par un extrait des registres de naissance ;

- la décision contestée méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- et les observations de Me Le Floch, représentant M. I... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 7 juillet 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les refus de visas opposés, d'une part, à M. G... I..., M. D... I..., M. F... I... et à la jeune B... I..., se présentant comme nés d'une première union de M. N... I..., réfugié statutaire, d'autre part, à Mme E... C..., se présentant comme la nouvelle épouse de ce dernier, ainsi qu'aux enfants mineurs J... I..., H... I..., M... I... et K... I..., se présentant comme les enfants nés de l'union de M. N... I... et de Mme C.... Par un jugement du 23 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. I... et autres, la décision de la commission, en tant qu'elle a rejeté les recours formés contre les refus de visas opposés à M. G... I..., à M. D... I... et à M. F... I..., a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à ces derniers des visas de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par ce même jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de la demande de M. I... et autres tendant à l'annulation de la décision de la commission en ce qu'elle rejette les recours formés contre les refus de visas opposés à la jeune B... I..., à Mme C... ainsi qu'aux jeunes J..., H..., M... et K... I.... M. I... et Mme C... relèvent appel du jugement en tant qu'il a rejeté ces conclusions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, la décision contestée énonce avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait qui la fondent. Le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit par suite être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du refus de visa opposé à la jeune B... I... :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...). L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 561-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les articles (...) L. 434-3 à L. 434-5 (..) sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux " et aux termes de l'article L. 434-4 de ce code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles L. 434-3 et

L. 434-4 du même code, auxquelles l'article L. 561-4 renvoie, que le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié ou a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale, par ses enfants non mariés, y compris par ceux qui sont issus d'une autre union, à la condition que ceux-ci n'aient pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été présentée. Les demandes présentées pour les enfants issus d'une autre union doivent en outre satisfaire aux autres conditions prévues par les articles L. 434-3 ou

L. 434-4, le respect de celles d'entre elles qui reposent sur l'existence de l'autorité parentale devant s'apprécier, le cas échéant, à la date à laquelle l'enfant était encore mineur.

6. Enfin, aux termes de l'article L.811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

8. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que, pour rejeter le recours formé contre le refus de visa opposé à la jeune B... I..., la commission s'est fondée sur ce que les extraits d'actes de naissance produits ne répondent pas aux conditions de forme et de fond prévues aux articles 19 et 36 de la loi 2011-013 portant code de l'état civil en Mauritanie et que l'intéressée n'a produit ni acte de naissance informatisé dans le Registre National des Populations et des Titres Sécurisés, ni titre d'identité ou document de voyage.

9. Pour justifier de l'identité de la jeune B..., il a été produit un extrait du registre des actes de naissance de la commune de Bagodine relatant sa naissance, le 14 septembre 2007. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cet acte a été dressé le 12 février 2007, soit antérieurement à la naissance de l'intéressée. Si les requérants produisent une attestation établie le 15 décembre 2022 par le maire de cette commune indiquant que l'extrait a été établi le 25 septembre 2007 et que la date du 21 février 2007 résulte d'une erreur d'écriture, ce document, établi plus de 15 ans après la naissance à laquelle il se rapporte, et en dehors de toute procédure de rectification d'un acte d'état civil, est dépourvu de caractère probant. Dans ces conditions et alors qu'aucun autre document n'est versé au dossier, l'anomalie affectant l'extrait du registre du 12 février 2007 est de nature à établir l'inauthenticité de cet acte. Par ailleurs les quelques justificatifs d'argent adressés par M. I... à Mme C..., qui n'est pas la mère de la demandeuse de visas, ainsi que la photographie de famille prise en 2018 ne permettent pas d'établir ce lien par possession d'état. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées que la commission a rejeté le recours formé contre le refus de visa de long séjour opposé à la jeune B... I....

10. En deuxième lieu, le lien familial allégué n'étant pas établi, le moyen tiré de ce que le refus de visa opposé à la jeune B... méconnaîtrait l'intérêt supérieur de cet enfant, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et celui tiré de ce que cette décision porterait une atteinte excessive au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

S'agissant des refus de visas opposés à Mme C... et aux enfants J..., H..., M..., et K... :

11. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, qu'au moment de sa demande d'asile, déposée en 2004, M. I... était marié avec Mme A..., que cette dernière est décédée en 2009 et que l'union de M. I... et de Mme C... a été célébrée en 2012. Le mariage de Mme C... et de M. I... étant postérieur à la demande d'asile de ce dernier, la demande de visa de la requérante ainsi que des enfants du couple, nés en 2009, 2011, 2015 et 2017 ne relèvent pas du droit à la réunification familiale, mais de la procédure de regroupement familial. Il est constant que M. I... a épousé Mme C... et constitué avec elle une nouvelle cellule familiale plus de 8 ans après avoir obtenu le statut de réfugié, et qu'il se rend régulièrement au Sénégal pour y retrouver son épouse et leurs enfants. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. I... qui soutient, sans d'ailleurs l'établir, qu'il ne remplirait pas les conditions de logement pour faire bénéficier les demandeurs de visas de la procédure de regroupement familial, serait dans l'impossibilité de continuer à rendre visite à sa famille au Sénégal. Dans ces conditions, les refus de visa opposés à Mme C... ainsi qu'aux jeunes J..., H..., M... et K... ne portent pas au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au regard des motifs de ces décisions. Il ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de ces quatre enfants. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et celui tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission en tant qu'elle a rejeté les recours formés contre les refus de visas opposés à la jeune B... I..., à Mme C... ainsi qu'aux jeunes J..., H..., M... et K... I....

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. I... et autres, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ces derniers et autres doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de M. I... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. O... G... I..., à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. L...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00215
Date de la décision : 20/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-20;23nt00215 ?
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