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20/09/2024 | FRANCE | N°23NT00204

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 20 septembre 2024, 23NT00204


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 9 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 28 octobre 2021 de l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'un enfant de nationalité française.



Par un jugement n°2202385 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 9 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 28 octobre 2021 de l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de parent étranger d'un enfant de nationalité française.

Par un jugement n°2202385 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2023, Mme E..., représentée par Me Belliard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler cette décision implicite de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'erreur de droit entachant la décision contestée en ce qu'elle lui oppose l'absence de résidence de son enfant sur le territoire national ;

- en opposant une condition relative à la résidence de l'enfant, non prévue pour la délivrance du visa sollicité, l'administration a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ; il est parfaitement justifié de leurs conditions d'accueil par le père de l'enfant et de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme E..., ressortissante malgache née en 1992, tendant à l'annulation de la décision implicite née le 9 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Madagascar rejetant la demande de visa de long séjour présentée en sa qualité de parent étranger d'enfant français. Mme E... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales (...) / 2° (...) des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs à l'objet et aux conditions de son séjour et à ses moyens d'existence (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. / Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial, en qualité de visiteur, d'étudiant, de stagiaire ou au titre d'une activité professionnelle, et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24. ".

3. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur en défense devant le tribunal et la cour que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur les motifs tirés de ce que l'enfant ne réside pas en France avec son père et de ce qu'il n'est pas justifié de la participation du père de l'enfant à son éducation et à son entretien, ni de ses capacités à les accueillir toutes les deux en France.

4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., ressortissante malgache, et M. A... C..., ressortissant français, résidant à la Réunion, sont parents d'une enfant, B... F... C..., de nationalité française, âgée de 5 ans à la date de la décision contestée, et que l'enfant vit avec sa mère depuis sa naissance à Madagascar. Il ressort également des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme E..., qui a déjà sollicité et obtenu plusieurs visas de court séjour pour se rendre à la Réunion en 2019 et 2020, a sollicité un visa d'entrée et de long séjour, en vue de rejoindre, accompagnée de sa fille, le père de cette dernière et de vivre tous trois à la Réunion, alors, au demeurant, et contrairement à ce que soutient le ministre, que le père de l'enfant justifie des ressources nécessaires pour prendre en charge l'enfant et sa mère. Dans ces conditions, et au regard de ces éléments, la décision de refus contestée porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant B... F... C... et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du

jugement attaqué ni les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif qui le fonde, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire délivrer à Mme E... le visa sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : La décision implicite née le 9 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée par Mme E... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme E... le visa de long séjour sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme E... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT00204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00204
Date de la décision : 20/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : BELLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-20;23nt00204 ?
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