Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Domaine Arvor et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 27 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération (Côtes-d'Armor) a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat (PLUiH).
Par un jugement n° 2003605 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 mars 2023 et 10 janvier 2024, la société Domaine Arvor et M. A... B..., représentés par Me Boisset, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 janvier 2023 ;
2°) à titre principal d'annuler la délibération du 27 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération seulement en tant que, sur le territoire de la commune de Lanvallay, elle classe l'aire naturelle de camping du Domaine d'Arvor en zone agricole ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la délibération contestée méconnait les dispositions de l'article L. 132-11 du code de l'urbanisme dès lors que la région Bretagne ne s'est pas vue notifier la délibération prescrivant l'élaboration du PLUiH ; elle n'a pas été associée aux travaux d'élaboration du PLUiH ; elle n'a pas été consultée sur le projet de PLUiH arrêté ;
- le règlement graphique classant en zone A les parcelles que la société Domaine Arvor exploite est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durable du PLUiH ;
- le classement des parcelles qu'elle exploite en zone A du règlement du PLUiH est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; l'absence de délimitation d'un secteur de taille et de capacité d'accueil limitées est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le classement méconnait le principe d'égalité s'agissant de la seule activité touristique autorisée existante classée en zone A.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre 2023 et 26 janvier 2024, la communauté d'agglomération Dinan Agglomération représentée par Me Le Derf-Daniel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Domaine Arvor et de M. B... une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance n'était pas recevable ; les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir ; la demande est tardive ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Hipeau, substituant Me Le Derf-Daniel, représentant la communauté d'agglomération Dinan Agglomération.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 27 janvier 2020, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération (Côtes-d'Armor) a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat (PLUiH). M. B... et la société Domaine Arvor, exploitant une aire naturelle de camping sur le territoire de la commune de Lanvallay, laquelle appartient à la communauté d'agglomération de Dinan Agglomération et n'est pas soumise aux dispositions de la loi dite littorale, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette délibération. Ils relèvent appel du jugement de ce tribunal du 27 janvier 2023 rejetant leur demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 132-11 du code de l'urbanisme : " Les personnes publiques associées : / 1° Reçoivent notification de la délibération prescrivant l'élaboration du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; / 2° Peuvent, tout au long de cette élaboration, demander à être consultées sur le projet de schéma de cohérence territoriale ou de plan local d'urbanisme ; / 3° Emettent un avis, qui est joint au dossier d'enquête publique, sur le projet de schéma ou de plan arrêté. ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. / La délibération prise en application de l'alinéa précédent est notifiée aux personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan arrêté est soumis pour avis : / 1° Aux personnes publiques associées à son élaboration mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 ; (...). " et aux termes de l'article R. 153-4 du même code : " Les personnes consultées en application des articles L. 153-16 et L. 153-17 donnent un avis dans les limites de leurs compétences propres, au plus tard trois mois après transmission du projet de plan. / A défaut de réponse dans ce délai, ces avis sont réputés favorables. ".
3. Il ressort tant de la délibération du 13 mars 2017 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal valant plan local de l'habitat et précisant les objectifs poursuivis et les modalités de concertation que des délibérations des 25 mars et 22 juillet 2019 arrêtant le projet de ce plan que ces délibérations prévoient chacune expressément leur notification aux personnes publiques associées qu'elles énumèrent, et notamment au président du conseil régional de Bretagne. Par ailleurs, la délibération du 22 juillet 2019, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, mentionne qu'à la suite de la délibération du 25 mars 2019 " le dossier arrêté a été transmis aux personnes publiques associées et aux personnes prévues par les textes en vigueur ". Par ailleurs, il ressort du rapport de la commission d'enquête que le conseil régional de Bretagne a été consulté sur le projet arrêté de plan local d'urbanisme intercommunal valant plan local de l'habitat. Enfin, en application des dispositions de l'article R. 153-4 précité, en l'absence de réponse dans un délai de trois mois, la région Bretagne doit être regardée comme ayant émis un avis favorable au projet de PLUiH qui lui était soumis. Dans ces conditions, les moyens tirés du vice de procédure au regard des articles L. 132-11, L. 153-11 et L. 153-16 du code de l'urbanisme doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". Aux termes de l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". En vertu de l'article L. 151-9 de ce code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ".
5. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
6. Il ressort du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) que les auteurs du PLUiH contesté ont entendu considérer le tourisme comme un objectif de développement, et un cadre de valorisation, et ainsi développer l'attractivité touristique. Le PADD indique que le projet entend affirmer la place du territoire dans l'offre touristique régionale et valoriser, d'un point de vue économique, ses marqueurs touristiques. Il indique que " le PLUi identifiera les équipements communautaires d'intérêt touristique, ainsi que les espaces de loisirs-nature et autres espaces à vocation touristique sur l'ensemble du territoire ". Toutefois, les auteurs du PLUiH ont également entendu valoriser l'activité agricole en tant qu'activité économique structurante en favorisant le maintien, l'adaptation, et le développement des exploitations agricoles notamment à travers ses objectifs de modération de la consommation d'espace et en limitant l'impact du plan sur les outils de production agricole.
7. Le règlement du PLUiH classe les parcelles exploitées par la société Domaine Arvor en zone agricole (A) dans laquelle sont principalement autorisées les extensions limitées des constructions existantes à vocation d'habitation, les annexes, les installations, les aménagements et travaux nécessaires à l'exploitation agricole ainsi que ceux nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif. En outre, au sein des zones agricoles hors commune littorale, des nouvelles constructions autres que celles liées à l'activité agricole peuvent être admises dans le cadre de secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées. Les parcelles en litige n'appartiennent toutefois pas, aux termes du règlement du PLUiH, à un tel secteur.
8. D'une part, l'objectif du PADD de développement de l'offre touristique sur le territoire communautaire ne peut être regardé comme ayant pour objet ou pour effet de permettre l'implantation de nouvelles constructions sur l'ensemble des terrains accueillant déjà une activité d'hébergement touristique, y compris au regard des singularités de l'offre d'hébergement proposée par la société Domaine Arvor. D'autre part, alors que les auteurs du PLUiH ont par ailleurs entendu préserver l'activité agricole et modérer la consommation d'espace, la circonstance que le règlement graphique du PLUiH ait classé les parcelles exploitées par la société Domaine Arvor en zone A ne permet pas de caractériser une incohérence entre ce règlement et le PADD.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Aux termes de l'article L. 151-13 du même code : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : 1° Des constructions ; (...). Ces secteurs sont délimités après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Leur caractère exceptionnel s'apprécie, entre autres critères, en fonction des caractéristiques du territoire, du type d'urbanisation du secteur, de la distance entre les constructions ou de la desserte par les réseaux ou par les équipements collectifs. ".
10. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A ce titre, ils peuvent identifier et localiser des éléments de paysage et définir des prescriptions de nature à assurer leur protection. Ce faisant, ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
11. Il résulte des dispositions citées au point 9 qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Si, pour apprécier la légalité du classement d'une parcelle en zone A, le juge n'a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d'une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l'ampleur des aménagements ou constructions qu'elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée, à plus forte raison lorsque les parcelles en cause comportent des habitations voire présentent un caractère urbanisé.
12. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles exploitées par la société Domaine Arvor, cadastrées section A n°s 14, 15, 16, 23 et 24, sont principalement végétalisées et situées en périphérie du lieudit " La Ville Ameline ", secteur comprenant seulement environ une vingtaine de constructions implantées de manière peu dense, sur de vastes parcelles, qui ont également été classées en zone A. Par ailleurs, ces parcelles s'ouvrent sur un vaste espace dont le caractère agricole n'est pas contesté par les requérants. Enfin, la circonstance alléguée selon laquelle tous les sites touristiques du territoire auraient fait l'objet d'un classement différent, à la supposer avérée, est sans incidence sur la légalité de la délibération contestée. Dans ces conditions, compte tenu des partis d'aménagement rappelés au point 8 et de la localisation des parcelles exploitées par la société requérante, leur classement en zone A du PLUiH n'est pas entaché d'une erreur manifeste au regard des dispositions des articles L. 151-13 et R. 151-22 du code de l'urbanisme.
13. En quatrième lieu, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles. En l'espèce, dès lors que le classement des parcelles des requérants en zone A du PLUiH ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne porte pas d'atteinte illégale au principe d'égalité des citoyens devant la loi. Le moyen doit par suite être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que la société Domaine Arvor et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Domaine Arvor et M. B... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Domaine Arvor et de M. B... une somme globale de 1 000 euros à verser à la communauté d'agglomération Dinan Agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Domaine Arvor et de M. B... est rejetée.
Article 2 : La société Domaine Arvor et M. B... verseront ensemble à la communauté d'agglomération Dinan Agglomération une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Domaine Arvor, à M. A... B... et à la communauté d'agglomération Dinan Agglomération.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président de
la formation de jugement,
C. RIVASLe greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00918