Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... et Mme G... E..., Mme C... D..., Mme F... D... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 27 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération (Côtes-d'Armor) a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat en tant qu'elle classe la partie sud de leurs parcelles cadastrées section AB n°s 88 et 289 en zone Nl, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux formé contre cette délibération.
Par un jugement n° 2004527 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 mars 2023, 4 mars 2024 et 12 avril 2024, M. A... D... et Mme G... E..., Mme C... D..., Mme F... D... et M. B... D..., représentés par Me Piperaud, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 janvier 2023 ;
2°) d'annuler la délibération du 27 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat en tant qu'elle classe la partie sud de leurs parcelles cadastrées section AB n°s 288 et 289 en zone Nl, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux formé contre cette délibération ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le classement en zone Nl de la partie sud de leur parcelle n'est pas cohérent avec le parti retenu dans le projet d'aménagement et de développement durable ;
- le classement en zone Nl de la partie sud de leur parcelle est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne présente pas un caractère principalement naturel ; elle ne se rattache pas à une zone naturelle mais à un espace urbanisé ;
- le classement contesté n'est pas fondé au regard des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors que leur parcelle est située en continuité d'un espace urbanisé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 février et 20 mars 2024, la communauté d'agglomération Dinan Agglomération, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des consorts D... et de Mme E... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Piperaud, représentant les consorts D... et Mme E..., et celles de Me Vautier, substituant Me Rouhaud, représentant la communauté d'agglomération Dinan Agglomération.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 27 janvier 2020, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération (Côtes-d'Armor) a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat (PLUiH). Les consorts D... et Mme E..., propriétaires de parcelles cadastrées section AB n°s 288 et 289 sur le territoire de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, qui appartient à la communauté d'agglomération de Dinan Agglomération, ont formé un recours gracieux contre cette délibération en tant qu'elle classe la partie sud de leurs parcelles cadastrées section AB n°s 288 et 289 en zone Nl, lequel a été implicitement rejeté. Ils ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces décisions. Ils relèvent appel du jugement de ce tribunal du 27 janvier 2023 rejetant leur demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ". Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; (...) / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; (...). ".
3. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
4. Il ressort du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat (PLUiH) de Dinan Agglomération que ses auteurs ont entendu tenir compte de la fragilité des zones côtières et " préserver leur caractère naturel, les accès à la mer, la diversité des espaces et des paysages ". Ils ont également constaté que l'attractivité touristique et résidentielle du littoral a généré une urbanisation diffuse, grande consommatrice d'espaces agro-naturels et souhaité que le PLUiH favorise une densification adaptée des bourgs littoraux et limite la construction résidentielle en frange littorale. Ils ont ainsi entendu affirmer la " nécessaire articulation entre développement d'une part et préservation des caractéristiques propres au littoral d'autre part ". S'agissant de la biodiversité, le PADD précise que le PLUiH vise à préserver les habitats naturels constitutifs de biodiversité, une attention particulière étant portée sur les espaces naturels au sein des périmètres environnementaux remarquables tels que Natura 2000.
5. La partie sud des parcelles cadastrées section AB n°s 288 et 289, propriété des requérants, a été classée en zone Nl du règlement du PLUiH laquelle désigne les zones naturelles des communes littorales. Au sein de cette zone, les dispositions de la zone N sont applicables, toutefois la construction d'annexes aux habitations n'est pas admise.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles des requérants d'une superficie de 11 273 m² et supportant trois constructions de faible emprise au sol, bordent le rivage de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer et sont intégralement incluses dans le périmètre d'une zone Natura 2000. D'autre part, la partie sud de ces parcelles, qui s'intègre dans le vaste espace à dominante naturelle qui s'ouvre vers le nord en direction de la mer, est séparée des secteurs densément urbanisés, situés au sud, par le boulevard du Chevet. Par suite, et bien que les parcelles en litige aient fait l'objet de plantations, le classement en zone Nl de la partie sud des parcelles des consorts D... satisfait aux objectifs du parti d'aménagement retenu par les auteurs du plan local d'urbanisme et ne présente aucune incohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables. Le moyen doit, par suite, être écarté.
7. En deuxième lieu, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 151-24, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
8. Comme il a été dit au point 6, la partie sud des parcelles des requérants, bien que voisine de parcelles urbanisées classées en zone U, en est séparée par le boulevard de Chevet. Ces parcelles, qui supportent des constructions de faible emprise au sol et présentent un caractère à dominante naturelle, sont situées au sein d'une zone d'habitat diffus et s'ouvrent au nord en direction de la mer qui les borde directement. Elles sont par ailleurs intégralement incluses au sein du périmètre d'une zone Natura 2000. Dans ces conditions, alors même que le secteur est desservi par des équipements publics, compte tenu des partis d'aménagement retenus et de la localisation de la partie sud des parcelles des consorts D..., leur classement en zone Nl du PLUiH n'est pas entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. (...) ".
10. Il résulte des dispositions précitées que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
11. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territoriale, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce document relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières.
12. Le territoire de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer est couvert par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de Dinan approuvé le 20 février 2014 dont la partie VI du document d'orientation et d'objectifs (DOO) met en œuvre les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Ce document définit les espaces proches du rivage ainsi que les agglomérations au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et auxquels appartient le bourg de Saint-Jacut-de-la-Mer. Le SCOT demande par ailleurs aux documents d'urbanisme de privilégier la densification au sein des enveloppes urbaines existantes en utilisant les capacités de comblement des dents creuses et de réhabilitation des friches existantes.
13. En tout état de cause, comme il a été dit aux points 6 et 8, les parcelles des requérants ne sont pas situées au sein d'une zone déjà urbanisée de l'agglomération de Saint-Jacut-de-la-Mer caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions mais au sein d'une zone d'habitat diffus incluse au sein des espaces proches du rivage de la commune. Dans ces conditions, en tenant compte des dispositions du SCOT de Dinan Agglomération, le PLUiH contesté, en tant qu'il classe en zone Nl la partie sud des parcelles des requérants, n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme précitées. Ce moyen doit par suite être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Dinan Agglomération qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les consorts D... et Mme E... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des consorts D... et de Mme E... une somme de 1 000 euros à verser à Dinan Agglomération au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts D... et de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les consorts D... et Mme E... verseront ensemble à la communauté d'agglomération Dinan Agglomération une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... désigné représentant unique des requérants en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative, et à la communauté d'agglomération Dinan Agglomération.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président de
la formation de jugement,
C. RIVAS
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23NT00841