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13/09/2024 | FRANCE | N°24NT00985

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 septembre 2024, 24NT00985


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités croates.



Par un jugement n° 2400499 du 8 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 3 avril 2024, M. A..., représ

enté par Me Cavelier, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités croates.

Par un jugement n° 2400499 du 8 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2024, M. A..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 8 mars 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2024 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit, dès lors que la première demande d'asile déposée est celle enregistrée sur le territoire français ;

- la décision de transfert méconnaît le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2024, présenté par le préfet de la Seine-Maritime est intervenu après la clôture automatique de l'instruction et n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sierraléonais, a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a ordonné son transfert aux autorités croates en vue de la poursuite de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 8 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que M. A... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

3. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

5. Si M. A... soutient qu'en cas de transfert vers la Croatie, il risque d'être éloigné, par ricochet, vers son pays d'origine où il encoure des traitements inhumains et dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces circonstances, à elles seules, ne sont pas susceptibles de caractériser la méconnaissance par la Croatie de ses obligations quant au traitement de sa demande de protection. En tout état de cause, il n'établit ni même n'allègue faire l'objet d'une mesure d'éloignement qui, de surcroît, présenterait un caractère définitif. Le requérant, par la seule production de rapports généraux, de données statistiques, d'articles de presse et de son récit, n'établit ni l'existence de défaillances présentant un caractère systémique dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Croatie à la date de l'arrêté litigieux, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il ne pourrait y faire valoir tout nouvel élément concernant sa situation personnelle. S'il fait état de son homosexualité et de la circonstance qu'il souffre d'une hépatite B et d'angoisses, ces éléments ne suffisent pas à le placer dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité justifiant que sa demande d'asile soit instruite en France, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas bénéficier en Croatie de soins adaptés et du suivi nécessaire à son état de santé et que le transfert n'aurait pas lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante son état de santé. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire au §2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ".

7. M. A... est entré récemment en France et est célibataire et sans enfant. Il n'établit ni même n'allègue avoir de la famille en France. Il n'établit pas davantage d'atteinte particulière à sa vie privée relevant de ces stipulations. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00985
Date de la décision : 13/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-13;24nt00985 ?
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