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16/07/2024 | FRANCE | N°23NT01993

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 16 juillet 2024, 23NT01993


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le maire de Trégueux (Côtes-d'Armor) a accordé à la société Armorique Habitat un permis de construire pour la démolition totale d'un bâtiment et la construction de quatre logements individuels et de quatre logements collectifs sur un terrain situé 47 rue Hector Berlioz, ainsi que la décision du 10 novembre 2021 rejetant leur recours gracieux.

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Par un jugement nos 2105673 et 2200076 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Renn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le maire de Trégueux (Côtes-d'Armor) a accordé à la société Armorique Habitat un permis de construire pour la démolition totale d'un bâtiment et la construction de quatre logements individuels et de quatre logements collectifs sur un terrain situé 47 rue Hector Berlioz, ainsi que la décision du 10 novembre 2021 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement nos 2105673 et 2200076 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 juillet 2023, 19 octobre 2023, 8 décembre 2023 et 5 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. et Mme A... et B... C..., représentés par Me Leclercq, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le maire de Trégueux (Côtes-d'Armor) a accordé à la société Armorique Habitat un permis de construire pour la démolition totale d'un bâtiment et la construction de quatre logements individuels et de quatre logements collectifs sur un terrain situé 47 rue Hector Berlioz ainsi que la décision du 10 novembre 2021 rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Trégueux le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse apportée au moyen tiré de la méconnaissance de l'article U 3 du règlement du plan local d'urbanisme et s'agissant de la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de permis de construire est incomplet et insuffisant ; il méconnait l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ; il méconnait les dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme dès lors que le plan de masse n'est pas côté en totalité en trois dimensions et ne fait pas mention des plantations maintenues, créées ou supprimées ; il méconnait les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme dès lors que les documents graphiques et le plan de masse ne permettent pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement ; le dossier de permis de construire ne mentionne pas le traitement des clôtures ; le dossier de permis de construire n'a pas permis à l'autorité administrative de s'assurer du respect des règles relatives à l'assainissement ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme et celles de l'article U 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Trégueux ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire contesté méconnait l'instruction du 18 décembre 2020 relative à la collecte des eaux urbaines résiduaires ;

- le permis de construire contesté méconnait le règlement départemental en matière de sécurité incendie ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article U 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article U 3.2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 31 janvier 1986 ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article UC 12 du règlement du plan local d'urbanisme imposant la présence d'aires de manœuvre ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions des articles L. 161-1 et L. 111-1 du code de la construction et de l'habitation ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme :

- le permis de construire contesté méconnait l'article U 11 du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, la commune de Trégueux, représentée par Me Donias, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour fasse application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 18 septembre, 27 novembre et 21 décembre 2023, la société Armorique Habitat, représentée par Me Petrinko, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour fasse application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Leclercq, représentant M. et Mme C..., les observations de Me Laville Collomb, substituant Me Donias, représentant la commune de Trégueux et celles de Me Petrinko, représentant la société Armorique Habitat.

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme C..., a été enregistrée le 3 juillet 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 août 2021, le maire de Trégueux (Côtes-d'Armor) a délivré à la société Armorique Habitat un permis de construire pour la démolition totale d'un bâtiment et la construction de quatre logements individuels et de quatre logements collectifs sur un terrain situé 47 rue Hector Berlioz. M. et Mme C..., voisins de l'opération autorisée, ont formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté lequel a été rejeté le 10 novembre 2021. M. et Mme C... ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces deux décisions. Ils relèvent appel du jugement du 2 mai 2023 de ce tribunal rejetant leurs demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés à l'appui des moyens soulevés par M. et Mme C..., ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont écarté les moyens tirés de la méconnaissance de l'article U 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Trégueux et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le dossier de demande de permis de construire :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants (...) ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Il ressort du dossier de demande de permis de construire que la notice architecturale décrit, avec suffisamment de précisions, l'état initial du terrain et ses abords. Cette notice précise ainsi que " les constructions à proximité sont des bâtiments d'habitation en simple rez-de-chaussée et en R+ 1 avec une architecture de type traditionnel avec murs enduits et couverture d'ardoise ", tandis que figurent au dossier une photographie aérienne ainsi que des vues des maisons riveraines et de la construction existante sur la parcelle. A cet égard, aucune disposition ne faisait obligation au pétitionnaire de recenser l'ensemble des habitations situées à proximité de la construction projetée. Par ailleurs, le plan de masse de la démolition fait figurer le bâtiment à démolir ainsi que la végétation et les éléments paysagers existants sur le terrain de l'opération projetée. Dans ces conditions, le dossier de demande de permis de construire ne méconnait pas les dispositions citées au point 4 s'agissant de la présentation de l'état initial du terrain et de ses abords.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. (...) ".

8. D'une part, il ressort des plans de masse de l'opération projetée joints à la demande de permis de construire que ceux-ci sont côtés en trois dimensions comme le prescrivent les dispositions citées au point précédent. Par ailleurs, ces plans font figurer les espaces verts et plantations prévus. S'ils ne mentionnent pas les végétaux existants qui seront conservés au terme de l'opération, il ressort toutefois de la notice architecturale que " les haies arbustives existantes sur les limites sont conservées " et que celles-ci sont mentionnées sur le plan de masse de la démolition. Dans ces conditions, la circonstance que le plan de masse fasse figurer des espaces verts sans préciser s'ils préexistent à l'opération en litige n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

9. D'autre, part, tant la notice architecturale que le plan de masse de l'opération projetée indiquent que le raccordement au réseau public d'assainissement est prévu sur le réseau public déjà existant de la rue Hector Berlioz. Dans ces conditions, le dossier de demande de permis de construire, qui précise les modalités du raccordement de l'ouvrage au réseau public existant, ne méconnait pas les dispositions citées au point 7 s'agissant de l'assainissement.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 dudit code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ;(...). "

11. Il ressort du dossier de la demande de permis de construire que celle-ci comprend deux documents graphiques présentant l'opération projetée vue depuis la rue Hector Berlioz et depuis l'ouest de la parcelle, qui permettent d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement. Par suite, le dossier de permis de construire ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme.

12. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'incomplétude et de l'insuffisance du dossier de permis de construire doivent être écartés.

En ce qui concerne le raccordement de la construction projetée au réseau d'assainissement :

13. En premier lieu, aux termes de l'article U 4 du plan local d'urbanisme : " 2.1. Eaux usées : Toutes les eaux et matières usées doivent être évacuées par des canalisations souterraines raccordées au réseau collectif d'assainissement s'il existe. / L'évacuation des eaux résiduaires industrielles dans le réseau public d'assainissement est subordonnée au respect des dispositions prévues par la législation en vigueur, notamment dans le cas où un pré-traitement est nécessaire. En l'absence de réseau et dans l'attente de sa réalisation, toute construction ou installation nouvelle doit évacuer ses eaux usées par un dispositif autonome respectant les dispositions réglementaires en vigueur. ".

14. Il résulte des termes même des dispositions de l'article U 4 du règlement du PLU que celles-ci prescrivent, lorsque le réseau collectif d'assainissement existe, le raccordement des constructions projetées. Comme il a été dit au point 11, il ressort des pièces du dossier que le réseau public d'assainissement dessert la parcelle de l'opération projetée et que cette dernière est déjà raccordée à ce réseau. Ainsi, la décision contestée satisfait aux dispositions de l'article U 4 précité. Par ailleurs, si le service compétent de Baie d'Armor Eaux a émis un avis favorable à la construction projetée en précisant que " ne connaissant pas la nature exacte du projet, nous ne pouvons nous prononcer sur le mode d'évacuation des eaux usées (gravitaire ou par pompe de refoulement) ", une telle indication qui concerne uniquement le choix technique du raccordement, et non le caractère raccordable du projet litigieux, n'est pas de nature à démontrer que le service se serait prononcé, au titre de l'article U 4 précité, sans connaître la nature du projet en cause. Le moyen doit par suite être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ".

16. Les dispositions de l'article L. 111-11 poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et que, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

17. Il ressort notamment des avis techniques du service des eaux que le terrain supportant l'opération projetée, qui prévoit la création de huit logements, est déjà raccordé au réseau public d'assainissement et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier nécessiterait des travaux de renforcement afin d'en modifier la capacité. A cet égard, comme il a été dit au point 14, le service compétent de Baie d'Armor Eaux a émis un avis favorable à la construction projetée et précisé que " la capacité et la profondeur sont suffisantes pour l'opération demandée ". Si les requérants allèguent à cet égard que le réseau public d'assainissement ne permet pas l'évacuation dans des conditions satisfaisantes des eaux usées du secteur, les comptes-rendus d'interventions et d'inspections sur le réseau des eaux usées versés aux débats, faisant notamment mention d'obstructions du réseau, ne permettent toutefois pas d'établir qu'une insuffisante capacité du réseau serait à l'origine de ces difficultés. Dans ces conditions, l'opération projetée ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme précité.

18. En troisième lieu, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de l'instruction du gouvernement du 18 décembre 2020 relative à la collecte des eaux urbaines résiduaires qui vise à rappeler aux préfets la nécessité de porter une attention particulière aux dispositions en vigueur concernant la conformité des systèmes d'assainissement et le respect des exigences européennes relatives à la collecte et au traitement des eaux usées urbaines, laquelle ne comporte aucune disposition à caractère règlementaire. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la sécurité des accès et de la desserte des constructions projetées :

19. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " Aux termes de l'article U 3 du règlement du PLU : " 1. Accès : Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisins, ou éventuellement obtenu en application de l'article 682 du Code civil. / Dans tous les cas, les caractéristiques des accès doivent répondre à l'importance et à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles à desservir. / L'autorisation d'utilisation du sol peut être subordonnée à la réalisation d'aménagements particuliers concernant les accès et tenant compte de l'intensité de la circulation et de la sécurité publique. 2. Voirie : Les terrains devront être desservis par des voies publiques ou privées, carrossables et en bon état d'entretien, dans des conditions répondant à l'importance et à la destination des constructions qui doivent y être édifiées, notamment en ce qui concerne la commodité de la circulation, des accès et des moyens d'approche permettant une lutte efficace contre l'incendie. / Elles doivent en outre être aménagées dans leur partie terminale de telle sorte que tous types de véhicules puissent faire aisément demi-tour, notamment les véhicules d'enlèvement des ordures ménagères, les véhicules de lutte contre les incendies, les ambulances. ". Ces dernières dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que le juge doit apprécier, au terme d'un contrôle normal, la légalité de la décision contestée.

20. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'accès à l'opération projetée, qui comportera huit logements, sera réalisée depuis la rue Hector Berlioz, laquelle est une impasse desservant quelques maisons d'habitations ainsi que, en son extrémité, le terrain d'assiette de l'opération en litige. Par ailleurs, il ressort du plan de masse de l'opération projetée que l'accès à cette dernière sera situé entre deux habitations et présentera à son débouché sur la rue Hector Berlioz une largeur pour les véhicules de près 5 mètres auquel s'ajoute, en parallèle, un espace dédié aux piétons. Dans ces conditions, l'accès à l'opération projetée, qui répond à l'importance et à la destination des constructions à desservir, ne méconnait pas les dispositions de l'article U 3.1 du règlement du PLU de la commune de Trégueux.

21. En deuxième lieu, d'une part, il résulte de la rédaction même de l'article U 3.2 du règlement du PLU que ces dispositions ne s'appliquent pas à la voie de desserte interne créée par le projet, mais seulement aux voies de desserte du terrain de l'opération projetée. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les voies internes de l'opération méconnaitraient les dispositions précitées de l'article U 3.2 précitées. En tout état de cause, il ressort des plans de la demande de permis de construire que la voirie interne du projet qui présente une longueur d'environ 35 mètres et une largeur suffisante de 5,50 mètres s'élargissant dans sa partie terminale jusqu'à 9,50 mètres, permettant ainsi la manœuvre des véhicules, ne peut être regardée comme présentant un caractère dangereux. D'autre part, comme il a été dit au point 20, la desserte de l'opération en litige sera réalisée depuis la rue Hector Berlioz, impasse desservant quelques maisons d'habitation et, à son extrémité, le terrain de l'opération contestée. Le projet contesté, qui ne comporte que huit logements, n'induira qu'une faible augmentation de la circulation. En outre, alors que le refus d'un permis de construire ne peut être fondé sur des difficultés générales de circulation dans le secteur mais seulement sur les conditions dans lesquelles le projet sera directement desservi, la circonstance que des voitures stationneraient irrégulièrement sur la placette est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par ailleurs, aucune disposition ni aucun principe n'impose que les voies de desserte des terrains permettent l'accès de tous les véhicules, quel que soit leur gabarit, sans que ceux-ci aient à effectuer de manœuvre. A cet égard, l'impasse s'élargit à son extrémité pour former une placette d'une largeur d'environ 17 mètres, et il ne ressort pas des pièces du dossier que tant les véhicules d'ordures ménagères que ceux des services d'incendie et de secours ne pourraient y faire aisément demi-tour et ainsi avoir accès à l'opération projetée dans des conditions satisfaisantes de sécurité. Le service départemental d'incendie et de secours a émis un avis favorable à l'opération projetée, dont les prescriptions ont été reprises au sein de l'arrêté du 24 août 2021 contesté. Enfin, si les requérants soutiennent que les trottoirs de la rue Hector Berlioz ne permettent pas aux piétons d'accéder à l'opération en litige en toute sécurité, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en sortie gauche de la parcelle de l'opération contestée, les trottoirs présentent une largeur suffisante allant jusqu'à 140 cm et que des passages sécurisés permettent le cheminement des piétons. Dans ces conditions, il n'est pas établi que la voie de desserte du projet présenterait un caractère dangereux.

22. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que le maire aurait fait une inexacte application de l'article U 3 du règlement du PLU eu égard à la dangerosité des voies d'accès et de desserte de l'opération projetée doivent être écartés.

23. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation : " Les bâtiments d'habitation sont classés comme suit du point de vue de la sécurité-incendie : 1° Première famille : - habitations individuelles isolées ou jumelées à un étage sur rez-de-chaussée, au plus ; - habitations individuelles à rez-de-chaussée groupées en bande. Toutefois, sont également classées en première famille les habitations individuelles à un étage sur rez-de-chaussée, groupées en bande, lorsque les structures de chaque habitation concourant à la stabilité du bâtiment sont indépendantes de celles de l'habitation contiguë. (...) "

24. L'avis favorable émis par le service départemental d'incendie et de secours mentionne que le projet, appartenant à la première famille au sens des dispositions précitées, devra être desservi par une voie engins répondant aux caractéristiques énoncées à l'article 4 de l'arrêté ministériel du 31 janvier 1986 qui impose des prescriptions en matière de lutte contre l'incendie aux bâtiments destinés à l'habitation. Cet arrêté précise, en son article 4, les caractéristiques techniques devant être présentées par une " voie engin " accessible aux engins de lutte contre l'incendie ; cette disposition, combinée avec l'article 3 du même arrêté, ne s'applique pas à des habitations individuelles isolées, jumelées ou en bandes classées au sein de la première famille, comme c'est le cas en l'espèce. En tout état de cause, les prescriptions émises par le service départemental d'incendie et de secours ayant été reprises au sein de l'arrêté contesté, elles permettent d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions de l'arrêté du 31 janvier 1986, de sorte que le moyen doit être écarté.

25. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme : " Le règlement national d'urbanisme est applicable aux constructions et aménagements faisant l'objet d'un permis de construire, d'un permis d'aménager ou d'une déclaration préalable ainsi qu'aux autres utilisations du sol régies par le présent code. Toutefois : 1° Les dispositions des articles R. 111-3, R. 111-5 à R. 111-19 et R. 111-28 à R. 111-30 ne sont pas applicables dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ; (...) ".

26. La commune de Trégueux étant, comme il a été dit, dotée d'un plan local d'urbanisme, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme est inopérant et ne peut qu'être écarté.

27. En cinquième lieu, les dispositions du règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI) des Côtes-d'Armor ne sont pas directement opposables aux autorisations d'urbanisme. De même, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté contesté méconnaitrait les dispositions du code de la route qui constituent une législation distincte de celle de l'urbanisme. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du code de la construction et de l'habitation :

28. Aux termes de l'article L. 161-1 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux à usage d'habitation, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments à usage professionnel sont accessibles à tous au sens de l'article L. 111-1, dans les cas et selon les conditions déterminées par les articles L. 162-1 à L. 164-3. ". Aux termes de l'article L. 122-3 du même code : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative, qui vérifie leur conformité aux règles d'accessibilité prévues à l'article L. 161-1 (...) Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de la même autorité administrative. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-15 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente. "

29. Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public, qui sont soumis au régime d'autorisation préalable prévu par l'article L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation, les travaux mentionnés aux articles L. 161-1 et suivants du même code ne font pas l'objet d'une autorisation préalable, notamment à l'occasion de la délivrance du permis de construire.

30. Le projet litigieux ne prévoyant pas la réalisation de travaux conduisant à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 28 ne peut être utilement invoqué à l'encontre du permis de construire contesté.

En ce qui concerne les clôtures :

31. Aux termes de l'article U 11 du plan local d'urbanisme : " En limite séparative, emprises publiques et au-delà de la marge de recul de 3 m. / La hauteur des clôtures est limitée à 1,50 m pour la partie maçonnée et 2 m au total. Les clôtures doivent répondre à l'un des types suivants ou à leur combinaison : - haies végétales d'essences variées (...) ".

32. Comme l'indique la notice architecturale, le projet litigieux prévoit, en limite séparative de propriété, que les haies seront conservées et il ne ressort pas des pièces du dossier que celles-ci ne satisferaient pas aux dispositions précitées quant à leur hauteur. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, s'agissant de la hauteur des haies, doit donc être écarté.

En ce qui concerne la réalisation des aires de stationnement :

33. Aux termes de l'article U 12 du règlement du PLU de la commune de Trégueux : " Les aires de manœuvre et de stationnement des véhicules automobiles et des deux roues correspondant aux besoins des constructions et installations liées aux activités autorisées, doivent être assurées en dehors des voies publiques ou privées comme déterminé en annexe 2. Les aires de stationnement doivent rester perméables pour un tiers de leur surface ".

34. D'une part, il est constant que la voie interne de l'opération projetée s'élargit dans sa partie terminale pour atteindre une largeur de 9 mètres, permettant ainsi la manœuvre des véhicules. D'autre part, l'article 3 de l'arrêté du 24 août 2021 contesté prescrit que les aires de stationnement créées doivent rester perméables pour un tiers de leur surface, et permet ainsi d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions de l'article U 12 précité. Le moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

35. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

36. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.

37. Le terrain d'assiette du projet est situé au sein d'un quartier pavillonnaire composé d'habitations en simple rez-de-chaussée et en R+ 1 avec une architecture de type traditionnel, avec murs enduits et couverture d'ardoise et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce secteur présenterait un intérêt ou une qualité architecturale particuliers à préserver. Par ailleurs, l'opération projetée comprend quatre logements individuels et quatre logements collectifs en R+ 1 et dont la hauteur maximale s'élève à 9,15 mètres ; les bâtiments prévus présenteront une toiture à deux pans, une couverture ardoise et des murs en enduit blanc, gris moyen et gris foncé. Les espaces libres seront quant à eux engazonnés et plantés de six arbres de haute-tige, les haies existantes étant préservées. Dans ces conditions, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que l'opération projetée porterait atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Par suite, le permis de construire contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et le moyen doit être écarté.

38. Il résulte de tout ce qui précède que M.et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Trégueux qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme C... une somme de 750 euros à verser à la commune de Trégueux et une somme de 750 euros à verser à la société Armorique Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme C... verseront ensemble à la commune de Trégueux et à la société Armorique Habitat une somme de 750 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C..., à la commune de Trégueux et à la société Armorique Habitat.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01993
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : MARTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;23nt01993 ?
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