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16/07/2024 | FRANCE | N°23NT00721

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 16 juillet 2024, 23NT00721


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Sri Lanka et aux Maldives refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de français.



Par un jugement n° 2207039 du 28 févrie

r 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intéri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 28 décembre 2021 de l'autorité consulaire française à Sri Lanka et aux Maldives refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de français.

Par un jugement n° 2207039 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2023, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 février 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- le lien matrimonial des époux ne s'est pas poursuivi ;

- le motif fondé sur la circonstance qu'aucun acte d'état civil traduit par un traducteur assermenté n'a été produit, substitué au motif de la décision contestée, est de nature à la fonder légalement ;

- la décision contestée ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête enregistrée dans la présente instance a été communiquée à M. C... A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sri lankais né le 12 avril 1981, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de conjoint de français auprès de l'autorité consulaire française à Sri Lanka et aux Maldives, laquelle a rejeté cette demande par une décision du 28 décembre 2021. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus de deux mois. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement de ce tribunal du 28 février 2023 annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui enjoignant de délivrer le visa de long séjour sollicité.

2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Sri Lanka et aux Maldives, sur la circonstance que le projet d'installation de M. A... revêt un caractère frauduleux car il est sans rapport avec l'objet du visa de conjoint de ressortissant de français sollicité. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer précise qu'il n'est pas justifié du maintien de la relation matrimoniale depuis le mariage.

3. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ".

4. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, de l'établir, la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée n'y faisant pas obstacle.

5. M. A... a épousé le 25 juillet 2015 Mme B..., ressortissante française. Il ressort notamment d'attestations de proches, de quelques photographies mais également d'une facture de téléphone, de courriers de l'assurance maladie et de la banque postale que les intéressés ont résidé ensemble avant le départ de M. A... pour le Sri Lanka en 2017 et que leur relation s'est poursuivie après cette date. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a versé de l'argent à M. A... au cours des années 2020 et 2021 et qu'ils entretiennent des conversations téléphoniques. Par ailleurs, si le ministre de l'intérieur soutient, sans toutefois le démontrer, que M. A... se serait maintenu irrégulièrement sur le territoire français, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d'établir que le mariage aurait été contracté dans le seul but de satisfaire à l'intention migratoire du requérant. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère frauduleux du mariage de M. A.... Dans ces conditions, en se fondant sur le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, le ministre fait valoir un nouveau motif fondé sur la circonstance qu'aucun acte d'état civil traduit par un traducteur assermenté n'a été produit pour le demandeur de visa.

7. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit un acte de naissance, traduit par une traductrice en langue tamoul et anglais assermentée près le tribunal judiciaire d'Evry, lequel n'a pas été contesté par le ministre de l'intérieur. Dans ces conditions, ce nouveau motif ne peut fonder légalement la décision contestée et la substitution de motifs demandée par le ministre ne peut être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France ayant rejeté le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires de France à Sri Lanka et aux Maldives du 28 décembre 2021 et lui a enjoint de délivrer le visa de long séjour sollicité.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLe rapporteur,

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

S. PIERODÉ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00721
Date de la décision : 16/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : BASSALER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-16;23nt00721 ?
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