Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et l'association de défense du patrimoine arboré (ADPA) de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Torigny-les-Villes à leur verser la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral occasionné par l'abattage de cent-un tilleuls situés au pied du mur Grimaldi et dans la rue de l'Orangerie en décembre 2016, la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et moral qui résulterait de l'abattage des tilleuls restants situés près du pont Bénédict, secteur du camping, lieu-dit le Champêtre, et route départementale 974 et la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice écologique, historique, culturel, environnemental et moral occasionné par l'abattage des tilleuls.
Par un jugement n° 1800081, 1800085 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par des requêtes enregistrées le 27 février 2019, sous les n°s19NT00843 et 19NT00845, l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B... ont respectivement demandé à la cour d'annuler ce jugement et la décision du de l'architecte des bâtiments de France du 8 février 2017.
Par un arrêt n°ss 19NT00843,19NT00845 du 2 avril 2020, la cour a rejeté leurs requêtes.
Par une décision n° 443215 du 22 septembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par l'ADPA de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée, l'affaire portant désormais le n°22NT03209.
Procédure devant la cour après cassation :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 2022 et 19 avril 2023, l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B..., représentés par Me la SCP Foussard-Froger, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;
2°) de condamner la commune de Torigny-les-Villes à verser la somme de 1 500 000 euros à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et la somme de 20 000 euros à M. B... en réparation des préjudices subis du fait de l'abattage irrégulier des tilleuls ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a mentionné ni la valeur historique et écologique des tilleuls détruits ni certaines attestations produites par des arboristes grimpeurs ni même les propos de Francis Hallé ; il est entaché d'irrégularité ;
- les fins de non-recevoir de la requête ne sauraient être accueillies ;
- l'article L. 341-1 du code de l'environnement a été méconnu ;
- le maire de Torigny-les-Villes a commis une faute en décidant de l'abattage des arbres sans recueillir préalablement l'autorisation prévue par les articles L. 621-30, L. 621-31 et L. 621-32 du code de patrimoine, sans faire procéder à une expertise préalable qui eût établi que ces arbres présentaient un danger, sans avoir prévu de mesures compensatoires au sens et pour l'application de l'article L. 350-3 du code de l'environnement, sans avoir effectué une déclaration préalable et sans délibération du conseil municipal ; le maire n'était pas compétent pour décider seul de l'abattage des arbres ;
- la commune a commis une faute résultant de deux erreurs manifestes d'appréciation en décidant, d'une part, de l'abattage de la majeure partie des arbres anciens de la commune au lieu de mettre en œuvre un plan de gestion qui les aurait préservés et, d'autre part de l'abattage de tilleuls alors qu'un expert préconisait la conservation ; la moitié des arbres étaient en bon état ;
- la commune a commis une faute par violation des dispositions des articles L. 350-3 du code de l'environnement et L. 621-30 L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine ;
- il y a lieu de demander réparation du préjudice écologique, environnemental, historique et culturel subi, du fait de l'abattage des cent-un tilleuls séculaires situés au pied du mur Grimaldi et dans la rue de l'Orangerie ; il est de même du fait de l'abattage des arbres situés sur les tronçons 6 à 9, près du pont Bénédict, RD 974, au lieu-dit le Champêtre et dans le secteur du camping.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 novembre 2022 et 30 mai 2023, la commune de Torigny-les-Villes, représentée par Me Giren-Azzis, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et de M. B... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'est pas recevable en l'absence de demande préalable indemnitaire présentée par l'administration et M. B... et en l'absence de personnalité juridique de l'association ; les conclusions relatives à des éventuels préjudices que l'association subirait du fait de l'abattage des arbres centenaires restants, situés près du pont Bénédict, au camping, route départementale 974, et au lieu-dit Le Champêtre sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;
- les moyens soulevés par l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, notamment son article 112 ;
- le décret n° 2017-456 du 29 mars 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,
- et les observations de Me Giren-Azzis, représentant la commune de Torigny-les-Villes.
Considérant ce qui suit :
1. Par lettre du 23 septembre 2018, M. B..., agissant en son nom propre et en sa qualité de membre du conseil d'administration de l'association de défense du patrimoine arboré (ADPA) de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche, a présenté à la commune de Torigny-les-Villes une réclamation tendant à la réparation des préjudices subis par lui-même et par l'association du fait de l'abattage, en décembre 2016, de cent-un tilleuls situés sur le territoire de la commune, le long du mur Grimaldi et de la rue de l'Orangerie, ainsi que des éventuels préjudices que l'association subirait du fait de l'abattage d'autres tilleuls centenaires situés au niveau du pont Bénédict, du secteur du camping, de la route départementale 974 et du lieu-dit Le Champêtre. La commune a opposé un refus à cette réclamation par lettre du 17 novembre 2017. L'ADPA de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B... ont saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande indemnitaire tendant à la condamnation de la commune de Torigny-les-Villes à leur verser des sommes en réparation de préjudices subis en lien notamment avec l'abattage de ces tilleuls. Par un jugement du 31 décembre 2018, le tribunal a rejeté leur demande. L'ADPA de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B... se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 2 avril 2020 par lequel la cour administrative d'appel Nantes a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre ce jugement. Par une décision n° 443215 du 22 septembre 2022, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée, l'affaire portant désormais le n° 22NT03209.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens. Ainsi, si le tribunal administratif n'a mentionné ni la valeur historique et écologique des tilleuls détruits ni certaines attestations produites par des arboristes grimpeurs ni même les propos de Francis Hallé, il a répondu au moyen tiré de ce que la décision de procéder à la taille des arbres aurait constitué une faute. Par suite, il a suffisamment motivé son jugement.
Sur la responsabilité pour faute de la commune de Torigny-les-Villes :
4. Il ne résulte d'aucune disposition du code général des collectivités locales ni d'aucun principe que l'entretien du patrimoine arboré de la commune aurait dû faire l'objet d'une délibération du conseil municipal. En tout état de cause, par une délibération du 12 avril 2016, le conseil municipal deb la commune de Torigny-les-Villes a approuvé le report d'un crédit de 142 628 euros au titre des dépenses d'investissement pour la " plantation d'arbres et d'arbustes ", qui a fait l'objet d'une information lors de la séance de la commission " travaux " du 8 mars 2016. Par une décision modificative du 29 novembre 2016, le conseil municipal a approuvé une ligne budgétaire de 38 000 euros au titre de " Plantation d'arbres et d'arbustes ". Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commune de Torigny-les-Villes a commis une faute en raison de l'absence d'une délibération du conseil municipal antérieurement à la décision d'abattage des arbres.
5. Il résulte de l'instruction qu'un rapport commandité par la commune de Torigny-les-Villes à un expert et rendu en 2002 a préconisé, sur la base de l'observation du degré de dégradation des tilleuls, la mise en œuvre d'un " plan de régénération " des 550 arbres situés autour de l'étang des Grimaldi, consistant dans le renouvellement de 425 d'entre eux, l'abattage sans replantation d'un nombre indéterminé d'autres et la conservation à long terme, soit en 2017, de 142 autres, parmi lesquels les tilleuls du " mur Grimaldi " plantés en 1733. Toutes préconisations ont été partiellement suivies par l'autorité communale alors même qu'elle n'était pas obligée de le faire. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commune aurait commis une faute en respectant ce " plan de régénération " au lieu d'un prétendu " plan de gestion ", dont ils ne précisent pas au demeurant le contenu.
6. En revanche, d'une part, aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa rédaction issue de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. / II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. / (...) Les servitudes d'utilité publique instituées en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables aux immeubles protégés au titre des abords. ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / (...) / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues à l'article L. 632-2 du présent code. ". Aux termes de l'article L. 632-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " I.- Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager, l'absence d'opposition à déclaration préalable ou l'autorisation prévue au titre des sites classés en application de l'article L. 341-10 du code de l'environnement tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, il s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. / En cas de silence de l'architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné. / L'autorisation délivrée énonce, le cas échéant, les prescriptions motivées auxquelles le demandeur doit se conformer. / II.- En cas de désaccord avec l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision à l'autorité administrative, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir rejeté ce projet de décision. / III.- Un recours peut être exercé par le demandeur à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Il est alors adressé à l'autorité administrative, qui statue. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir confirmé la décision de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation. / IV.- Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ".
7. Par ailleurs, aux termes de l'article 112 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine : " IV. - Les demandes de permis ou les déclarations préalables de travaux au titre du code de l'urbanisme et les demandes d'autorisation de travaux au titre du code du patrimoine déposées avant la date de publication de la présente loi sont instruites conformément aux dispositions des mêmes codes dans leur rédaction antérieure à cette date. A compter de cette même date, les dispositions réglementaires du code de l'urbanisme relatives aux travaux dans un secteur sauvegardé sont applicables aux travaux mentionnés aux articles L. 621-32, L. 632-1 et L. 632-2 du code du patrimoine, dans leur rédaction résultant de la présente loi, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret en Conseil d'Etat prévu au IV du même article L. 632-2 ".
8. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-24 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Dans les secteurs sauvegardés dont le périmètre a été délimité, les travaux, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, ayant pour effet de modifier l'aménagement des abords d'un bâtiment existant doivent être précédés d'une déclaration préalable ".
9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'entre la date de la publication de la loi du 7 juillet 2016 précitée, intervenue le 8 juillet 2016, et le 1er avril 2017, date d'entrée en vigueur du décret du 29 mars 2017 relatif au patrimoine mondial, aux monuments historiques et aux sites patrimoniaux remarquables, pris notamment pour l'application du IV de l'article L. 632-2 du code du patrimoine dans sa rédaction issue de la loi du 7 juillet 2016, les travaux mentionnés aux articles L. 621-32, L. 632-1 et L. 632-2 de ce code, dans leur rédaction issue de cette même loi, relevaient des dispositions réglementaires du code de l'urbanisme relatives aux travaux dans un secteur sauvegardé alors applicables, notamment celles de l'article R. 421-24 de ce code, d'après lesquelles les travaux ayant pour objet de modifier l'aménagement des abords d'un bâtiment existant doivent être précédés d'une déclaration préalable, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires.
10. Il ressort de l'instruction que les arbres litigieux plantés le long du mur Grimaldi et dans la rue de l'Orangerie, qui sont situés sur le territoire de la commune de Torigny-les-Villes et à moins de 500 mètres du château des Matignon, classé monument historique, qui est visible depuis les arbres, font l'objet d'une protection au titre des abords de ce monument historique sur le fondement de l'article L. 621-30 du code du patrimoine cité au point 6. Par suite, en application des dispositions citées au point 7, les travaux d'abattage des arbres effectués en décembre 2016 relevaient des dispositions réglementaires du code de l'urbanisme relatives aux travaux dans un secteur sauvegardé alors applicables, notamment celles de l'article R. 421-24 de ce code, desquelles il résulte que les travaux ayant pour objet de modifier l'aménagement des abords d'un bâtiment existant doivent être précédés d'une déclaration préalable, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires.
11. Compte tenu de l'emplacement des tilleuls à abattre et de leur ampleur du fait de leur nombre, soit cent-un, les travaux d'abattage de ces arbres effectués en décembre 2016, qui avaient pour objet de modifier l'aménagement des abords du château des Matignon, et qui ne sont pas des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, devaient être précédés d'une déclaration préalable. Faute de l'avoir fait et n'ayant pas ainsi recueilli l'avis de l'architecte des bâtiments de France la commune de Torigny-les-Villes a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.
S'agissant des préjudices indemnisables :
12. Si toute décision illégale est, en principe, fautive, quelle que soit la nature de l'illégalité en cause, il n'en résulte pas nécessairement que cette illégalité soit directement à l'origine, pour le destinataire de cette décision, d'un préjudice. Il appartient au juge, saisi de conclusions indemnitaires en ce sens, de vérifier l'existence et le caractère direct du lien de causalité entre l'illégalité commise et le préjudice allégué.
13. En l'espèce, l'architecte des bâtiments de France, qui a été sollicité par deux fois par la commune de Torigny-les-Villes, sous couvert du préfet de région, par des lettres des 15 septembre 2016 et 3 février 2017, a donné explicitement son accord par lettre du 8 février 2017 pour abattre les arbres litigieux. La circonstance que l'architecte des bâtiments de France aurait dû être sollicité sur la base d'un dossier de déclaration préalable de travaux n'a pas d'incidence sur la position prise par lui. En outre, les requérants n'établissent pas que la commune aurait été dans l'impossibilité de se voir délivrer la déclaration de travaux en cause.
14. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que l'état des arbres était dégradé depuis la tempête survenue en décembre 1999, certains d'entre eux étant morts. En particulier, selon les termes du rapport Bazin du 15 septembre 2016, l'expert, s'il conclut à ce que 83 tilleuls du mur Grimaldi ne soient pas abattus, constate que beaucoup de ces arbres avaient été fragilisés, notamment par des tailles maladroites et intempestives, ce que confirme une élagueuse citée par le requérant, et que leur renouvellement s'imposait " à court ou moyen terme ". En outre, il ressort du rapport établi par la société Aubépine, le 16 novembre 2017, que les arbres parmi lesquels un grand nombre souffraient de problèmes mécaniques, présentaient un risque supérieur au risque acceptable pour la sécurité des personnes et des biens compte tenu de la fréquentation du lieu. Ainsi, et alors que la commune n'était pas liée par les conclusions du rapport Bazin du 15 septembre 2016, il résulte de l'instruction que la dégradation générale et irréversible des tilleuls et les risques constatés caractérisaient un danger pour les promeneurs et les biens. La commune de Torigny-les-Villes fait aussi valoir que, si plusieurs arbres étaient encore sains, l'abattage de l'ensemble de ces derniers s'imposait pour préserver la cohérence d'ensemble de l'alignement qu'ils composaient, qui était précisément menacée par la dégradation d'un grand nombre d'entre eux. Par ailleurs, il est constant que la commune a procédé à la plantation immédiate de jeunes pousses de tilleuls en lieu et place de ceux qui ont été abattus. Ainsi, les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 350-3 du code de l'environnement pour autoriser l'abattage de cent-un tilleuls implantés le long du mur Grimaldi, étaient remplies. Dès lors, l'illégalité fautive commise par la commune de Torigny-les-Villes constituée par l'absence de délivrance d'une déclaration préalable de travaux est sans lien direct et certain avec le préjudice allégué.
15. Compte tenu de ce qui a été dit au point 14 sur la nécessité d'abattre les arbres, l'absence de déclaration de travaux n'a pas été de nature à faire obstacle à l'information du public. Les requérants ne sont pas donc fondés à invoquer un préjudice né de ce défaut d'information.
16. Il résulte des points 13 à 15 que l'ADPA de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B... ne sont pas fondés à demander que la commune de Torigny-les-Villes soit condamnée à leur verser des indemnités en réparation de préjudices subis du fait de l'abattage des arbres.
En ce qui concerne l'abattage des arbres situés sur les tronçons 6 à 9, près du pont Bénédict, RD 974, au lieu-dit le Champêtre et dans le secteur du camping :
17. Il est constant que les arbres centenaires situés près du pont Bénédict, RD 974, au lieu-dit le Champêtre et dans le secteur du camping, n'ont pas été abattus. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à rechercher la faute de la commune pour des travaux d'abattage qui n'ont pas été menés.
18. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non recevoir opposées par la commune Torigny-les-Villes à la requête que l'ADPA de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge une somme de 1 500 euros sur ce fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-Villes et des comunes de la Manche et M. B... est rejetée.
Article 2 : L'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B... verseront à la commune de Torigny-les-Villes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense du patrimoine arboré de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche, à M. A... B..., et à la commune de Torigny-les-Villes.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillevéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président
G. QUILLÉVÉRÉLa greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03209