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12/07/2024 | FRANCE | N°23NT02065

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 12 juillet 2024, 23NT02065


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022 par lequel le maire de Saint-Père-en-Retz a délivré à la société civile de construction-vente Villa Perrine un permis de construire portant sur la réhabilitation du presbytère et la construction d'un immeuble comprenant des logements et une cellule commerciale, ainsi que la décision du 13 avril 2022 par laquelle la même autorité a rejeté leur recours gracieux

dirigé contre cet arrêté.



Par un jugement n° 2207441 du 2 mai 2023, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2022 par lequel le maire de Saint-Père-en-Retz a délivré à la société civile de construction-vente Villa Perrine un permis de construire portant sur la réhabilitation du presbytère et la construction d'un immeuble comprenant des logements et une cellule commerciale, ainsi que la décision du 13 avril 2022 par laquelle la même autorité a rejeté leur recours gracieux dirigé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2207441 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juin 2023 et 27 novembre 2023, Mme C... et M. D..., représentés par Me Kierzkowski-Chatal, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Père-en-Retz du 11 janvier 2022 et la décision de la même autorité du 13 avril 2022 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Père-en-Retz le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour avoir jugé à tort qu'ils étaient dépourvus d'intérêt à agir à l'encontre du permis de construire contesté ;

- ils justifient de leur intérêt à agir ;

- leur recours gracieux n'était pas tardif ; il a prorogé le délai de recours contentieux ;

- le signataire de l'arrêté contesté est incompétent ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du plan local d'urbanisme de la commune relatives aux bâtiments patrimoniaux à protéger ;

- il est entaché d'un vice de procédure, faute de consultation de la commission des sites de la Loire-Atlantique et de l'architecte des bâtiments de France ;

- il viole l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme en l'absence de permis de démolir ;

- il méconnaît l'article UA 5 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;

- il méconnaît l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;

- leur recours ne présente pas de caractère abusif ;

- les préjudices allégués par la société Villa Perrine ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2023, la société civile de construction-vente Villa Perrine, représentée par Me Vic, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme C... et de M. D... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable, faute que Mme C... et M. D... aient produit les pièces requises par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;

- elle était également irrecevable faute d'intérêt à agir de Mme C... et M. D... à l'encontre du permis de construire contesté ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 11 octobre 2023, la société civile de construction-vente Villa Perrine, représentée par Me Vic, demande à la cour de condamner Mme C... et M. D... à lui verser la somme de 166 936 euros en application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Elle soutient que :

- le recours de Mme C... et M. D... présente un caractère abusif ;

- il lui cause un préjudice moral, évalué à 10 000 euros, ainsi qu'un préjudice financier, évalué à 156 936 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2024, la commune de Saint-Père-en-Retz, représentée par Me Le Dantec, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C... et de M. D... une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Dantec, représentant la commune de Saint-Père-en-Retz.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 janvier 2022, le maire de Saint-Père-en-Retz a délivré à la société Villa Perrine un permis de construire portant sur la réhabilitation du presbytère et la construction d'un immeuble comprenant des logements et une cellule commerciale, sur un terrain situé rue de l'Abbé Perrin. Par une décision du 13 avril 2022, le maire de Saint-Père-en-Retz a rejeté le recours gracieux formé par Mme C... et M. D... contre l'arrêté du 11 janvier 2022. Mme C... et M. D... relèvent appel du jugement du 2 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevable pour défaut d'intérêt à agir leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2022 et de la décision du 13 avril 2022.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation / (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée à la section AH sous le n° 21, dont se prévalent Mme C... et M. D..., est située à plus de 50 mètres du terrain d'assiette du projet de construction litigieux, dont elle est séparée par la rue de l'Abbé Perrin et par trois parcelles cadastrées à la section AH sous les n°s 300, 357 et 358. Alors même que ces parcelles ne sont pas bâties, Mme C... et M. D... ne peuvent, dès lors, être regardés comme ayant la qualité de voisin immédiat.

4. D'autre part, si Mme C... et M. D... soutiennent avoir des vues sur le projet de construction litigieux depuis la parcelle cadastrée à la section AH sous le n° 21, il ressort des pièces du dossier que cette vue, lointaine, est partiellement obstruée par la végétation et ne porte que sur une petite fraction du terrain d'assiette du projet, ne permettant aucune vue sur l'ancien presbytère, dont ils se prévalent en en relevant l'intérêt architectural. Il ressort en outre des pièces du dossier que le bâtiment implanté sur la parcelle cadastrée à la section AH sous le n° 21 n'est pas une maison d'habitation mais un ancien atelier de carrosserie, dont il n'est pas allégué qu'il aurait été occupé ou utilisé à la date d'introduction de la demande de première instance. Mme C... et M. D... n'exposent pas en quoi ces vues limitées sur le projet litigieux, depuis ce bâtiment, seraient de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de ce bien. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux aurait pour effet de dénaturer le caractère historique du quartier dans lequel il s'insère, dans des proportions telles qu'il aurait pour effet de porter atteinte aux conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance des biens dont se prévalent Mme C... et M. D....

5. Enfin, contrairement à ce qu'ils soutiennent, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le projet contesté engendrera des difficultés d'accès pour les requérants, depuis le chemin qu'ils empruntent sur la parcelle AH 29 pour rejoindre la rue de l'Abbé Perrin, dès lors que ce chemin se situe en amont de l'accès au projet litigieux depuis cette rue qui est, en outre, à sens unique et offre une visibilité suffisante au sortir du chemin. Par ailleurs, Mme C... et M. D..., qui ne justifient aucunement de la réalité des difficultés de circulation et de stationnement en centre-bourg, n'établissent pas que le projet litigieux, qui prévoit la création de 50 places de stationnement pour 25 logements, serait de nature à aggraver les difficultés ainsi alléguées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. D..., qui ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour contester le permis de construire litigieux du 11 janvier 2022, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Villa Perrine :

7. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

8. Il ne résulte pas de l'instruction que le recours de Mme C... et de M. D... aurait eu pour objet la défense d'autres intérêts que ceux mentionnés à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme. Alors même qu'ils ne justifient pas d'un intérêt pour agir, leur droit au recours n'a dès lors pas été mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif. Les conclusions présentées par la société Villa Perrine sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Père-en-Retz, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme C... et M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme C... et de M. D..., solidairement, une somme de 1 000 euros au profit de la société Villa Perrine ainsi qu'une somme de 1 000 euros au profit de la commune de Saint-Père-en-Retz sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et de M. D... est rejetée.

Article 2 : Mme C... et M. D... verseront solidairement à la société Villa Perrine une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Mme C... et M. D... verseront solidairement à la commune de Saint-Père-en-Retz une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. B... D..., à la commune de Saint-Père-en-Retz et à la société civile de construction-vente Villa Perrine.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Montes-Derouet, présidente,

- M. Dias, premier conseiller,

- M. Mas, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

I. MONTES-DEROUET

La greffière,

M. E...

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02065


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02065
Date de la décision : 12/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MONTES-DEROUET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL MRV

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-12;23nt02065 ?
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