Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 26 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 19 août 2021 de l'autorité consulaire française à Casablanca (Maroc) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleur salarié.
Par un jugement n° 2113314 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 22NT02153 le 4 juillet 2022, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ambulances Ben, représentée par Me Gillioen, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité par M. C... A... dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa présentée par M. A... dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour être entaché d'une erreur de fait manifestant un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... ;
- la décision contestée est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 22NT02211 le 6 juillet 2022 et régularisée le 13 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Lavenant, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant marocain né le 20 août 1996, a présenté une demande de visa de long séjour en qualité de travailleur salarié, en se prévalant d'un contrat de travail signé avec la société Ambulances Ben en vue de l'exercice d'une activité de mécanicien. Par une décision du 19 août 2021, l'autorité consulaire française à Casablanca (Maroc) a refusé de délivrer le visa sollicité. Par une décision implicite née le 26 octobre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A... contre cette décision. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. La société Ambulances Ben est intervenue au soutien des conclusions de cette demande. Par un jugement du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours dirigé contre la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France. M. A... et la société Ambulances Ben relèvent appel de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les affaires enregistrées sous les n°s 22NT02153 et 22NT02211 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. La circonstance alléguée que les premiers juges auraient commis une erreur sur les faits de l'espèce demeurerait sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, dont les mentions attestent que la requête de M. A... a, en tout état de cause, fait l'objet d'un examen particulier par les premiers juges.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ". D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de recours, saisie le 26 août 2021 du recours formé par M. A... contre la décision de l'autorité consulaire, ait accusé réception de ce recours. D'autre part, les requérants n'allèguent pas avoir sollicité la communication des motifs de la décision implicite née le 26 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
5. En deuxième lieu, d'une part, les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, qui régissent la délivrance de titres de séjour en qualité de salarié, ne sont pas applicables aux demandes de visa d'entrée sur le territoire national. La circonstance que M. A... remplirait les conditions fixées par cet article pour se voir délivrer un titre de séjour demeure, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision de refus de visa contestée. D'autre part, il ressort du mémoire en défense, produit par le ministre de l'intérieur et des outre-mer devant le tribunal administratif de Nantes, que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France contestée ne se fonde pas sur les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Le moyen tiré de ce que la décision de refus de visa contestée serait entachée d'un défaut de base légale pour s'être fondée sur les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lieu et place des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ne peut, par suite, qu'être écarté.
6. En troisième lieu aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / (...) 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par l'administration compétente ou d'une autorisation de travail ne fait pas obstacle à ce que l'autorité en charge de l'examen d'une demande de visa d'entrée en France refuse de faire droit à cette demande en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur tout motif d'intérêt général. Constitue un tel motif l'inadéquation entre l'expérience professionnelle et l'emploi sollicité et, par suite, le risque de détournement de l'objet du visa.
7. Il ressort des écritures en défense du ministre de l'intérieur et des outre-mer devant le tribunal administratif de Nantes que la décision de refus de visa contestée est fondée sur un risque de détournement de l'objet du visa, révélé par l'inadéquation entre le profil de M. A... et le poste recherché ainsi que par ses liens de famille avec le dirigeant de la société Ambulances Ben.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'offre d'emploi diffusée par la société Ambulances Ben le 13 avril 2021 auprès de Pôle emploi pour le poste de " mécanicien automobile ", pour l'exercice duquel le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) a délivré une autorisation de travail, exigeait une expérience professionnelle dans un garage automobile d'une durée de cinq ans. Si M. A... se prévaut d'une formation de " technicien spécialisé de diagnostic et électronique embarquée " au cours de l'année 2020-2021, sanctionnée par un diplôme de technicien spécialisé délivré le 28 septembre 2021, suivie de deux stages de courte durée effectués au sein des sociétés Centrale automobile Chérifienne, de février à mars 2021 et Delta Motors, de novembre à décembre 2021, il ne justifie d'une expérience professionnelle en qualité de mécanicien au sein du garage Moukhtari M'hamed que de deux ans, entre le 1er juillet 2017 et le 1er juillet 2019. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la rémunération proposée par l'offre d'emploi, qui n'a suscité aucune candidature, à peine supérieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance, était nettement inférieure au prix du marché pour les compétences et l'expérience demandées, ainsi que l'a relevé Pôle emploi. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... est le neveu du gérant de la société Ambulances Ben et le ministre fait valoir, sans être contredit, que l'intéressé a formé une demande de visa en 2019 en indiquant qu'il souhaitait suivre en France, au sein de la société Ambulances Ben, une formation d'ambulancier, domaine d'activité qui ne correspond pas à l'emploi envisagé. Dans ces conditions et alors même que M. A... n'est pas dépourvu d'attaches familiales et personnelles dans son pays d'origine, c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'autorité administrative a refusé le visa sollicité en raison d'un risque de détournement de l'objet du visa, révélé notamment par l'inadéquation du profil de l'intéressé au poste envisagé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et la société Ambulances Ben ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des requêtes de M. A... et de la société Ambulances Ben, n'appelle aucune mesure d'exécution. Doivent dès lors être rejetées les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes demandées par M. A... et par la société Ambulances Ben au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n°s 22NT02153 et 22NT02211 sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ambulances Ben, à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Montes-Derouet, présidente,
- M. Dias, premier conseiller,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
I. MONTES-DEROUET
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02153,22NT02211