La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2024 | FRANCE | N°24NT00175

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 09 juillet 2024, 24NT00175


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 45 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré.



M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

31 mars 2023 par lequel le préfet de

la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 45 jours et a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 45 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré.

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

31 mars 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 45 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré.

Par un jugement nos 2305717, 2305718 du 21 décembre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 24NT00175 enregistrée le 19 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 25 euros par jour de retard, et subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute ne comporte pas les mentions obligatoires prévues par l'article R. 741-8 du code de justice administrative, en particulier la signature des magistrats et du greffier ; la compétence du magistrat de première instance n'est pas établie ; le premier juge a omis d'examiner les moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation et d'une erreur de fait en ce qui concerne sa situation familiale et son insertion professionnelle ainsi que celle de son époux ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation et d'une erreur de fait en ce qui concerne sa situation familiale et son insertion professionnelle ainsi que celle de son époux ; elle est illégale dès lors qu'elle peut obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article

L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2024, le préfet de la

Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision 4 mars 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête n° 24NT00176 enregistrée le 19 janvier 2024, M. A..., représentée par Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 25 euros par jour de retard, et subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute ne comporte pas les mentions obligatoires prévues par l'article R. 741-8 du code de justice administrative, en particulier la signature des magistrats et du greffier ; la compétence du magistrat de première instance n'est pas établie ; le premier juge a omis d'examiner les moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation et d'une erreur de fait en ce qui concerne sa situation familiale et son insertion professionnelle ainsi que celle de son épouse ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation et d'une erreur de fait en ce qui concerne sa situation familiale et son insertion professionnelle ainsi que celle de son époux ; elle est illégale dès lors qu'elle peut obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article

L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2024 le préfet de la

Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision 18 mars 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat ;

- et les observations de Me Philippon, représentant Mme B... et M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... B... et M. F... A..., ressortissants guinéens, sont entrés en France le 6 juin 2019 et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Leur demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 23 juillet 2021, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14 juin 2022. Par des arrêtés du 31 mars 2023, le préfet de la Loire-Atlantique, considérant que leur droit au maintien sur le territoire au titre de l'asile a pris fin en application de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel ils devront être éloignés. Par des requêtes enregistrées respectivement sous les

nos 24NT00175 et 24NT00176, Mme B... et M. A... relèvent appel du jugement du

21 décembre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes à fin d'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes n° 24NT00175 et n° 24NT00176 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-8 du code de justice administrative : " (...) Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ". Il ressort de la minute du jugement que celle-ci comporte la signature de la magistrate désignée du tribunal administratif et celle de la greffière de l'audience. Ce moyen doit en conséquence être écarté.

4. En deuxième lieu, le jugement attaqué fait état de la désignation, par le président du tribunal, de Mme G... pour statuer sur les recours dont le jugement relève des dispositions litiges de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette mention est suffisante pour établir la compétence de la magistrate désignée.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans leurs demandes enregistrées au tribunal administratif de Nantes le 21 avril 2023, Mme B... et M. A... avaient invoqué les moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle et d'erreur de fait. Le tribunal, bien qu'ayant visé les moyens ainsi invoqués, qui n'étaient pas inopérants, n'y a pas répondu. Le jugement attaqué est entaché d'une omission de répondre à ces moyens.

Il est irrégulier à raison de ce motif et doit être annulé.

6. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme B... et M. A... dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel en ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination et le délai de départ volontaire.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

7. Les arrêtés contestés ont été pris par Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration à la préfecture de la Loire-Atlantique. Par un arrêté du 5 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la

Loire-Atlantique a donné délégation à Mme D... C..., directrice des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, les décisions contestées visent les textes applicables à la situation de Mme B... et M. A... et mentionnent les éléments de fait sur lesquels elles se fondent, en précisant en particulier les conditions d'entrée et de séjour en France des intéressés ainsi que des éléments relatifs à leur situation personnelle. Le préfet de la Loire-Atlantique, qui au demeurant n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation des intéressés, a ainsi énoncé de manière suffisamment précise les circonstances de droit et de fait qui fondent les décisions litigieuses. Par suite, ces décisions sont suffisamment motivées.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / (...) ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois ".

10. A la supposer établie, la méconnaissance de l'obligation d'information prévue à l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a seulement pour effet de rendre inopposables à l'intéressé les délais de procédure prévus par les dispositions des articles D. 431-7 et R. 425-12 du même code. Le refus de séjour se fondant sur de tels délais serait illégal et entacherait d'illégalité une obligation de quitter le territoire fondée sur ce refus de séjour en application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du même code. En revanche, la méconnaissance d'une telle obligation d'information est sans influence sur la légalité d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur les dispositions du 4° du même article lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... et

M. A... aient déposé des demandes de titre de séjour auxquelles auraient été opposés les délais de procédure prévus par les dispositions précitées. Par suite, le moyen qu'ils soulèvent contre les obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre, tiré du défaut de communication de l'information prévue à l'article L. 431-2, doit être écarté comme inopérant. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que, lors de l'enregistrement de leurs demandes d'asile en guichet unique le 30 août 2020, il leur a été remis le guide du demandeur d'asile, dans sa version en langue française, dont il est constant qu'il contient cette information.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article R. 532-54 du même code : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise (...) ". Enfin, l'article R. 532-57 du même code dispose que : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

12. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche " Telemofpra " produite par le préfet en première instance, que les décisions de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile formée par Mme B... et M. A... leur ont été notifiées le 19 juillet 2022, soit antérieurement aux arrêtés contestés. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement prendre à leur encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'en application des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 11, les intéressés ne bénéficiaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français au-delà de cette date. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera écarté.

13. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la

Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... et de M. A.... Il n'est pas établi notamment que le préfet aurait omis de tenir compte d'éléments de nature à exercer une influence sur l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration. A cet égard, si les requérants soutiennent que le préfet de la Loire-Atlantique a omis de tenir compte de la naissance en France en 2020 de leur dernier fils, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les requérants, à qui ils incombaient de le faire, aurait informé les services de la préfecture de la modification de leur situation familiale. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen de la situation personnelle des intéressés et de l'erreur de fait dont seraient entachées les décisions contestées doivent être écartés.

14. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions de l'article L 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

15. Mme B... et M. A... se prévalent de la durée de leur présence sur le territoire français, de l'exercice respectivement d'une activité professionnelle en qualité d'agent de service hospitalier et d'ouvrier agricole ainsi que de la scolarisation de quatre de leurs enfants. Toutefois, alors notamment qu'il n'est fait état d'aucun obstacle sérieux à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Guinée, pays dont les époux ont la nationalité, où ils ont longtemps vécu et où il n'est pas établi qu'ils ne disposeraient pas d'attaches, les éléments dont font état les appelants ne suffisent pas à établir qu'en les obligeant quitter le territoire français, le préfet de la Loire-Atlantique aurait porté une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent par suite, être écartés.

16. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

17. Alors notamment, ainsi qu'il a été précisé au point 15 du présent arrêt, que

Mme B... et M. A... n'établissent pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Guinée, qu'il ne justifient pas en particulier que leurs enfants ne pourraient y poursuivre leur scolarité, et qu'au demeurant les stipulations citées au point précédent ne garantissent pas aux enfants le droit de se maintenir dans l'Etat leur offrant la meilleure qualité de vie, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de ce que les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que Mme B... et M. A... réitèrent en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

19. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

20. Les décisions contestées n'impliquent pas, par elle-même, la séparation de la famille ni la rupture des liens entre les appelants et leurs enfants. Il existe, de plus, des possibilités de reconstitution de la cellule familiale au Guinée, pays dont les appelants et leurs enfants ont la nationalité. Si les appelants soutiennent que leur fille serait exposée à un risque d'excision en cas de renvoi en Guinée, ils ne justifient pas avoir demandé l'asile pour elle, ni n'établissent qu'il existerait pour celle-ci un risque réel et sérieux de subir une telle mutilation génitale, alors que ce moyen révèle que les requérants s'opposent à cette pratique. Par suite, et faute pour les appelants de faire valoir à cet égard des obstacles particuliers, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire :

21. Les décisions portant obligation de quitter le territoire n'étant pas annulées,

Mme B... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le délai de départ volontaire doivent être annulée par voie de conséquence.

22. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et M. A... ne sont pas fondés, d'une part, à demander l'annulation des arrêtés du 31 mars 2023 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire, et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de destination et le délai de départ volontaires. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 2305717, 2305718 du 21 décembre 2023 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... et M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire ainsi que le surplus des conclusions des requêtes n° 24NT00175 et 24NT00176 sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à M. F... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 24NT00175, 24NT00176

2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00175
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;24nt00175 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award