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09/07/2024 | FRANCE | N°24NT00170

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 09 juillet 2024, 24NT00170


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 18 février 2022 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.



Par un jugement n° 2307494 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a

rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 19 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 18 février 2022 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2307494 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2024 Mme A..., représentée par

Me Pollono, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2022 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer la situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrête à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de séjour :

- la décision est entachée d'erreurs de fait : la demande de renouvellement de son titre ne pouvait s'analyser comme une première demande de titre de séjour car son dernier titre de séjour ne lui a été remis que le 15 décembre 2020 alors qu'il était dores et déjà expiré depuis le 30 septembre 2020 ; elle n'a donc pas été en mesure de solliciter le renouvellement de son titre de séjour dans les deux mois précédant sa date d'expiration de validité ; par ailleurs, les annulations de rendez-vous en préfecture sont indépendantes de sa volonté ;

- le préfet a commis une erreur sur la composition de sa famille ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a justifié être prise en charge par son père et avoir travaillé ; le suivi de ses études nécessite d'être présente sur le territoire français ; elle justifie de la continuité de son parcours universitaire ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'étant dans une situation de renouvellement de son titre de séjour, elle n'avait pas à justifier de la détention d'un visa de long séjour ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour dont elle procède ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire dont elle procède ;

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2024, le préfet de la Sarthe demande à la cour de rejeter la requête de Mme A....

Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les observations de Me Pavy substituant Me Pollono représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante béninoise née en 1990, relève appel du jugement du 18 juillet 2023 du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2022 par lequel le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : 1° L'étranger qui dispose d'un document de séjour mentionné aux 2° à 8° de l'article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il est titulaire ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " L'étranger titulaire d'un document de séjour doit, en l'absence de présentation de demande de délivrance d'un nouveau document de séjour six mois après sa date d'expiration, justifier à nouveau, pour l'obtention d'un document de séjour, des conditions requises pour l'entrée sur le territoire national lorsque la possession d'un visa est requise pour la première délivrance d'un document de séjour (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., dont le dernier titre de séjour couvrait la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020, a effectué un stage dans son pays d'origine, le Bénin, à compter du 25 février 2020 et qu'en raison de la fermeture des frontières liée à la pandémie de Covid-19, elle n'a pu revenir en France que le 15 septembre 2020, munie d'un récépissé de titre de séjour dont la validité a été prolongée jusqu'au 12 novembre 2020 en raison du contexte sanitaire. Elle allègue s'être vue remettre en décembre 2020 un titre de séjour valable du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020, soit après la durée de validité de ce titre de séjour.

Elle a sollicité et obtenu des rendez-vous en préfecture, les 5 février et 25 mars 2021 qui ont été annulés, à son initiative, en raison, d'une part, de l'impossibilité de présenter un certificat d'inscription pour l'année en cours et, d'autre part, en raison de son état de santé lié à son état de grossesse. Il ressort enfin des pièces du dossier qu'elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour par courrier du 24 juillet 2021 et qu'elle a exposé sa situation par courriel à la préfecture de la Sarthe le 25 juillet 2021. Il suit de là que la demande de renouvellement a été formulée après le délai mentionné à l'article R. 431-5 précité et après le délai prévu par les dispositions de l'article R. 431-8 précité. Ainsi, en dépit des difficultés rencontrées par Mme A... dans l'obtention de son dernier titre de séjour, et alors même qu'elle a été informée seulement en décembre 2020 de la validité échue de son titre de séjour au 30 septembre 2020, c'est à bon droit que le préfet de la Sarthe, qui ne s'est pas fondé sur des faits inexacts, a instruit la demande de la requérante présentée le 24 juillet 2021 comme étant une première demande de titre de séjour nécessitant pour l'intéressée d'être munie d'un visa de long séjour. Si la requérante fait encore valoir que l'administration a pu qualifier, en juillet 2021, sa demande de titre, de demande de renouvellement, cette circonstance est sans incidence eu égard à la date à laquelle la demande a été présentée qui a permis à l'administration à bon droit, de l'instruire comme une première demande de délivrance de titre de séjour d'un titre étudiant nécessitant un visa de long séjour. Il s'ensuit que les moyens tirés des erreurs de fait et de l'erreur de droit sur la qualification de la demande dont serait entachée la décision de refus de titre de séjour doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré des erreurs de fait relatives à la situation du père de sa fille et de sa mère doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an(...) ".

6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A..., le préfet de la Sarthe, outre l'absence de visa de long séjour, a relevé que l'appelante ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants et que la formation en marketing communication et stratégie à laquelle elle est inscrite auprès de l'établissement Paris Executive Business School pour l'année 2021/2022 ne nécessite pas sa présence sur le territoire français dès lors qu'il s'agit d'une formation à distance.

7. Si Mme A... qui apporte la preuve de son inscription pour l'année 2021-2022 au sein de l'établissement Paris Executive Business School, dans une formation d'une durée de 250 heures, établit pas les pièces qu'elle a produites disposer de moyens d'existence suffisants, il résulte de l'instruction que le préfet de la Sarthe aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de l'absence de visa de long séjour, qui justifie à lui seul le refus de titre de séjour en qualité d'étudiant opposé à Mme A....

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

9. Mme A... fait valoir qu'elle a toujours poursuivi ses études avec sérieux et engagement, que les circonstances sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 l'ont empêché de rentrer en France dès le mois de juin 2020, qu'elle a rencontré des difficultés qui relèvent d'un dysfonctionnement de l'administration qui lui a délivré un titre de séjour dont la durée de validité était expirée. Cependant, et contrairement à ce que soutient la requérante, son dernier titre de séjour valide jusqu'au 30 septembre 2020 lui a été remis en décembre 2020 après son retour en France en novembre 2020. De même, et ainsi qu'il a été dit au point 3, la requérante a eu la possibilité de solliciter la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante sans avoir à justifier d'un visa de long séjour et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'annulation des rendez-vous initialement prévus les 5 février et 25 mars 2021 serait imputable à l'administration.

10. Par ailleurs, si Mme A... est entrée en France en 2012, elle n'y a séjourné qu'en raison de son statut d'étudiante. La circonstance que sa fille soit née le 5 mai 2021 sur le territoire français ne permet pas d'établir qu'elle aurait fixé le centre de ses attaches personnelles et familiales en France compte tenu des attaches qu'elle a conservé dans son pays d'origine où résident son père et sa sœur. Enfin, elle ne justifie pas d'une insertion professionnelle durable et stable en France ni de l'existence de relations familiales ou personnelles suffisamment établies sur le territoire français. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Sarthe aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. Le présent arrêt n'annulant pas le refus de séjour, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision ne peut qu'être écarté.

12. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10.

13. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation du droit protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

14. En quatrième lieu, pour établir l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme A... soutient que cette décision a pour effet d'interrompre la formation qu'elle a débutée et la contraint à emmener sa fille au Bénin, pays qu'elle n'a jamais connu. Cependant, alors que la requérante a la possibilité de suivre la formation débutée au sein de l'établissement Paris Executive Business School par l'intermédiaire d'une plateforme pédagogique permettant un enseignement à distance, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance que la fille de la requérante née en 2020 ne connaisse pas le Bénin serait de nature à établir l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision contestée.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée,

Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tenant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2022 du préfet de la Sarthe. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24NT0017002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00170
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;24nt00170 ?
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