Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 30 mai 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 2309220 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 28 février 2024, Mme C..., représentée par Me Philippon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 mai 2023 du préfet de la Loire Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 25 euros par jour de retard ; subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Philippon renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- l'expédition du jugement n'est pas signée ;
Sur la décision portant refus de séjour :
- le préfet n'est pas compétent pour édicter une décision de refus de séjour ;
- la décision méconnait les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard notamment de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2024, le préfet de Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 31 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse C..., ressortissante albanaise née le 4 juillet 1991, entrée sur le territoire français au mois de février 2017 a vu sa demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile, le 30 novembre 2017. Après le rejet de sa demande de réexamen par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés puis par la Cour nationale du droit d'asile, elle a sollicité au cours de l'année 2022 la régularisation de sa situation en se prévalant de sa vie privée et familiale en France. Par un arrêté du 30 mai 2023, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté cette demande et l'a assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré. Par un jugement du 5 décembre 2023 dont Mme A... épouse C... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté son recours contre cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du
président-rapporteur, de l'assesseur le plus ancien et de la greffière, doit être écarté.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve de l'exception prévue à l'article R. 426-3, le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police (...) ". Contrairement à ce qui est soutenu, la compétence reconnue au préfet de département par les dispositions de l'article R. 431-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour délivrer les titres de séjour lui confère également la compétence pour prendre les décisions refusant leur délivrance. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Tout d'abord, la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation et qui ne sont pas utilement invocables à l'appui d'un recours dirigé contre une décision portant refus de titre de séjour. Par suite, Mme A... épouse C... ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire.
8. Ensuite, pour établir la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées et l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation dont serait entachée la décision, Mme A... épouse C... se prévaut de la durée de son séjour en France d'environ six ans à la date de l'arrêté attaqué, de ses efforts d'intégration et d'apprentissage de la langue française, de la participation de son mari à des actions de bénévolat et de la scolarisation de ses enfants nés sur le territoire français. Cependant, l'appelante n'établit pas par ces éléments une intégration particulière en France et ne justifie pas plus de l'existence de liens personnels et familiaux en France alors que la cellule familiale qu'elle forme avec son mari et ses enfants peut se reconstituer en Albanie. Elle ne justifie pas davantage de circonstances humanitaires ou exceptionnelles de nature à établir que le préfet aurait manifestement mal apprécié sa situation. Par suite, Mme A... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation de sa situations personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays que s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Enfin, aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Mme A... épouse C... fait valoir qu'elle encourt des risques personnels en cas de renvoi et fait état d'agressions commises sur sa personne ou ses proches en Albanie le 7 février 2016 et le 5 novembre 2017 et se prévaut d'un article de presse et d'attestations du ministère de l'intérieur et du ministère de la santé albanais. Cependant, elle ne démontre par ces pièces ni qu'elle ne pourrait obtenir la protection des autorités albanaises, ni le caractère actuel de ces menaces alors d'ailleurs que ses demandes d'asile et de réexamen ont été rejetées par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés puis par la Cour nationale du droit d'asile. Mme A... épouse C... n'est donc pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A..., épouse C..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2023 du préfet de la Loire-Atlantique. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête Mme A... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT0388602