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09/07/2024 | FRANCE | N°23NT01346

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 09 juillet 2024, 23NT01346


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016.



Par un jugement n° 1908141 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, en

registrés les 10 mai et 28 novembre 2023 et le 25 janvier 2024, M. et Mme A..., représentés par Me A..., demandent à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016.

Par un jugement n° 1908141 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 mai et 28 novembre 2023 et le 25 janvier 2024, M. et Mme A..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2018 sont irréguliers au regard des dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration, faute de mentionner les nom, prénom, qualité et signature de leur auteur ;

- c'est à tort que l'administration a retenu l'abus de droit pour procéder aux rectifications litigieuses résultant de la remise en cause de l'imputation des déficits fonciers sur le revenu global qu'ils ont déclarés ; il y a lieu de prendre en compte l'occupation des locaux organisée selon un bail régulier conclu à titre onéreux, le fait que la maison d'habitation ne pouvait pas être mise en location sans avoir fait l'objet au préalable de travaux de rénovation que M. A... pouvait réaliser pour partie, les raisons de commodité professionnelle et de vie privée et familiale et la mutation professionnelle de M. A... dans une autre ville ;

- l'administration n'a pas remis en cause l'imputation du déficit foncier constaté au titre de l'année 2013, ce qui prive de pertinence le caractère intentionnel présumé par l'administration de l'interposition de la SCI Le Roses préalablement à l'acquisition du bien immobilier ;

- ils bénéficient d'une application littérale de la condition de réserve de jouissance, énoncée au II de l'article 15 du code général des impôts ; cette condition n'est pas remplie du fait de l'interposition de la SCI Les Roses ;

- la majoration de 80% pour abus de droit n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre 2023, 10 janvier et le 15 février 2024, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les autres moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 avril 2013, la SCI Les Roses créée le 7 mars 2013, dont 98 % des parts sont détenues par M. A... et 2% par ses parents, a acquis une maison de 91 m2 à usage d'habitation à La Roche-sur-Yon pour un prix de 72 700 euros, qui devait faire l'objet de travaux de rénovation.

A compter du 18 mai 2013, le rez-de-chaussée du bien immobilier, soit 31 m2, a été donné en location à M. A... pour un loyer de 300 euros et un montant de 20 euros de charges locatives par mois. Dans leurs déclarations de revenus de 2014 à 2016, M. et Mme A... ont déduit des déficits fonciers à hauteur de la quote-part détenue par M. A... dans la SCI compte tenu des travaux de rénovation que celui-ci a réalisés. Par une proposition de rectification du 9 octobre 2017, l'administration a remis en cause ces déficits fonciers ainsi déclarés en appliquant la procédure de l'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016. Par un jugement du 16 décembre 2022, dont les intéressés relèvent appel,

le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité des avis de mise en recouvrement :

2. Dans le cadre d'un contentieux d'assiette, les irrégularités dont sont, le cas échéant, entachés les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'impôt et ne privent les contribuables d'aucune garantie. Est ainsi inopérant le moyen tiré de ce que sont irréguliers les avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2018 qui ont été adressés aux requérants au motif que ces avis ne comportent pas les mentions prévues par les articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration et relatives aux nom, prénom, qualité et signature de leur auteur.

Sur l'existence d'un abus de droit :

3. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

4. Aux termes de l'article 15 du code général des impôts : " II. - Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. ". Il résulte de ces dispositions que les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu et qu'ainsi, par dérogation aux dispositions de l'article 156 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition litigieuses, les charges afférentes à ces logements ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu net global imposable du propriétaire

5. En l'espèce, la SCI Les Roses a acquis un bien immobilier situé sur le territoire de la commune de La Roche-sur-Yon dont une partie a été donnée en location à M. A..., associé majoritaire et gérant de celle-ci, qui l'a occupée. Il incombe à l'administration, qui n'a pas saisi le comité consultatif pour la répression des abus de droit, d'apporter la preuve que la SCI n'a été constituée que pour faire échec aux dispositions du II de l'article 15 et du 1° bis du II de l'article 156 bis du code général des impôts, en permettant aux requérants de déduire de leurs revenus globaux les dépenses de réparation et d'amélioration effectuées dans leur domicile.

6. Comme le fait valoir l'administration, le capital social de la SCI Les Roses est limité à la somme de 1 000 euros et M. A..., son gérant, détenait 98 % des parts. L'acquisition de la maison dont une partie était occupée par M. A... constitue le seul élément d'actif de la SCI. Les dépenses de travaux qui ont été effectuées par M. A... ont été financées par des emprunts contractés par la SCI même si les dépenses ont pu être réglées sur le compte personnel de

M. A.... Un délai de seulement deux mois a séparé l'acquisition de l'immeuble et le contrat de location d'une partie de l'immeuble qui a été conclu entre la SCI et M. A... dès le 18 mai 2013. Les déficits fonciers résultant des opérations de rénovation menées ont été déduits du revenu imposable des requérants. Eu égard à l'ensemble de ces faits, qui sont établis, les requérants ont créé les conditions leur permettant d'imputer sur leur revenu global, en dépit des prévisions du II de l'article 15 précité du code général des impôts et à hauteur de leurs droits dans la société, des charges liées aux travaux engagés dans cette maison. Ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que l'interposition de la société dans la gestion du bien immobilier répondait à un motif exclusivement fiscal, les circonstances invoquées par les requérants, soit celles que l'occupation des locaux a été organisée selon un bail régulier conclu à titre onéreux, que la maison d'habitation ne pouvait pas être mise en location sans avoir fait l'objet au préalable de travaux de rénovation que M. A..., en sa qualité professionnelle de conducteur de travaux, pouvait réaliser pour partie, que c'est pour des raisons de commodité professionnelle et de vie privée et familiale que les requérants ont choisi d'habiter cette maison et qu'ils l'ont quittée à la suite de la mutation professionnelle de M. A... dans une autre ville, étant sans incidence.

7. En outre, M. et Mme A... ont entendu bénéficier d'une application littérale de la condition de réserve de jouissance, énoncée au II de l'article 15 du code général des impôts, et soutiennent que cette condition n'est pas remplie du fait de l'interposition de la SCI Les Roses. Or, il résulte de l'instruction que M. A... détenait 98 % des parts de cette société et que les 2 % restants appartenaient à ses parents. En outre, le montant du loyer perçu par la SCI n'a pas suivi l'augmentation de la valeur d'usage de la maison résultant des importants travaux qui y avaient été réalisés. Ainsi, la SCI ne s'est pas comportée avec M. A... comme avec un tiers. Dès lors, M. et Mme A... ayant ainsi disposé du bien comme s'ils en étaient les propriétaires occupants et s'étant ainsi placés dans une situation offrant les possibilités de sous-estimation des résultats fonciers que le législateur a entendu combattre, cette application littérale allait à l'encontre des objectifs poursuivis par les auteurs des dispositions du II de l'article 15 du code général des impôts. L'absence de remise en cause par l'administration du déficit au titre de l'année 2013 qui priverait d'efficience le caractère intentionnel présumé de l'interposition de la SCI Le Roses préalablement à l'acquisition du bien immobilier est sans incidence.

8. Il résulte des points 6 et 7 que l'administration a pu, à bon droit, réintégrer dans les revenus imposables de M. et Mme A... au titre des années 2014 à 2016 les sommes indûment déduites par eux, en retenant l'existence d'un abus de droit.

Sur la majoration de 80 % pour abus de droit :

9. Compte tenu de l'existence d'un abus de droit, les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à demander la décharge de la pénalité de 80 %, prévue par l'article 1729 du code général des impôts, dont ont été assorties les impositions supplémentaires mises à leur charge.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0134602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01346
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : BRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;23nt01346 ?
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