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05/07/2024 | FRANCE | N°23NT01815

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 05 juillet 2024, 23NT01815


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société La Horie a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le maire de Granville a procédé au retrait du permis de construire tacite, né le 17 septembre 2020, dont elle était titulaire en vue de la construction d'un ensemble immobilier à usage de logement sur un terrain situé 424, rue Jeanne Jugan, ainsi que la décision implicite, née le 15 avril 2021, par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux qu'elle avait

formé à l'encontre de cet arrêté.



Par un jugement n° 2101248 du 11 avril 2023, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Horie a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel le maire de Granville a procédé au retrait du permis de construire tacite, né le 17 septembre 2020, dont elle était titulaire en vue de la construction d'un ensemble immobilier à usage de logement sur un terrain situé 424, rue Jeanne Jugan, ainsi que la décision implicite, née le 15 avril 2021, par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé à l'encontre de cet arrêté.

Par un jugement n° 2101248 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin 2023 et 26 mars 2024, la société Horie, représentée par Me Roumens, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 du maire de Granville et la décision, née le 15 avril 2021, de ce maire rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Granville le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur refus de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont fait droit à une demande de substitution de motifs sans s'interroger sur le fait de savoir si les prétendues illégalités invoquées par le maire au titre de la substitution de motifs étaient manifestes et suffisamment graves pour fonder le retrait d'une autorisation créatrice de droits ;

- la substitution de motifs sollicitée par la commune de Granville la prive de la garantie tenant à la procédure contradictoire devant précéder un tel retrait, qui lui aurait permis de solliciter la délivrance d'un permis de construire modificatif ;

- les motifs dont la substitution a été demandée par la commune de Granville ne reposaient pas sur des illégalités suffisamment graves et manifestes pour justifier une substitution de motifs ;

- le permis de construire tacite retiré ne méconnaît pas l'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il ne viole pas les dispositions de l'article 1AUH 11.4 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il ne viole pas l'article 1AUH 10 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- il n'est pas incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation n° 6 " Secteur de La Horie " ;

- il n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2023, la commune de Granville, représentée par Me Donias, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société La Horie le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

- le permis de construire retiré était incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle n° 6 du plan local d'urbanisme ;

- il méconnaissait l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaissait les dispositions de l'article 1AUh 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Hauuy, pour le cabinet Coudray, représentant la société la Horie, et de Me Laville Collomb, pour le cabinet Martin avocats, représentant la commune de Granville.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 juin 2020, la société La Horie a déposé un dossier de demande de permis de construire en vue de la construction, à Granville, d'un ensemble de 74 logements en accession répartis sur trois immeubles d'habitation collectifs avec socle commun de parkings enterré sur deux niveaux, sur un terrain de 14 465 m2 constitué des parcelles cadastrées à la section AS sous les n°s 1, 2, 3, 4, 8, 265, 306, 309, 559 et 562. Le 17 septembre 2020, à défaut de réponse apportée à cette demande, un permis de construire est tacitement intervenu. Par arrêté du 15 décembre 2020, notifié le 16 décembre 2020, le maire de Granville a retiré ce permis de construire tacite. Le 12 février 2021, la société La Horie a saisi le maire de Granville d'un recours gracieux dirigé contre cette décision de retrait. Le recours a été réceptionné en mairie le 15 février 2021 et, à défaut de réponse expresse, une décision implicite de rejet est née le 15 avril 2021. La société La Horie a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de l'arrêté de retrait du 15 décembre 2020 ainsi que de la décision implicite née le 15 avril 2021 portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme disposent que le refus par le juge de faire droit à une demande tendant à la mise en œuvre de l'un ou l'autre de ces articles est motivé. Contrairement à ce que soutient la société La Horie, en indiquant, au point 26 de leur jugement, que les dispositions de ces articles n'étaient pas applicables au litige, dès lors que celui-ci concerne une décision de retrait de permis de construire et non une autorisation d'urbanisme, les premiers juges ont suffisamment motivé leur refus de mettre en œuvre les dispositions de ces articles.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. ". L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".

4. Pour retirer, par l'arrêté du 15 décembre 2020 contesté, le permis tacite délivré à la société La Horie, le maire s'est fondé sur ce que ce permis était entaché d'illégalité en ce que le projet n'était pas compatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur de La Horie, d'une part, et méconnaissait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, d'autre part.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs.

6. L'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle n° 6 du plan local d'urbanisme de la commune de Granville, qui concerne le site de La Horie, indique : " L'aménagement du site devra se réaliser dans un souci de perméabilité paysagère pour créer une transparence entre le quartier des Houles et la mer. Une large partie sud du site est donc inconstructible pour permettre une mise en valeur du château et de la chapelle dans le paysage d'entrée de ville. Un axe paysager secondaire nord-est / sud-ouest permettra de créer une relation visuelle entre la rue Jeanne Jugan et les espaces littoraux, permettant aussi de préserver certains arbres actuels. / (...) Au nord, le plan indique un front bâti (...) tourné vers le parc, et un bâti en peigne le long de la rue de la Horie, avec des ouvertures vertes entre les constructions. (...) ".

7. L'arrêté de retrait litigieux du 15 décembre 2020 précise que le projet n'est pas compatible avec cette orientation d'aménagement et de programmation sectorielle dès lors que, d'une part, " une relation visuelle ne paraît pas évidente entre la rue Jeanne Jugan et les espaces littoraux au vu de l'implantation et de la hauteur des bâtiments et des aménagements projetés puisque le chemin piétons prévu cesse au niveau du bâti central envisagé " et que, d'autre part, " il est visible sur le plan de masse que le bâti, en partie nord-est, n'est pas implanté en limite de site ".

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'implantation des bâtiments du projet litigieux ménage un couloir non bâti traversant le site du nord-est au sud-ouest, assurant, avec les espaces non bâtis séparant les bâtiments implantés le long de la rue de La Horie et l'espace arboré prévu au sud de la maison de l'armateur, la préservation de la vue sur mer et la " perméabilité " prescrite entre la rue Jeanne Jugand au nord-est et les espaces littoraux au sud-ouest.

9. D'autre part, les trois constructions projetées seront implantées au nord du site. Deux constructions, parallèles entre elles, seront implantées perpendiculairement à la rue de La Horie. Si la troisième construction, identifiée comme " bâtiment n° 6 ", n'est pas implantée parallèlement aux deux autres, elle épouse la configuration des lieux en s'implantant le long du chemin de la Cocardière, qui forme la limite nord-est du terrain d'assiette. L'implantation retenue permet un front bâti tourné vers le parc et assure la préservation des ouvertures vertes entre les constructions. Dès lors, l'implantation de ces constructions ne contrarie pas les objectifs de l'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle n° 6.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 ci-dessus que le projet objet du permis de construire tacite du 17 septembre 2020 n'était pas incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle n° 6 du plan local d'urbanisme de Granville, relative au secteur de La Horie.

11. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

12. Le projet en cause doit s'implanter sur le domaine de La Horie, constitué d'une maison dite " maison de l'armateur ", de sa ferme, de sa chapelle et d'un parc clos de murs en pierres apparentes. Il se situe en entrée sud de la ville, d'où il est visible du fait de la topographie des lieux. A l'ouest du projet se trouve un terrain vierge surplombant les falaises et offrant ainsi des vues sur mer. Toutefois, si le terrain d'assiette du projet est compris dans l'emprise de l'étude d'une future aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, initiée en 2016, le domaine de la Horie n'y est pas repéré comme un élément patrimonial et ne fait l'objet d'aucune protection au titre de son intérêt historique ou patrimonial. En outre, l'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle n° 6 du plan local d'urbanisme applicable y a prévu la construction de 140 logements, pour une densité minimale, imposée par l'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme, de 40 logements par hectare. Par ailleurs, le projet s'insère dans un quartier dépourvu d'homogénéité architecturale, des habitations individuelles étant principalement implantées, à l'est, qui sont d'époques et de formes variées, tandis qu'au nord et au nord-ouest sont implantées quelques maisons anciennes et des immeubles d'habitation collective de grandes dimensions, également visibles depuis l'entrée sud de la ville du fait de la topographie.

13. Du fait de l'implantation des bâtiments, le projet litigieux préserve la visibilité sur la maison de l'armateur depuis la voie principale en entrée de ville et ne ferme pas les perspectives sur la mer, ainsi qu'il a déjà été dit. Si sa réalisation implique l'arrachage d'arbres de haute tige, il ressort des pièces du dossier que des boisements seront plantés au sud du domaine de La Horie, conformément aux prescriptions de l'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle n° 6 du plan local d'urbanisme. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les constructions projetées, par leurs dimensions, leurs formes ou le choix de leurs matériaux, seraient de nature à porter atteinte aux lieux avoisinants qui ne sont pas, ainsi qu'il a été dit, caractérisés par une homogénéité architecturale. La circonstance que, à l'échelle du domaine de La Horie, les immeubles projetés supplantent la maison de l'armateur comme bâtiment le plus imposant n'est pas, à elle seule et alors que d'autres constructions de grande ampleur ont déjà été autorisées dans ce parc, de nature à caractériser une telle atteinte. Le permis de construire tacite du 17 septembre 2020 n'était dès lors pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

14. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

15. La commune de Granville a soutenu devant les premiers juges, dans un mémoire qui a été communiqué à la société La Horie, que le retrait du permis de construire tacite du 17 septembre 2020 était légalement justifié par d'autres motifs tirés de la méconnaissance, par ce permis de construire, de l'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que des dispositions des articles 1 AUH 11.4 et 1 AUH 10 de ce règlement.

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-15 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d'un programme de logements, un pourcentage de ce programme est affecté à des catégories de logements qu'il définit dans le respect des objectifs de mixité sociale. ". L'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de Granville dispose : " Pour les zones AU repérées graphiquement au titre de l'article L. 151-15 du code de l'urbanisme, chaque opération de logement devra respecter la règle suivante concernant les logements à vocation sociale. Cette règle, reprise dans les orientations d'aménagement et de programmation du PLU, impose pour les nouveaux programmes de logements la réalisation d'un minimum de logements locatifs sociaux. ". Cet article comprend un tableau définissant ce minimum, qui indique pour la zone 1AUh1 correspondant au secteur de la Horie, que la densité minimale de logement est de quarante logements par hectare et que le pourcentage minimum de logements sociaux à réaliser est de 20 %. Le même article précise : " Les chiffres obtenus suite à l'application des pourcentages fixés précédemment, seront arrondis de la manière suivante : / - Si le chiffre obtenu comprend une première décimale inférieure à 5, le nombre de logements à réaliser sera arrondi au chiffre entier immédiatement inférieur ; / - Si le chiffre obtenu comprend une première décimale supérieure ou égale à 5, le nombre de logements à réaliser sera arrondi au chiffre entier immédiatement supérieur. ".

17. Ces dispositions imposent que le calcul du nombre de logement sociaux requis s'effectue à l'échelle de chaque opération constituant un programme de logements. Le projet de la société La Horie portant sur la création de 74 logements, il devait, par application du coefficient de 20 % et de la règle d'arrondi prévus par les dispositions précitées, comporter la création de 15 logements à vocation sociale. Le permis de construire tacite du 17 septembre 2020 autorisant la construction d'un ensemble de 74 logements ne comprenant que 14 logements à vocation sociale, il méconnaissait de ce fait les dispositions précitées de l'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme.

18. En deuxième lieu, l'article 1AUH 11.4 du règlement du plan local d'urbanisme dispose que " les toitures terrasses ne sont autorisées que dans des proportions limitées par rapport à la totalité de la toiture d'une construction. " Le lexique du règlement du plan local d'urbanisme définit la toiture terrasse comme un " ouvrage horizontal devant satisfaire les fonctions de couverture (étanchéité à l'eau et à l'air, isolation thermique) et de plancher-terrasse (rôle porteur, protection des usagers, isolation phonique) ". Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment n° 5 comporte une toiture terrasse, dont la superficie s'établit, selon la société La Horie, à 53 % de la superficie totale de la toiture de la construction et ne présente dès lors pas un caractère limité. Cette toiture méconnaît par suite les dispositions précitées de l'article 1AUH 11.4 du règlement du plan local d'urbanisme, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance alléguée que d'autres constructions voisines aux caractéristiques similaires auraient été autorisées. Il en résulte que le permis de construire tacite du 17 septembre 2020 méconnaissait les dispositions de l'article 1AUH 11.4 du règlement du plan local d'urbanisme.

19. En troisième lieu, l'article 1AUH 10 du règlement du plan local d'urbanisme dispose : " Le gabarit des constructions principales ne devra pas excéder, pour chaque zone ou secteur, à défaut d'indications graphiques les hauteurs suivantes : en zone 1 AUh1, 12 m maximum de hauteur au sommet des façades et 17 m maximum de hauteur au faîtage ". " Ces hauteurs seront calculées à compter du point le plus bas du terrain naturel avant travaux dans l'emprise de la construction. En outre, toute construction doit s'inscrire à l'intérieur d'un gabarit déterminé de la manière suivante : les façades de la construction, dont la hauteur maximale des sommets n'excédera pas les hauteurs telles que définies dans le tableau ci-dessus, / un volume enveloppe délimité par l'intersection de deux plans à 45° partant des hauteurs maximales autorisées des sommets des façades, / la hauteur autorisée au faîtage, si celle-ci est inférieure à la hauteur du point d'intersection précité. / Le volume ainsi défini au-dessus des hauteurs maximales du sommet des façades, peut comprendre aussi bien des combles aménagés sous charpente que des attiques, ainsi que des toitures à faible pente.../ Peuvent excéder du volume ainsi défini, les pignons, les cheminées, les cages d'escaliers ou d'ascenseurs, les lucarnes, les installations nécessaires au développement des énergies renouvelables ainsi que toutes autres saillies traditionnelles et éléments architecturaux ". Le règlement du plan local d'urbanisme définit les façades de construction comme " le côté ou élévation (face verticale) d'un bâtiment, vu de l'extérieur " et le sommet de la façade comme le " sommet de la construction, à l'égout de toiture pour les toitures en pente(s) et au sommet de l'acrotère pour les toitures terrasses, en tout point ".

20. Il résulte de ces dispositions que, lorsque la toiture n'est pas en pente jusqu'à l'égout du toit, c'est le sommet de l'acrotère qui constitue le sommet de la façade. Il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de toitures que, pour chacun des trois bâtiments, sont prévues des toitures terrasses accessibles, surmontées d'un garde-corps maçonné qui doit être regardé comme constituant l'acrotère, au sommet duquel doit être mesurée la hauteur de la façade, conformément aux dispositions précitées. Il ressort du plan de coupe que si les trois bâtiments respectent la limite de hauteur au faîtage, ils ne respectent pas la limite de hauteur au sommet de la façade, l'acrotère culminant à plus de 12 mètres. Le permis de construire tacite du 17 septembre 2020 méconnaissait dès lors également les dispositions de l'article 1AUH 10 du règlement du plan local d'urbanisme.

21. Il résulte de l'instruction que le maire de Granville aurait pris la même décision de retrait s'il avait entendu se fonder initialement sur les motifs tirés de la méconnaissance par le permis de construire tacite né le 17 septembre 2020 de l'article 7 des dispositions générales et des articles 1AUH 11.4 et 1AUH 10 du règlement du plan local d'urbanisme. Il y a lieu, dès lors, d'accueillir la demande, présentée par la commune de Granville, de substitution de motifs qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne prive la société La Horie d'aucune garantie de procédure liée au motif substitué dès lors que, dans le cadre de la procédure juridictionnelle, le requérant est mis à même de présenter ses observations sur le motif substitué dans des conditions équivalentes à celles dont il aurait bénéficié devant l'administration, et sans qu'ait d'incidence la circonstance que les motifs de retrait invoqués par substitution auraient pu, à la faveur d'une procédure de contradictoire préalable au retrait, donner lieu de la part du pétitionnaire à une demande de permis de construire modificatif ou à une autre mesure de régularisation.

22. Enfin, à supposer que la société La Horie sollicite la mise en œuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, cette demande ne pourrait, en tout état de cause, qu'être rejetée faute que ces dispositions, applicables aux recours dirigés contre des autorisations d'urbanisme, soient applicables au présent litige dans lequel est contesté une décision de retrait d'une autorisation d'urbanisme.

23. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres demandes de substitution de motifs présentées par la commune de Granville, tirées de l'incompatibilité du permis de construire tacite né le 17 septembre 2020 avec l'orientation d'aménagement et de programmation sectorielle n° 6, en raison du mauvais emplacement de la liaison piétonne et cycliste prévue par cette orientation, d'une part, et de la méconnaissance, par ce permis de construire, des dispositions de l'article 1 AUh 11.2 du règlement du plan local d'urbanisme, d'autre part, que la société La Horie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Granville, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée sur leur fondement par la société La Horie. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Horie, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Granville.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société La Horie est rejetée.

Article 2 : La société La Horie versera à la commune de Granville une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Horie et à la commune de Granville.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01815
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SCP COURTEAUD - PELLISSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;23nt01815 ?
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