Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... I..., agissant en qualité de représentant légal de la jeune D... M..., et Mme L... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Douala rejetant les demandes de délivrance de visas de long séjour à Mme F... et à la jeune D... M..., au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2202278 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours en tant qu'elle a rejeté la demande de visa présentée par Mme F..., a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à cette dernière le visa sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2022, M. I... et Mme D... M..., devenue majeure, représentés par Me Le Floch, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours en ce qu'elle a refusé de délivrer à Mme J... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours en tant qu'elle a refusé de délivrer à Mme J... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme J... le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration faute pour l'administration de leur avoir demandé de compléter leur demande par la production d'un jugement de délégation de l'autorité parentale ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. I..., ressortissant camerounais, né en 1982, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 avril 2019. Par des décisions du 14 juin 2021, l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) a rejeté les demandes de délivrance de visas de long séjour présentées par Mme L... et par la jeune D... M..., qui se présentent respectivement comme la concubine et la fille de M. I..., née d'une précédente relation, au titre de la réunification familiale. Par une décision implicite née le 12 septembre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les recours formés contre les décisions des autorités consulaires. Par un jugement du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. I... et de Mme F..., la décision de la commission de recours en tant qu'elle a rejeté la demande de visa présentée par Mme F..., a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à cette dernière le visa sollicité dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. I... et Mme D... M..., devenue majeure, relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours en ce qu'elle a rejeté leur demande de délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Mme D... M....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des mentions de l'acte de naissance dressé le 25 mai 2004 que Mme D... M... a pour mère Mme B... K... et pour père M. I.... La circonstance que ce dernier a désigné, dans ses déclarations auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la mère de cette enfant sous le nom " Mme C... ", ne suffit pas à établir le caractère irrégulier de cet acte de naissance. Par suite, le lien de filiation de Mme D... M... à l'égard du réunifiant, M. I..., doit être tenu pour établi. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations sur l'honneur concordantes de Mme B... K..., la mère de la demandeuse de visa, de Mme G... et de Mme A..., qui se présente, sans être contredite par le ministre, comme la sœur aînée du réunifiant, ainsi que du courrier adressé le 26 avril 2021 par M. I... au bureau des réfugiés, que Mme D... M... a résidé depuis l'âge de 8 ans au foyer de ce dernier, constitué alors de Mme G... et de leur fils né en 2014, et a continué de vivre avec Mme G... et son demi-frère après le départ de M. I..., en 2017, pour rejoindre la France. Ces attestations sont, en outre, corroborées par de nombreuses photographies, datées de 2015 à 2017, montrant Mme D... M... avec M. I..., Mme G... et leur fils. Les requérants justifient également de l'envoi par M. I... à Mme G... de mandats financiers réguliers sur la période courant du mois d'avril 2019 au mois d'août 2021, soit antérieurement à la date de la décision contestée ainsi que des échanges réguliers entre M. I... et Mme D... M... par le bais de l'application WhatsApp depuis le mois de septembre 2020. Dans ces conditions, la décision contestée porte au droit au respect de la vie privée et familiale tant de Mme D... M... que de M. I... une atteinte disproportionnée au regard des motifs en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. I... et Mme D... M... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours en ce qu'elle porte refus de délivrer à Mme D... M... le visa sollicité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme D... M.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. I... n'ayant pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son conseil ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. I... et de Mme G... tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours en ce qu'elle porte refus de délivrance à Mme D... M... d'un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Article 2 : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée en tant qu'elle porte refus de délivrance à Mme D... M... d'un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme D... M... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... I..., à Mme D... M... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. LE REOUR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT04047