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05/07/2024 | FRANCE | N°22NT03524

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 05 juillet 2024, 22NT03524


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... épouse G..., agissant en qualité de représentante légale du jeune A... E..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 20 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Casablanca (Maroc) refusant de délivrer au jeune A... E... un visa d'entrée et de long séjour

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Par un jugement n° 2202187 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Na...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse G..., agissant en qualité de représentante légale du jeune A... E..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 20 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Casablanca (Maroc) refusant de délivrer au jeune A... E... un visa d'entrée et de long séjour.

Par un jugement n° 2202187 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2022, Mme B... C... épouse G..., agissant en qualité de représentante légale du jeune A... E..., représentée par Me Ferdaoussi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 21 décembre 2021 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa du jeune A... E... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le niveau de ressources du foyer et ses conditions de logement permettent d'accueillir le jeune A... E... ;

- la décision contestée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation du demandeur de visa.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme C... épouse G... ne sont pas fondés ;

- les documents produits à l'appui de la demande de visa sont frauduleux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte de Kafala du président du tribunal de première instance d'Agadir (Maroc) du 16 avril 2021, M. G..., ressortissant français, et Mme C... épouse G..., son épouse, de nationalité marocaine, se sont vu confier le recueil légal de l'enfant A... E..., né le 5 avril 2005. Mme C... épouse G... et l'enfant A... E... ont sollicité la délivrance de visas de long séjour, en qualité, respectivement, de conjointe d'un ressortissant français et d'enfant mineur confié à un ressortissant français. Mme C... épouse G... s'est vu délivrer le visa sollicité. Toutefois, par une décision du 20 septembre 2021, les autorités consulaires françaises à Casablanca ont refusé de délivrer au jeune A... E... le visa de long séjour sollicité. Par un jugement du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... épouse G... tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires. Mme C... épouse G... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la décision contestée énonce avec suffisamment de précision les motifs de fait et de droit qui la fondent. Le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

4. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que, pour rejeter le recours formé par Mme C... épouse G... contre le refus de visa de long séjour opposé au jeune A... E..., la commission s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que les conditions de ressources de l'accueillant n'étaient pas suffisantes pour prendre en charge le demandeur de visa dans des conditions adéquates, d'autre part, de ce qu'il n'était pas justifié des conditions de logement du foyer.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. G... est locataire d'un appartement de type T3 d'une surface de 110 m² et qu'il perçoit une pension de retraite mensuelle de 1 350 euros. Il est ainsi justifié de ce que les ressources et les conditions de logement de M. et Mme G..., leur permettent de prendre en charge le jeune A... E... dans des conditions satisfaisantes. Par suite, en refusant de lui délivrer, pour les motifs énoncés précédemment, le visa de long séjour sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

6. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a invoqué, dans son mémoire en défense de première instance, communiqué à Mme C... épouse G..., un autre motif, tiré du caractère frauduleux du dossier de demande de visa.

8. Il a été produit, à l'appui de sa demande de visa présentée pour le jeune A..., un acte de naissance n°942, dressé le 20 mai 2021, par l'officier de l'état civil de la commune de Taroudant qui indique, en mentions marginales, que la kafala de l'enfant a été attribuée aux époux G..., en vertu d'un jugement n°964/2019, rendu le 8 août 2019, par le juge de la famille du tribunal de première instance d'Agadir. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les intéressés, dont l'acte de mariage a été transcrit sur les registres français, le 14 janvier 2021, ne se sont mariés que le 19 novembre 2020 et qu'ils ont été désignés tuteurs du jeune A..., en vertu d'une ordonnance de Kafala n°22-2021 du 6 avril 2021 rendue par le tribunal de première instance d'Agadir. Mme C... épouse G... n'apportent aucune explication quant aux incohérences affectant les actes produits, qui sont de nature à en établir le caractère frauduleux. Ce motif lié au caractère frauduleux des actes produits à l'appui de la demande de visa est de nature à justifier légalement le refus de visa opposé au jeune A... E.... Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce motif, qui n'a privé les intéressés d'aucune garantie procédurale. Il y a lieu, dès lors d'accueillir la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre.

9. En troisième et dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, ni l'identité du demandeur de visa, ni le caractère authentique de kafala ne sont établis. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de visa opposé au jeune A... E... méconnaîtrait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste de ses conséquences sur la situation de la requérante ne peut être davantage être accueilli.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête présentée par Mme C... épouse G... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... épouse G... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme C... épouse G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse G..., à M. A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFET La greffière,

M. LE REOUR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22NT03524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03524
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : FERDAOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;22nt03524 ?
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