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05/07/2024 | FRANCE | N°22NT02263

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 05 juillet 2024, 22NT02263


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Henri et la SCI EDCLA ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 décembre 2019 du maire de Caen portant non opposition à déclaration préalable de travaux par la SCI Ricaras et la décision par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision.



Par un jugement n° 2001784 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.



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Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2022 et le 13 octobre 2023, la SCI Henri et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Henri et la SCI EDCLA ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 décembre 2019 du maire de Caen portant non opposition à déclaration préalable de travaux par la SCI Ricaras et la décision par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n° 2001784 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2022 et le 13 octobre 2023, la SCI Henri et la SCI EDCLA, représentées par Me Gorand, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 11 mai 2022 ;

2°) d'annuler les décisions des 24 décembre 2019 et 7 juillet 2020 du maire de Caen ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Caen une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- en qualité de voisines immédiates du projet, elles justifient d'un intérêt leur donnant qualité à agir contre la décision contestée ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande comme tardive ; l'affichage du panneau était irrégulier et révélateur d'une manœuvre ayant pour objet de priver d'effet cette mesure de publicité ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ; après avoir indiqué que le panneau était parfaitement visible depuis le boulevard, les premiers juges ont retenu que le choix de son implantation le rendait moins visible en journée ;

- le maire était tenu de s'opposer à la déclaration ; les travaux projetés portent sur une construction édifiée sans autorisation, sans qu'une demande de permis de régularisation portant sur l'ensemble du bâtiment ait été déposée ;

- les dispositions de l'article R. 421-14 ont été méconnues ; dès lors que les travaux s'accompagnent d'un changement de destination et qu'ils ont pour effet de modifier la façade du bâtiment, un permis de construire aurait dû être déposé ;

- le pétitionnaire a sciemment induit en erreur le service instructeur afin de lui dissimuler le changement de destination du bâtiment opéré en se soustrayant à la réglementation d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2023, la commune de Caen, représentée par Me Desert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des SCI Henri et EDCLA une somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- la demande de première instance était tardive ; l'affichage du panneau n'était ni irrégulier ni constitutif d'une manœuvre ;

- la demande de première instance est irrecevable, les SCI Henri et EDCLA ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité à contester la décision de non-opposition litigieuse ;

- les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 31 août 2023 et le 24 octobre 2023, la SCI Ricaras, représentée par Me Soublin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la SCI Henri et de la SCI EDCLA ;

2°) de condamner la SCI Henri et la SCI EDCLA au paiement d'une amende de 10 000 euros pour recours abusif ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Henri et de la SCI EDCLA une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était tardive ;

- la demande de première instance était irrecevable, faute pour ces dernières de justifier d'un intérêt pour agir contre la décision contestée ;

- les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Sanson, substituant Me Gorand, représentant la SCI Henri et la SCI EDCLA, et Me Laville-Collomb, substituant Me Le Coustumer, représentant la SCI Ricaras.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 novembre 2019, la SCI Ricaras a déposé une déclaration préalable portant sur la modification de l'aspect extérieur d'un bâtiment implanté sur la parcelle cadastrée à la section NS sous le n°108, située 63, boulevard Yves Guillou, à Caen. Par une décision du 24 décembre 2019, le maire de Caen ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. Par une décision du 7 juillet 2020, le maire de Caen a rejeté le recours gracieux formé par la SCI Henri et la SCI EDCLA contre sa décision du 24 décembre 2019. Par un jugement du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté comme irrecevable à raison de sa tardiveté la demande de ces deux sociétés tendant à l'annulation des décisions du 24 décembre 2019 et du 7 juillet 2020 du maire de Caen. La SCI Henri et la SCI EDCLA relèvent appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de la SCI Henri et de la SCI EDCLA :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ". Aux termes de l'article L. 600-1-3 du même code : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ".

3. Il résulte de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées à la section NS sous les n° 105 et 113 sur lesquelles sont implantés les bâtiments des sociétés EDCLA et Henri jouxtent le terrain d'assiette du projet objet de la déclaration préalable de travaux déposée par la SCI Ricaras. Pour justifier de leur intérêt pour agir contre la décision du 24 décembre 2019 du maire de Caen, ces deux sociétés font état de ce que les travaux litigieux créent de nouvelles vues sur leurs biens et entraînent un changement de destination du bâtiment susceptible d'engendrer des nuisances sonores.

5. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable de travaux en litige porte sur la réalisation de travaux de modification de l'aspect extérieur du bâtiment de la SCI Ricaras, utilisé comme atelier de menuiserie, travaux consistant notamment dans le remplacement de la toiture, dans la pose d'un bardage, dans la création de baies vitrées, de 18 fenêtres de toit, d'une porte d'entrée " tambour " et de deux vantaux, ainsi que dans la réouverture d'anciennes baies vitrées et d'une ancienne porte de sortie murée. D'une part, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet d'autoriser un changement de destination du bâtiment. En tout état de cause, à supposer même que les travaux litigieux viseraient en réalité à transformer l'atelier de menuiserie en une surface dédiée à des activités de commerce et de vente, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette nouvelle activité serait de nature à d'engendrer de nouvelles nuisances, notamment sonores, susceptibles de dégrader les conditions de jouissance de leurs biens par les sociétés requérantes. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la création, en façade ouest du bâtiment, d'une porte-tambour et de deux vantaux, en lieu et place d'une simple porte, n'est pas de nature à créer de nouvelles vues directes significatives sur la propriété de la société EDCLA, masquée, pour l'essentiel, par un hangar implanté entre cette construction et le bâtiment litigieux. S'il est vrai que ce hangar a été démoli, au mois de juin 2021, ouvrant ainsi des vues directes depuis la façade ouest du bâtiment litigieux sur la propriété de la société EDCLA, cette démolition est postérieure à l'affichage en mairie du dépôt de la déclaration préalable de travaux en litige et est sans incidence sur l'intérêt pour agir des sociétés requérantes qui, ainsi que le prévoit l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme, s'apprécie à la date de cet affichage. Compte tenu de la nature des travaux projetés, de leur ampleur limitée ainsi que de leur localisation, et alors même qu'elles ont la qualité de voisines immédiates du projet, la SCI Henri et la SCI EDCLA ne justifient pas d'un intérêt à agir contre la décision du 24 décembre 2019 par laquelle le maire de Caen ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la SCI Ricaras. Leur demande devant le tribunal administratif de Caen était donc irrecevable. La SCI Henri et la SCI EDCLA ne sont dès lors pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur les conclusions présentées par la SCI Ricaras tendant à l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

6. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

7. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la SCI Ricaras tendant à l'application de ces dispositions ne sont pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de SCI Ricaras qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SCI Henri et la SCI EDCLA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des sociétés requérantes, d'une part, le versement à la SCI Ricaras de la somme de 1 200 euros, d'autre part, le versement à la commune de Caen de la somme de 1 200 euros, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de la SCI Henri et de la SCI EDCLA est rejetée.

Article 2 : La SCI Henri et la SCI EDCLA verseront, d'une part, une somme de 1 200 euros à la SCI Ricaras, d'autre part, une somme de 1 200 euros à la commune de Caen, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI Ricaras tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Henri, à la SCI EDCLA, à la commune de Caen et à la SCI Ricaras.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02263
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER - MEDEAS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;22nt02263 ?
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