Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) refusant de lui délivrer un visa d'établissement en qualité de parent d'enfants français.
Par un jugement n° 2206054 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2023, M. B... D..., représenté par Me Moulin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 9 mars 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans un délai de 8 jours ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier ; il appartenait aux premiers juges de solliciter l'ordonnance de non conciliation du 7 septembre 2021 s'ils entendaient ne pas accréditer ses informations, sauf à commettre comme en l'espèce une erreur de fait ;
- les faits reprochés qui ont donné lieu à condamnation sont anciens et isolés ; il n'a pas été fiché au sein du système d'information Schengen ; il a retrouvé l'exercice de l'autorité parentale sur ses enfants ;
- il a contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants dans les conditions d'une séparation et d'un divorce conflictuels ;
- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ; il lui est reproché un acte de violence isolé et ancien et sa condamnation pour le transfert d'une vidéo à un tiers ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant algérien né en 1982, a demandé à l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) la délivrance d'un visa d'établissement en qualité de parent étranger des enfants A... et C... D..., ressortissants français nés respectivement les 7 décembre 2013 et 6 février 2019. L'autorité consulaire a rejeté sa demande le 10 novembre 2021. Par une décision du 9 mars 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé à l'encontre du refus de l'autorité consulaire. Par un jugement du 30 janvier 2023, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 9 mars 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. Si le juge peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.
3. M. D... soutient que le jugement contesté est irrégulier au motif que les premiers juges ont méconnu leur office faute de lui avoir demandé de communiquer l'ordonnance d'orientation et de mesures provisoires en divorce du 7 septembre 2021 du tribunal judiciaire de Montpellier, qu'il produit pour la première fois en appel, ce qui aurait évité une erreur de fait relative à sa procédure de divorce. Toutefois, d'une part cette ordonnance ne constitue pas la décision de la cour d'appel de Montpellier mentionnée au point 7 du jugement attaqué, que M. D... mentionne comme étant la pièce dont le tribunal aurait dû lui demander la communication, et qui n'existerait pas. D'autre part, l'erreur de fait dont M. D... fait état, en admettant son existence, relève non pas de la régularité du jugement attaqué mais de son bien-fondé. En conséquence, l'irrégularité alléguée du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il ressort de la décision du 9 mars 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que le refus de visa de long séjour opposé à M. D... est motivé par le fait qu'il n'est pas établi qu'il aurait contribué à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants français nés en 2013 et 2019 de son union avec une ressortissante française, que l'intéressé ne justifie pas de ressources financières suffisantes et pérennes pour couvrir ses frais lors de son séjour en France et qu'il constitue une menace pour l'ordre public en raison de faits de violence conjugale pour lesquels il a été condamné le 12 novembre 2020 à une peine de douze mois de prison avec sursis.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été condamné par un jugement devenu définitif du tribunal correctionnel de Montpellier à une peine de 12 mois de prison avec sursis pour des faits de violence commis sur sa conjointe le 4 octobre 2018, suivis de faits de harcèlement sur cette dernière entre les 14 septembre 2019 et 12 septembre 2020, et de diffusion d'un enregistrement ou document portant sur des paroles ou images à caractère sexuel impliquant la sœur de son ex-épouse. Il est par ailleurs établi qu'eu égard aux relations extrêmement tendues récurrentes entre M. D... et la mère de ses enfants, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montpellier, par une ordonnance d'orientation et de mesures provisoires en divorce du 7 septembre 2021, n'a accordé à M. D..., si celui-ci était autorisé à revenir en France, que l'exercice d'un droit de visite de ses enfants au sein des locaux d'une association, a également confié l'autorité parentale exclusive à la mère des enfants, chez qui ils résident, et a ordonné l'interdiction de sortie de ces deux enfants du territoire français sans l'autorisation des deux parents. En conséquence, et eu égard à la nature de la décision contestée, c'est au terme d'une exacte qualification des faits que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé le visa sollicité par M. D... en estimant que ces faits, récents à la date de sa décision, étaient constitutifs d'une menace à l'ordre public en cas de retour de l'intéressé sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant à la gravité de la menace pour l'ordre public que constituerait le retour de M. D... sur le territoire français doit être écarté. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.
6. Pour le motif exposé au point précédent tenant à la gravité de la menace pour l'ordre public que constituerait le retour de M. D... sur le territoire français, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00962