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02/07/2024 | FRANCE | N°23NT00292

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 02 juillet 2024, 23NT00292


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 août 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté le recours formé contre la décision du 1er mars 2022 du préfet de police de Paris rejetant sa demande de naturalisation.



Par une ordonnance n° 2212557 du 30 novembre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure dev

ant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er février, 10 avril et 1er mai 2023, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 29 août 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté le recours formé contre la décision du 1er mars 2022 du préfet de police de Paris rejetant sa demande de naturalisation.

Par une ordonnance n° 2212557 du 30 novembre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er février, 10 avril et 1er mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Chebel, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 30 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 29 août 2022 du ministre de l'intérieur et des outre-mer rejetant sa demande de naturalisation ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui accorder la naturalisation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- un moyen soulevé en première instance était opérant à l'encontre de la décision contestée ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a engagé deux procédures de regroupement familial ;

- le motif substitué tiré de son comportement fiscal n'est pas de nature à fonder légalement la décision contestée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 mars et 17 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- le motif tiré de son comportement fiscal critiquable substitué au motif de la décision contestée est de nature à la fonder légalement.

Par un courrier du 22 avril 2024, les parties ont été informées que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que l'auteur de l'ordonnance attaquée était incompétent au regard des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dès lors que M. A... avait présenté un moyen opérant à l'appui de sa demande.

Par un mémoire enregistré le 25 avril 2024, le ministre de l'intérieur a produit des observations en réponse au courrier du 22 avril 2024.

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2024, M. A... a produit des observations en réponse au courrier du 22 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- et les observations de Me Chebel, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 31 décembre 1980, a sollicité l'acquisition de la nationalité française laquelle a été rejetée par le préfet de police de Paris le 15 mars 2022. Cette décision a été confirmée par le ministre de l'intérieur le 29 août 2022. M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du ministre du 29 août 2022. Il relève appel de l'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 30 novembre 2022 rejetant sa demande sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative en raison du caractère inopérant des moyens soulevés.

Sur l'irrégularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".

3. Le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement de ces dispositions, rejeté la demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de décision du 29 août 2022 au motif que le requérant ne contestait pas utilement les motifs fondant la décision contestée, notamment qu'il conservait des liens forts avec son pays d'origine et, qu'à la date de cette décision, il n'établissait pas avoir l'ensemble de ses attaches familiales sur le territoire français. Toutefois, alors que M. A... faisait valoir qu'il avait sollicité antérieurement à la décision contestée, les 22 février 2019 et 12 mars 2022, le regroupement familial au bénéfice de sa conjointe et de leurs deux enfants, il contestait ainsi utilement la décision en litige. Aussi, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a méconnu sa compétence en se fondant sur ces dispositions pour rejeter par ordonnance la demande de M. A..., celle-ci ne relevant d'aucune autre disposition de cet article. M. A... est, par suite, fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et elle doit être annulée pour ce motif.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision du 29 août 2022 :

5. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 : " (...) / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, elle peut légalement prendre en compte la situation familiale du demandeur, et notamment la circonstance qu'un ou plusieurs de ses enfants mineurs résident à l'étranger.

6. Le ministre chargé des naturalisations a estimé dans sa décision du 29 août 2022, par laquelle il a rejeté la demande de M. A..., que ce dernier n'a pas établi en France, l'ensemble de ses attaches familiales.

7. En premier lieu, M. A... est le père de quatre enfants, dont trois résident en Côte d'Ivoire avec leurs deux mères respectives, dont l'une est sa conjointe, et une enfant de nationalité française née d'une autre relation. Si M. A... fait valoir qu'il a sollicité antérieurement à la décision contestée, les 22 février 2019 et 12 mars 2022, le regroupement familial au bénéfice de son épouse ivoirienne et de leurs deux enfants nés en 2015 et 2019, toutefois, d'une part, la demande formée en 2019 a été rejetée par l'autorité administrative dès le 24 septembre 2019, et d'autre part, il ressort des pièces du dossier, que sa fille née en 2014 d'une précédente union n'est pas concernée par cette procédure. A cet égard, la mère de cette enfant a attesté, le 3 février 2022, qu'elle refusait que sa fille rejoigne son père en France. Alors qu'il n'est pas contesté que M. A... entretient des liens avec cette enfant qu'il a déclarée comme étant à sa charge entre 2018 et 2020, et bien que père d'une enfant de nationalité française, le ministre a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande de M. A... pour le motif rappelé au point précédent. Par ailleurs, eu égard au motif fondant la décision contestée, les circonstances tirées de ce qu'il réside en France depuis 2009, de ce qu'il dispose de revenus issus de son activité professionnelle et d'un appartement de type 2, de ce qu'il ne constitue pas une charge pour la société, de l'apurement de ses dettes fiscales et locatives, et de ce qu'il n'a jamais été à l'origine de troubles à l'ordre public, sont sans incidence sur sa légalité. Le moyen doit, par suite, être écarté.

8. En second lieu, M. A... ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 15 de la déclaration universelle des droits de l'homme, laquelle, d'une part ne figure pas au nombre des textes diplomatiques qui ont été ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 et d'autre part, en tout état de cause, ne donne pas droit à se voir octroyer la nationalité française mais garantit seulement le droit d'avoir une nationalité. De même, M. A... ne peut utilement se prévaloir du principe d'égalité entre les citoyens tel qu'il résulte des dispositions de l'article 1er de la déclaration universelle des droits de l'homme.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motif sollicitée par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 29 août 2022 rejetant sa demande de naturalisation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision administrative attaquée présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2212557 du 30 novembre 2022 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes, et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président de la formation

de jugement,

C. RIVASLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00292
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CHEBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23nt00292 ?
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