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02/07/2024 | FRANCE | N°22NT01646

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 02 juillet 2024, 22NT01646


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Orange a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2019 par lequel le maire de Riantec s'est opposé à sa déclaration préalable portant sur l'installation d'une station de radiotéléphonie sur une parcelle cadastrée section BM n° 2 au lieu-dit Le Stang, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2000930 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arr

êté du 27 septembre 2019 ainsi que la décision du 23 décembre 2019 rejetant le recours gracieux de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2019 par lequel le maire de Riantec s'est opposé à sa déclaration préalable portant sur l'installation d'une station de radiotéléphonie sur une parcelle cadastrée section BM n° 2 au lieu-dit Le Stang, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2000930 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 27 septembre 2019 ainsi que la décision du 23 décembre 2019 rejetant le recours gracieux de la société Orange.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2022, la commune de Riantec, représentée par Me Rouhaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mars 2022 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Orange devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que l'instruction n'a pas été rouverte afin de prendre en compte une pièce susceptible d'avoir une influence sur le jugement ;

- il est établi que l'arrêté du 27 septembre 2019 a été notifié le jour même par courriel à la pétitionnaire dans le délai d'instruction d'un mois ; par suite cette décision ne s'analyse pas comme une décision de retrait et elle n'était pas illégale au motif du non-respect d'une procédure contradictoire ; les dispositions des articles L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 n'ont pas été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, la société Orange, représentée par Me Gentilhomme, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Riantec ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- et les observations de Me Oueslati, substituant Me Rouhaud, représentant la commune de Riantec.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 septembre 2019, le maire de Riantec (Morbihan) s'est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée le 29 août 2019 par la société Orange pour la réalisation d'une station de radiotéléphonie sur une parcelle cadastrée section BM n° 2 au lieu-dit Le Stang. Par une décision du 23 décembre 2019, le maire de Riantec a rejeté le recours gracieux formé par la société Orange. Par un jugement du 25 mars 2022, dont la commune de Riantec relève appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 27 septembre 2019 et la décision du 23 décembre 2019 du maire de Riantec.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) L'instruction peut également être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue. ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ".

3. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

4. Il ressort des pièces du dossier que dès l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Rennes le 24 février 2020, la société Orange a soutenu qu'elle devait être regardée comme titulaire d'une décision tacite de non opposition à déclaration de travaux, eu égard à la tardiveté de la notification de l'arrêté du maire de Riantec du 27 septembre 2019 s'opposant à ses travaux. En réponse, la commune a produit à l'appui de son mémoire enregistré le 12 octobre 2021 et communiqué une copie d'un courriel du 27 septembre 2021 de l'un de ses agents, destiné à établir la notification de cet arrêté à la société Orange à cette date. La clôture de l'instruction de cette affaire devant le tribunal administratif de Rennes a été fixée le 2 décembre 2021 par une ordonnance à effet immédiat. Le 3 décembre 2021, la commune a produit une attestation de l'auteur du courriel du 27 septembre 2019 explicitant les conditions dans lesquelles il a procédé à la notification de l'arrêté du 27 septembre 2019 et l'information qu'il en a faite à la société Orange. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que cette attestation n'aurait pu être établie et produite avant la clôture d'instruction. Aussi les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité en ne tenant pas compte de cette pièce, qu'ils ont visée. Par suite, la commune de Riantec n'est pas fondée à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu par le tribunal administratif de Rennes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Pour annuler l'arrêté du 27 septembre 2019 et la décision du 23 décembre 2019 du maire de Riantec s'opposant à la déclaration préalable de travaux présentée par la société Orange, le tribunal a considéré que cet arrêté, eu égard à la date de sa notification, s'analyse comme une décision de retrait de l'autorisation tacite dont pouvait se prévaloir cette société à compter du 30 septembre 2019, et que cette décision de retrait est intervenue en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 222 de la loi de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

En ce qui concerne la portée de l'arrêté du 27 septembre 2019 du maire de Riantec :

6. Aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. (...) ". Et selon l'article R. 423-23 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : a) un mois pour les déclarations préalables (...). ". L'article R. 424-1 de ce code dispose que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...). ". L'article R. 424-10 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " La décision (...) s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, ou, dans les cas prévus à l'article R. 423-48, par échange électronique. (...) ". Aux termes de l'article R. 423-48 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la demande précise que le demandeur accepte de recevoir à une adresse électronique les réponses de l'autorité compétente, les notifications peuvent lui être adressées par échange électronique. / Dans ce cas, le demandeur est réputé avoir reçu ces notifications à la date à laquelle il les consulte à l'aide de la procédure électronique. Un accusé de réception électronique est adressé à l'autorité compétente au moment de la consultation du document. A défaut de consultation à l'issue d'un délai de huit jours après leur envoi, le demandeur est réputé avoir reçu ces notifications. ".

7. Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est réputé être titulaire d'une décision tacite de non-opposition à travaux si aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration du délai d'instruction de son dossier et que cette notification doit, en principe, être réalisée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une décision de refus de permis de construire soit notifiée par un autre procédé offrant des garanties équivalentes et permettant d'établir que le pétitionnaire en a eu connaissance.

8. Il ressort des pièces du dossier que la société Orange a déposé en mairie de Riantec, le 29 août 2019, sa déclaration préalable en vue de l'édification d'un pylône de radiotéléphonie. En conséquence, par application des dispositions de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, le délai d'instruction fixé à la commune expirait le 29 septembre à minuit, date à laquelle, en l'absence de notification d'une décision explicite, une décision tacite de non-opposition était acquise en application de l'article R. 424-1 du même code.

9. La commune de Riantec ne conteste pas que l'envoi de l'arrêté de son maire du 27 septembre 2019 par un courrier posté le samedi 28 septembre et reçu par la société Orange le 30 septembre n'a pu faire échec à la naissance d'une décision tacite le 29 septembre 2019. Elle fait toutefois valoir que l'arrêté contesté a été également notifié par voie électronique, et produit pour l'établir une copie d'un courriel de l'un de ses agents, datant du 27 septembre 2019, adressé à 16H12 à la personne désignée par la société pétitionnaire à l'appui de sa déclaration préalable comme acceptant de recevoir les documents émanant de la mairie. Ce même courriel a été adressé en copie à une collègue de cet agent, à qui il a été remis le 27 septembre 2019 à 16h12, alors qu'aucune indication de ce type ne figure sur la copie d'écran produite s'agissant du représentant de la société Orange. A cette copie d'écran est également jointe une attestation du 2 décembre 2021 de l'auteur du courriel indiquant qu'il a parallèlement informé téléphoniquement le même jour un représentant de la société pétitionnaire de l'envoi de son courriel et de la décision du maire.

10. D'une part, la société Orange indique qu'elle n'a jamais eu connaissance du courriel du 27 septembre 2019. D'autre part, alors que la charge de la preuve lui incombe, la commune de Riantec n'établit pas par les éléments précités que l'arrêté du maire de Riantec aurait été notifié à cette société Orange dans les conditions fixées par l'article R. 424-10 du code de l'urbanisme alors en vigueur, faute de tout élément attestant d'une prise de connaissance du courriel du 27 septembre 2019 par le représentant désigné de la société Orange dans le respect de l'article R. 423-48 du code de l'urbanisme. Enfin, la notification de cette décision ne pouvait être réputée acquise qu'à l'issue d'un délai de huit jours après son envoi, conformément aux dispositions de l'article R. 423-48 in fine du code de l'urbanisme, soit à une date postérieure à l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article R. 423-23 du même code.

11. En conséquence de ce qui précède l'arrêté du 27 septembre 2019 du maire de Riantec, en raison de la date de sa notification, s'analyse comme une décision de retrait.

En ce qui concerne la légalité de la décision de retrait :

12. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...). ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ".

13. Aux termes de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " A titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées. / Cette disposition est applicable aux décisions d'urbanisme prises à compter du trentième jour suivant la publication de la présente loi. (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 septembre 2019 du maire de Riantec, en tant qu'il s'analyse comme une décision de retrait d'une décision créatrice de droit, est intervenu sans respecter la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, les dispositions précitées de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 interdisaient alors ce retrait. En conséquence, les dispositions des articles L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et 222 de la loi 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique s'opposaient à cette décision de retrait. Il s'ensuit que cette décision est illégale.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Riantec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 27 septembre 2019 et la décision du 23 décembre 2019 du maire de Riantec. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Riantec est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Riantec et à la société Orange.

Une copie en sera adressée pour information au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01646


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01646
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;22nt01646 ?
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