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02/07/2024 | FRANCE | N°22NT00903

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 02 juillet 2024, 22NT00903


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme E... et I... H..., gérants de la société civile immobilière (SCI) H..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2017 par lequel le maire de Binic-Etables-sur-Mer (Côtes-d'Armor) a délivré à Mme D... F..., Mme G... F... et M. C... F... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé rue de la Corniche, cadastré section AB n° 617, ainsi que la décision implicite

de rejet de leur recours gracieux.



Par un jugement avant dire droit n°s 1801568...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... et I... H..., gérants de la société civile immobilière (SCI) H..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2017 par lequel le maire de Binic-Etables-sur-Mer (Côtes-d'Armor) a délivré à Mme D... F..., Mme G... F... et M. C... F... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé rue de la Corniche, cadastré section AB n° 617, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement avant dire droit n°s 1801568 et 1801989 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a sursis à statuer sur cette demande jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois, afin de permettre aux consorts F... de lui notifier un permis de construire modificatif régularisant les vices tenant au caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire et à la méconnaissance des dispositions des articles L. 113-1 et L. 113-2 du code de l'urbanisme et de l'article 4 des dispositions générales du plan local d'urbanisme en ce qui concerne la voie d'accès à l'habitation.

Par un arrêté du 14 juin 2021, le maire de Binic-Etables-sur-Mer a délivré aux consorts F... un permis de construire modificatif.

Par un jugement n°s 1801568 et 1801989 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande présentée par M. et Mme H..., gérants de la SCI H....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 mars 2022, 11 octobre 2022, 25 avril 2023, 22 mai 2023, 15 décembre 2023 et 29 janvier 2024 et par un mémoire récapitulatif enregistré le 15 février 2024, M. et Mme E... et I... H..., représentés par Me Vic, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 janvier 2021 et le jugement du 28 janvier 2022 mettant fin à l'instance ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 septembre 2017, du 14 juin 2021 et du 22 juin 2023 du maire de Binic-Etables-sur-Mer portant permis de construire et permis de construire modificatifs ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Binic-Etables-sur-Mer, de M. C... F... et de Mme G... F... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme H... soutiennent que :

- leur requête d'appel est recevable ;

- leur demande de première instance était recevable ;

- l'arrêté du 27 septembre 2017 méconnait les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'il ne mentionne pas la qualité de son signataire ;

- le dossier de permis de construire est insuffisant dès lors qu'il ne permet pas de localiser et de déterminer la superficie du terrain ; il n'est pas clairement mentionné si le terrain d'assise du projet est issu d'une division de propriété ; le tableau des surfaces de plancher ne mentionne pas la surface de la construction existante ; les plans joints au dossier ne font pas figurer l'intégralité du terrain d'assiette du projet ; il ne font pas figurer le descriptif des moyens mis en œuvre pour éviter toute atteinte au patrimoine protégé ;

- les dossiers de permis de construire modificatifs n° 1 et n°2 sont insuffisants dès lors qu'aucun plan en coupe ne fait apparaitre l'état initial et l'état futur du terrain ;

- les dossiers de permis de construire initial et modificatif n°2 sont insuffisants dès lors qu'ils ne font pas apparaitre d'attestation de prise en compte de la règlementation thermique ;

- aucune autorisation de lotir n'a été délivrée préalablement à l'autorisation de construire ;

- le projet contesté méconnait les dispositions du plan local d'urbanisme prescrivant, s'agissant des terrains issus de division en propriété ou en jouissance, une densité de 22 logements à l'hectare ;

- le service compétent en matière d'assainissement de Saint-Brieuc Armor agglomération n'a pas été consulté en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire n'a pas été précédé d'une autorisation de défrichement en méconnaissance des dispositions des articles L. 425-6 et R. 431-19 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 22 juin 2023 contesté n'a pas été précédé de l'avis de l'architecte des bâtiments de France en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-11 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article UB 6.2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article UB 7 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- ce permis méconnait les dispositions de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- ce permis méconnait les dispositions de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que la construction projetée ne comporte pas trois places de stationnement ; les trois places de stationnement ne peuvent être réalisées sans compromettre la conservation des arbres ;

- ce permis méconnait les dispositions de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne ressort pas du dossier de demande de permis de construire que les arbres abattus seront remplacés dans des conditions équivalentes ;

- ce permis méconnait les dispositions de l'article UB 15 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- ce permis de construire méconnait les dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme ;

- le plan local d'urbanisme est illégal en tant qu'il méconnait les dispositions de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme en n'ayant pas classé l'ensemble des arbres de la parcelle cadastrée section AB n°617 en tant qu'espaces boisés.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2023 et un mémoire récapitulatif enregistré le 1er mars 2024, la commune de Binic-Etables-sur-Mer, représentée par Me Donias, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour fasse application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de M. et Mme H... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants n'ont pas qualité pour agir en leur nom personnel ;

- les moyens soulevés par M. et Mme H... ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 14 septembre 2022, 27 avril 2023, 11 septembre 2023 et 9 janvier 2024 et un mémoire récapitulatif enregistré le 4 mars 2024, M. C... F... et Mme G... F..., représentés par Me Poilvet, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme H... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel n'est pas recevable dès lors que M. et Mme H... n'ont pas qualité pour interjeter appel des jugements du tribunal administratif de Rennes en leur nom personnel ;

- la demande de première instance n'est pas recevable dès lors que M. et Mme H... n'ont pas qualité pour agir en leur nom personnel ; il n'est pas démontré que la SCI H... est propriétaire des parcelles cadastrées section AB n°289 et 290 ; M. et Mme H... n'ont pas intérêt à agir ;

- le moyen tiré de ce que le permis de construire méconnait les dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme est irrecevable en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés par M. et Mme H... ne sont pas fondés.

Les parties ont été invitées par un courrier du 6 juin 2024, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, à présenter leurs observations dès lors que la cour est susceptible de surseoir à statuer, pendant un délai de 4 mois, pour permettre la régularisation des vices tirés des insuffisances de la demande de permis de construire s'agissant de la construction existante maintenue notamment des places de stationnements et de la méconnaissance de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Vic représentant M. et Mme H..., celles de Me Laville Collomb, substituant Me Donias, représentant la commune de Binic-Etables-sur-Mer et celles de Me Poilvet, représentant les consorts F....

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts F... ont déposé, le 28 août 2017, une demande de permis de construire une maison d'habitation d'une surface de plancher de 117,68 m² sur un terrain situé rue de la Corniche, cadastré section AB n° 617, à Binic-Etables-sur-Mer (Côtes-d'Armor). Par un arrêté du 27 novembre 2017, le maire de Binic-Etables-sur-Mer a délivré le permis de construire sollicité. La société civile immobilière (SCI) H... et M. et Mme H... ont formé, le 6 janvier 2018, un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, lequel a été implicitement rejeté. M. et Mme H..., gérants de la SCI H..., ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces deux décisions. Par un jugement avant dire droit du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a sursis à statuer sur cette demande jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois, afin de permettre aux consorts F... de notifier au tribunal un permis de construire modificatif régularisant les vices tenant au caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire et à la méconnaissance des dispositions des articles L. 113-1 et L. 113-2 du code de l'urbanisme et de l'article 4 des dispositions générales du plan local d'urbanisme en ce qui concerne la voie d'accès à l'habitation. Par un arrêté du 14 juin 2021, le maire de Binic-Etables-sur-Mer a délivré aux consorts F... un permis de construire modificatif. Par un jugement du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande. M. et Mme H... relèvent appel de ces jugements et demandent également l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2023 du maire de Binic-Etables-sur-Mer portant permis de construire modificatif n°2.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) ".

3. M. et Mme H..., gérants de la SCI H..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du maire de Binic-Etables-sur-Mer du 27 novembre 2017. Les consorts F... soutiennent qu'ils agissaient, non en leur nom personnel, mais au nom et pour le compte de la société H... qu'ils représentent, cette dernière ayant seule qualité de partie à l'instance devant le tribunal. Toutefois, il ressort des pièces de la procédure, notamment des différents mémoires produits que M. et Mme H..., représentant légaux de la SCI H..., ont entendu contester les permis litigieux tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de gérants de la SCI H.... Par ailleurs, il ressort des visas et des dispositifs des jugements attaqués que le tribunal administratif de Rennes a également regardé M. et Mme H... comme demandant en leurs noms personnel l'annulation du permis de construire contesté. B... ces conditions, M. et Mme H..., qui avaient la qualité de partie en première instance, ont, en leur nom personnel, qualité pour faire appel des jugements du tribunal administratif de Rennes. Par suite, la fin-de non-recevoir opposée en défense ne peut être accueillie.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme H... sont les gérants de la SCI H..., laquelle est propriétaire d'une maison d'habitation située en face du terrain d'assiette du projet litigieux. M. et Mme H... produisent des factures relatives à la consommation de gaz et d'eau libellées à leur nom justifiant qu'ils en sont les occupants. B... ces conditions, ils ont qualité pour agir et la fin de non-recevoir opposée à cet égard en défense ne peut être accueillie.

7. En outre, comme il vient d'être dit, A... et Mme H... sont occupants d'une habitation située en face du terrain l'implantation du projet en litige dont il est séparé seulement par un chemin et sur lequel ils disposent d'une vue directe. Eu égard aux caractéristiques du projet, la construction projetée est donc de nature à affecter directement leurs conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de leur absence d'intérêt à agir ne peut être accueillie.

8. Par suite, les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance ne peuvent être accueillies.

En ce qui concerne la légalité du permis de construire :

9. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme est entachée d'incompétence, qu'elle a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci est compétemment accordée pour le projet en cause, qu'elle assure le respect des règles de fond applicables à ce projet, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

S'agissant de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration :

10. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".

11. L'arrêté du 27 novembre 2017 qui comporte la mention selon laquelle il a été signé par " J.F. Faligot " pour le maire, Christian Urvoy, ne comporte toutefois pas la qualité de son signataire et aucune autre mention de la décision contestée ne permet de l'identifier avec certitude, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 précité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif du 14 juin 2021 a été signé " Pour le maire et par délégation, l'adjointe en charge de l'environnement et de l'urbanisme, Hélène Lutz ". B... ces conditions, l'irrégularité tirée de la méconnaissance des dispositions citées au point 10 a été régularisée par l'arrêté du 14 juin 2021. Le moyen doit, par suite, être écarté.

S'agissant de la complétude du dossier :

12. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

13. En premier lieu, si les demandes de permis de construire initiale et modificatives comportent des incohérences quant à la référence cadastrale et à la superficie de la parcelle supportant le projet en litige, il ressort des pièces du dossier que les plans représentant la parcelle d'emprise du projet font figurer la parcelle cadastrée section AB n° 617 dans son intégralité, tandis que ces plans, notamment le plan de masse, font figurer l'emplacement exact de la construction projetée. En outre, l'arrêté du 22 juin 2023 indique que l'opération projetée s'implantera sur la parcelle cadastrée section AB n°617 d'une surface de 2 264 m². Dès lors, les incohérences quant à l'identification de la parcelle en litige n'ont pas été de nature à avoir faussé l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

14. En deuxième lieu, s'il a pu être envisagé une division de la parcelle de l'opération projetée en deux parcelles, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce projet ait abouti et que la parcelle cadastrée section AB n° 617 ait fait l'objet d'une division de propriété, ni que l'opération projetée aurait pour objet ou pour effet de conduire à une telle division. B... ces conditions, la demande de permis de construire, qui ne mentionne pas que la parcelle en cause est issue d'une division de propriété, n'est pas incomplète à cet égard.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme : " Lorsque le terrain d'assiette comporte des constructions, la demande précise leur destination, par référence aux différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28, leur surface de plancher et indique si ces constructions sont destinées à être maintenues et si leur destination ou sous-destination est modifiée par le projet. ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) "

16. Alors que le terrain d'assiette de l'opération projetée supporte déjà une construction à usage d'habitation, les demandes de permis de construire comportent des incohérences quant à la présence et aux caractéristiques de la maison d'habitation existante et au fait que cette dernière sera conservée. Ainsi, seul le permis de construire modificatif n°1 mentionne la présence sur le terrain de l'opération projetée d'une construction existante et maintenue d'une emprise au sol de 125 m ², les demandes de permis initiaux et modificatifs n° 2 n'en faisant pas état. Par ailleurs, les plans de masse de l'opération projetée ne représentent pas la totalité de la parcelle et notamment pas la construction existante conservée dans sa totalité. Alors notamment que les requérants font valoir que l'accès et le stationnement dédiés à la construction existante seront affectés par le projet, une telle insuffisance est de nature à avoir faussé l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; (...) ".

18. Il ressort du dossier de permis de construire modificatif n° 2 que deux plans de coupe représentent la construction projetée ainsi que la hauteur du terrain naturel à l'état initial et futur. Alors que la construction projetée est située en dehors de l'espace boisé classé, il ne ressort pas des plans de coupes que ceux-ci seraient insuffisants ou erronés.

19. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre (...) / j) Lorsque le projet est tenu de respecter les dispositions mentionnées à l'article R. 111-20 du code de la construction et de l'habitation, un document établi par le maître d'ouvrage attestant la prise en compte de la réglementation thermique (...) ".

20. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire contesté a été délivré au vu d'une attestation du maitre d'ouvrage, Mme F..., attestant du fait que " l'opération de construction (...) prend en compte la réglementation thermique. ". Bien que le formulaire utilisé ait été réservé aux seuls bâtiments dont la surface est inférieure à 50 m², la présence dans le dossier de demande de permis de construire de cette attestation suffit à assurer le respect des dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme. D'autre part, et alors que les modifications apportées au projet par les permis modificatifs n°1 et 2 n'ont pas modifié les matériaux de la construction projetée ni n'ont affecté de manière substantielle les volumes de celle-ci, la circonstance qu'une nouvelle attestation n'ait pas été produite à leur soutien est sans incidence sur la légalité du permis de construire délivré.

21. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 451-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'immeuble est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le dossier joint à la demande comprend en outre la description des moyens mis en œuvre dans la démolition pour éviter toute atteinte au patrimoine protégé. ".

22. Il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée s'implantera à environ 200 mètres de la villa " le petit Caruhuel " qui fait l'objet d'une protection au titre des monuments historiques. Les conditions de démolition du garage existant prévu dans le cadre du projet autorisé, compte tenu notamment de la distance avec le patrimoine protégé, ne sont pas de nature à porter atteinte au patrimoine protégé de la villa " le petit Caruhuel " qui est éloignée du terrain du projet et l'absence de description des moyens mis en œuvre dans la démolition pour éviter toute atteinte au patrimoine protégé n'a pas été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur ce point.

En ce qui concerne l'autorisation de lotir et le respect des dispositions du plan local d'urbanisme (PLU) prescrivant une densité de 22 logements à l'hectare pour les terrains issus de division en propriété ou en jouissance :

23. Les dispositions générales du règlement du PLU applicables en zone UB prévoient que " Sauf cas particulier, les terrains issus de division en propriété ou en jouissance, destinés à être bâtis par des constructions à usage d'habitat individuel, devront comporter une densité de 22 logements à l'hectare, sauf impossibilité technique liée à la configuration du terrain ".

24. Alors comme il a été dit au point 14 qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AB n° 617 ait fait l'objet d'une division de propriété ni que l'opération projetée aurait pour objet ou pour effet de conduire à une telle division, les moyens tirés de ce qu'aucune autorisation de lotir n'a été délivrée préalablement à l'autorisation de construire et de ce que le projet contesté méconnaitrait les dispositions du plan local d'urbanisme précitées ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne les avis requis :

25. Aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur. ". Aux termes de l'article L. 111-11 du même code : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ".

26. D'une part, il est constant qu'à la date de l'arrêté du 27 novembre 2017, Saint-Brieuc Armor agglomération, n'était pas compétente en matière d'assainissement, la compétence en la matière ne lui ayant été transférée qu'à compter du 1er janvier 2019. D'autre part, et alors que la commune exerçait à cette date elle-même, en régie, cette compétence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le service compétent en matière d'assainissement n'aurait pas été consulté. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le réseau public d'eaux usées dessert la parcelle d'implantation du projet et que le raccordement de la construction projetée ne nécessite pas de travaux sur le réseau public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions des articles L. 425-6 et R. 431-19 du code forestier ainsi que de l'article 4.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) d'Etables-sur-Mer :

27. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis. " Aux termes de l'article L. 341-1 du code forestier : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d'une servitude d'utilité publique. La destruction accidentelle ou volontaire du boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis aux dispositions du présent titre. ". Aux termes de l'article L. 342-1 de ce code : " Sont exemptés des dispositions de l'article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : 1° B... les bois et forêts de superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'Etat, sauf s'ils font partie d'un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil ; (...) ".

28. Il est constant que la parcelle des pétitionnaires, d'une superficie de 2 664 m², supporte un espace boisé classé. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, que ce boisement serait supérieur au seuil de 0,5 hectare cité au point précédent, qui exempte les opérations de défrichement des dispositions de l'article L. 341-3 du code forestier. Par suite, le moyen doit être écarté.

29. En second lieu, aux termes de l'article 4.1 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les défrichements des terrains boisés non classés dans le présent document sont soumis à autorisation préalable en application des chapitres Ier et UU du titre Ier livre III du code forestier, et quelle qu'en soit leur superficie, dans les bois ayant fait l'objet d'une aide de l'Etat ou propriété d'une collectivité locale ".

30. D'une part, comme il a été dit au point 28, les dispositions de l'article L. 341-3 du code forestier ne trouvent pas à s'appliquer au projet litigieux. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le boisement de la parcelle cadastrée section AB n° 617 ait fait l'objet d'une aide de l'Etat et satisferait ainsi aux conditions prévues par l'article 4.1 cité au point 29. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UB 6.2 du règlement du PLU :

31. Aux termes de l'article UB 6.1 du règlement du PLU : " A défaut d'indications graphiques, la construction s'implantera : - à l'alignement de la voie ou de l'emprise publique. - avec un retrait maximum de 8 mètres depuis l'alignement de la voie ou de l'emprise publique. ". Aux termes de l'article UB 6.2 du même règlement : " Règles alternatives aux dispositions de principe : Pour les parcelles d'angle ou entre deux voies : la règle d'implantation s'effectuera par rapport à une seule limite d'alignement, de préférence celle par laquelle se fait l'accès à la parcelle ; Lorsque le projet de construction jouxte une construction existante significative, de qualité et en bon état, implantée différemment de la règle fixée au 6.1, l'implantation d'une construction nouvelle pourra être imposée en prolongement de l'existante, afin de ne pas rompre l'harmonie de l'ensemble (...) ".

32. Il ressort des pièces du dossier que la construction projetée s'implante sur un terrain situé à l'angle de deux voies, la rue de la Corniche et la rue du Port Es Leu, et dont l'accès s'effectue à l'angle de celles-ci. Le projet en litige est aligné sur le chemin de la Corniche avec un retrait de 0,30 mètre, conformément aux dispositions citées au point 31. Si les requérants font valoir que cette construction aurait dû être alignée sur la construction voisine, significative, de qualité et en bon état, en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière ne serait pas implantée conformément aux dispositions de l'article UB 6.1 précité. Par suite, en n'imposant pas l'implantation de la construction projetée en prolongement de la construction voisine existante, le maire n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent et le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UB 7 du règlement du PLU :

33. Aux termes de l'article UB 7 du règlement du PLU : " Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : 7.1 - Principe : Les constructions peuvent s'implanter sur la limite séparative, ou bien en retrait de celle-ci d'au moins 3 m. B... le cas de vues sur fonds voisins, la distance D, comptée horizontalement à 1,90 mètres de tout point de plancher, balcon ou terrasse accessible permettant les vues directes à la limite séparative qui leur fait face, doit être égale ou supérieure à la différence d'altitude H, mesurée entre le niveau du col au droit de la limite séparative et le niveau du plancher ou surface accessible d'où peut s'exercer la vue, augmentée de 1,90 mètres ".

34. Un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés et affectés à un usage non conforme aux documents et règles générales d'urbanisme n'est pas par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.

35. Il ressort des pièces du dossier de permis de construire que la hauteur au droit du sol de la limite séparative de propriété est de 15,90 mètres et que le niveau de plancher accessible d'où pourra s'exercer la vue sur le fond voisin est de 18,71 mètres. B... ces conditions, en application des dispositions de l'article UB 7 du PLU précité, la différence entre le niveau du sol en limite séparative et la surface de plancher d'où peut s'exercer la vue, augmentée de 1, 90 mètres, est de 4, 71 mètres. Par ailleurs, et alors que dans le dernier état du permis de construire contesté, la terrasse située à l'étage n'est désormais plus accessible, la distance avec la limite séparative de propriété doit être décomptée à partir de la fenêtre d'où s'exercera la vue sur le fond voisin, soit une distance de 6,45 mètres. A cet égard, la circonstance que l'exécution irrégulière du permis de construire puisse conduire à rendre accessible la terrasse située à l'étage, dont l'arrêté du 22 juin 2023 prescrit le caractère inaccessible, est sans incidence sur la légalité du permis de construire délivré. B... ces conditions, le permis de construire contesté satisfait aux dispositions citées au point 33 et le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UB 11 du règlement du PLU :

36. Aux termes de l'article UB 11 du règlement du PLU : " Aspect extérieur des constructions et aménagements de leurs abords. En règle générale, les niveaux d'implantation des constructions devront être supérieurs au niveau des voies. Tout mouvement de terre tendant à créer des buttes artificielles autour des constructions est interdit. (...) ".

37. Il ressort des pièces du dossier que le terrain projeté est situé à un niveau inférieur, compris entre -1,06 et -1,92 mètre, du chemin de la Corniche qu'il longe. B... ces conditions, compte tenu des caractéristiques du terrain en cause, qui est situé à l'état initial à une hauteur inférieure à la voie qu'il longe, la construction projetée ne méconnait pas les dispositions précitées qui n'imposent pas, en toutes circonstances, que le niveau d'implantation des constructions soit supérieur au niveau des voies. Le moyen doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UB 2 du règlement du PLU :

38. Aux termes de l'article UB 2 du règlement du PLU : " Occupations et utilisations du sol soumises à conditions particulières. De manière générale, les zones UB admettent ce qui n'est pas expressément interdit à l'article précédent. Cependant, les occupations et utilisations du sol suivantes sont soumises à conditions : (...) les exhaussements et affouillements du sol indispensables à l'implantation des opérations de constructions autorisées dans la zone (...) ".

39. Si les requérants soutiennent que le projet nécessite des affouillements importants prohibés par les dispositions précitées, d'une part, ces dernières ne prohibent pas la réalisation des sous-sols et d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que des affouillements du sol non indispensables à l'implantation de l'opération de construction seraient autorisés. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 38 doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UB 12 du règlement du PLU :

40. Aux termes de l'article UB 12 du règlement du PLU : " Réalisation des aires de stationnement. Il sera exigé : - construction à usage d'habitat individuel : au moins une place de stationnement par tranche de 60 m² de surface de plancher, avec au moins 2 places par logement (...) ". Aux termes des dispositions générales du règlement du PLU " Stationnement : pour la transformation d'une aire de stationnement en un nombre de places, il sera considéré d'une place de stationnement et les surfaces de circulation afférentes représentent 25 mètres carrés. ". Eu égard au vice retenu au point 16 du présent arrêt, la cour n'est pas en mesure de se prononcer utilement sur ce moyen pour l'application de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UB 13 du règlement du PLU :

41. Aux termes de l'article UB 13 du règlement du PLU : " Réalisation d'espaces libres, aires de jeux et de loisirs et de plantations. L'implantation des constructions et installations, autorisées par le présent règlement, devra tenir compte et s'adapter aux plantations d'essences bocagères, arbres et talus existants, massifs boisés ou haies de qualité ou bien permettra leur remplacement dans des conditions existantes (...) ".

42. Il ressort des pièces du dossier de permis de construire, que les pétitionnaires se sont engagés à replanter, dans un délai de 6 mois maximum à compter de l'achèvement des travaux, le même nombre de sapins enlevés, selon les exigences climatiques, de la même essence que ceux existants à savoir " pin de Corse ". A cet égard, si l'emplacement exact de ces plantations n'a pas été précisé au sein de la demande de permis de construire, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de la superficie totale de la parcelle et de ses caractéristiques, la plantation de ces trois arbres pourra être réalisée. B... ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UB 15 du règlement du PLU :

43. Aux termes de l'article UB 15 du règlement du PLU : " Obligations imposées aux constructions, travaux, installations et aménagements, en matière de performances énergétiques et environnementales. Les constructions, travaux, installations et aménagements devront limiter l'imperméabilisation du sol ou la compenser de manière optimale (...) ".

44. Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de prohiber de manière générale la réalisation de sous-sols et de terrasses. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction projetée, qui va s'implanter sur une vaste parcelle boisée d'une superficie de 2 664 m², à la place d'un garage qui sera démoli, incluant un sous-sol et une terrasse et d'une emprise au sol de 125 m², ne limiterait pas l'imperméabilisation du sol. Le moyen doit par suite être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme :

45. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. " et aux termes de l'article L. 113-2 du même code : " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. (...) ".

46. Si les requérants soutiennent que la réalisation des places de stationnement va nécessiter un affouillement important de nature à compromettre l'espace boisé au sein duquel ces places s'insèrent, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'affouillement réalisé, d'une hauteur de 0,71 mètre, sera limité à la place de stationnement la plus proche de la construction projetée. Par ailleurs, il est constant que cette place de stationnement est située à une distance d'environ 6 mètres de l'arbre le plus proche. B... ces conditions, les places de stationnements autorisées ne sont pas de nature à compromettre l'espace boisé classé et le moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité par la voie de l'exception du PLU :

47. D'une part, aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur. ". Aux termes de l'article L. 600-12-1 du même code : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. (...) "

48. Il résulte de l'article L. 600-12-1 que l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraine pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger. Lorsque le document local d'urbanisme sous l'empire duquel a été délivrée l'autorisation contestée est annulé ou déclaré illégal pour un ou plusieurs motifs non étrangers aux règles applicables au projet en cause, la détermination du document d'urbanisme au regard duquel doit être appréciée la légalité de cette autorisation obéit, eu égard aux effets de la règle posée à l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, aux règles suivantes : - dans le cas où ce ou ces motifs affectent la légalité de la totalité du document d'urbanisme, la légalité de l'autorisation contestée doit être appréciée au regard de l'ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur ; - lorsque ce ou ces motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document local d'urbanisme, ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur ; - si ce ou ces motifs n'affectent que certaines règles divisibles du document d'urbanisme, la légalité de l'autorisation contestée n'est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document. S'agissant en particulier d'un plan local d'urbanisme, une disposition du règlement ou une partie du document graphique qui lui est associé ne peut être regardée comme étant divisible que si le reste du plan forme avec les éléments du document d'urbanisme immédiatement antérieur le cas échéant remis en vigueur, un ensemble complet et cohérent. En outre, lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.

49. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme classe en espaces boisés, au titre de l'article L. 113-1, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. "

50. Les requérants soutiennent que le plan local d'urbanisme est illégal en ce qu'il ne classe pas la partie de parcelle supportant l'opération autorisée, ou à tout le moins des arbres qui y sont implantés, en espace boisé. Par ailleurs, ils font valoir que le classement de la parcelle en zone N par le PLU antérieur fait obstacle à la réalisation du projet.

51. D'une part, le territoire de la commune de Binic-Etables-sur-Mer est couvert par le schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Brieuc approuvé le 27 février 2015, lequel ne comporte pas de prescriptions relatives à l'application de l'article L. 121-27 précité et à l'identification des espaces boisés classés les plus significatifs. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les auteurs du PLU ont entendu classer en tant qu'espace boisé la parcelle cadastrée section AB n° 617 à l'exception des espaces supportant une construction. Les auteurs du PLU ont ainsi exclu de l'espace boisé classé la partie de la parcelle cadastrée section AB n° 617 sur laquelle s'implantera l'opération projetée. Toutefois, alors qu'il est constant que la commune a classé en espace boisé plus de 80 hectares de bois présents sur son territoire, il ne ressort pas des pièces du dossier que les trois arbres implantés sur la partie de la parcelle supportant l'opération projetée, en continuité de l'espace boisé classé de faible superficie comme il a été dit au point 28 du présent arrêt, appartiendrait aux ensembles boisés les plus significatifs de la commune. B... ces conditions, en ne classant pas en tant qu'espace boisé la totalité de la parcelle cadastrée section AB n° 617, les auteurs du PLU n'ont pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 49. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par la voie de l'exception du PLU au regard de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme doit être écarté.

Sur la légalité du permis de construire modificatif du 22 juin 2023 :

52. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 18 et 20 du présent arrêt, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de permis de construire modificatif n°2 s'agissant des plans de coupe produits et de l'attestation de prise en compte de la règlementation thermique doit être écarté.

53. En second lieu, aux termes de l'article R. 423-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision est subordonnée à l'accord ou à l'avis de l'architecte des bâtiments de France, le maire lui transmet un dossier dans la semaine qui suit le dépôt. "

54. Il ressort de la consultation du logiciel communal produit par la commune en défense, que l'architecte des bâtiments de France, qui a donné son avis sur la demande de permis initial et modificatif n°1, a été consulté sur la demande de permis modificatif n° 2, le 25 avril 2023. B... ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-11 du code de l'urbanisme, s'agissant du permis de construire modificatif n°2, doit être écarté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

55. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

56. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Enfin lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une nouvelle autorisation dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une nouvelle autorisation si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce.

57. Le vice mentionné au point 16 tiré des insuffisances de la demande de permis de construire qui ne mentionne pas la présence d'une construction existante et maintenue et des plans de masse de l'opération projetée qui ne représentent pas la totalité de la parcelle et notamment pas la construction existante conservée dans sa totalité est susceptible, eu égard à ce qui précède, de faire l'objet d'une mesure de régularisation. B... ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer aux consorts F... et à la commune de Binic-Etables-sur-Mer un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de produire la mesure de régularisation nécessaire.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti aux consorts F... et à la commune de Binic-Etables-sur-Mer, pour notifier à la cour un permis de construire régularisant le vice tiré des insuffisances de la demande de permis de construire s'agissant de la présence d'une construction existante et maintenue et des plans de masse de l'opération projetée qui ne représentent pas la totalité de la parcelle et notamment pas la construction existante conservée dans sa totalité .

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H..., à Mme I... H..., à Mme G... F..., à M. C... F... et à la commune de Binic-Etables-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00903


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00903
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SCP GUILLOTIN POILVET AUFFRET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;22nt00903 ?
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