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02/07/2024 | FRANCE | N°21NT02189

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 02 juillet 2024, 21NT02189


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... E..., Mme H... E... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 du maire de Dinard (Ille-et-Vilaine) accordant un permis de construire à Mme B... C... pour la restructuration de trois garages et la création de deux logements locatifs en surélévation sur un terrain situé 89 rue du Maréchal Leclerc, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux, et l'arrêté du 9 décembre 2019 de la même autorité délivr

ant à Mme C... un permis de construire modificatif.



Par un jugement n° 1805700 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E..., Mme H... E... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 du maire de Dinard (Ille-et-Vilaine) accordant un permis de construire à Mme B... C... pour la restructuration de trois garages et la création de deux logements locatifs en surélévation sur un terrain situé 89 rue du Maréchal Leclerc, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux, et l'arrêté du 9 décembre 2019 de la même autorité délivrant à Mme C... un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1805700 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 30 juillet, 5 août et 24 novembre 2021, M. et Mme A... et H... E..., représentés par Me Poilvet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler les arrêtés des 11 juin 2018 et 9 décembre 2019 du maire de Dinard accordant un permis de construire à Mme B... C... pour une construction située 89 rue du Maréchal Leclerc ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Dinard et J... C... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur intérêt à agir est établi eu égard à leur qualité de voisins immédiats du projet et compte tenu des caractéristiques de celui-ci ; les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont été respectées ;

- en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, le dossier de demande de permis ne comporte pas de document permettant de situer le projet dans son environnement lointain, alors que l'insertion paysagère proposée est insuffisante ;

- en méconnaissance de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme l'autorisation de démolir l'existant n'a pas été sollicitée et l'autorisation accordée n'autorise pas cette démolition ;

- les règles de hauteur sont méconnues ; l'autorisation modificative ou de régularisation accordée le 9 décembre 2019 nécessitait une nouvelle demande spécifique de la pétitionnaire dès lors que le dossier de demande de permis de construire ne permettait pas d'apprécier son respect ; le maire ne pouvait, de sa seule initiative, accorder ce permis modificatif ; il n'est pas établi que les dispositions de l'article U 3 2 du plan local d'urbanisme ont été respectées ;

- l'autorisation méconnait les dispositions de l'article U 3 1 du plan local d'urbanisme en ce que le débord du toit du projet empiète sur la voie publique ;

- l'autorisation accordée porte atteinte à l'intérêt des lieux qui sont protégés et méconnait le cahier des prescriptions architecturales de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager applicable ;

- la décision est intervenue en méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, eu égard à l'intérêt des lieux avoisinants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2021, la commune de Dinard, représentée par Me Le Derf-Daniel, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. et Mme E... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 14 septembre et 17 décembre 2021, Mme B... C..., représentée par Me Groleau, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. et Mme E... ;

2°) par la voie de l'appel incident et provoqué, de mettre à la charge solidaire de M. et Mme E... et J... Mme D... C... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance ;

3°) de mettre à charge de M. et Mme E... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'intérêt agir de M. et Mme E... et de notification au titre de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme de leur recours gracieux ;

- les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés ;

- la somme de 500 euros mise à la charge des demandeurs de première instance au titre des frais d'instance est insuffisante alors qu'au regard des frais qu'elle a exposés, ils doivent lui verser 2 500 euros.

Par un courrier du 11 décembre 2023 les parties ont été informées qu'en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme la cour était susceptible de surseoir à statuer afin de permettre la régularisation du vice tiré de la méconnaissance des règles de hauteur du projet, dès lors que le permis de construire modificatif du 9 décembre 2019, intervenu à la seule initiative du maire de Dinard, ne permet pas de ce fait une telle régularisation.

Par des mémoires, enregistrés les 14 décembre 2023, 15 février 2024 et 29 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. et Mme E... demandent également à la cour d'annuler l'arrêté du 6 février 2024 du maire de Dinard accordant à Mme C... un permis de construire modificatif et de mettre à la charge de la commune de Dinard et J... C... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils ajoutent que :

- l'arrêté du 6 février 2024 est entaché d'un vice d'incompétence ;

- le dossier soumis à l'architecte des bâtiments de France était insuffisant, le mettant dans l'impossibilité de se prononcer sur les incidences du projet sur son environnement ;

- le projet méconnait les dispositions des articles 3.4 et 2.2 du règlement du site patrimonial remarquable compris dans l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine approuvée le 17 octobre 2023, au regard de l'aspect extérieur du projet et de la préservation de l'espace urbain ;

- les dispositions de l'article U 3 du règlement du plan local d'urbanisme sont méconnues dès lors qu'aucune pièce nouvelle n'a été produite afin de s'assurer du respect des règles de hauteur maximale et de gabarit.

Par des mémoires, enregistrés les 21 décembre 2023 et 28 février 2024 Mme B... C..., représentée par Me Groleau, conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures :

Elle ajoute que les moyens présentés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 4 janvier et 8 mars 2024, la commune de Dinard, représentée par Me Le Derf-Daniel, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Elle ajoute que les moyens présentés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Poilvet, représentant M. et Mme E... et I..., substituant Me Le Derf-Daniel, représentant la commune de Dinard.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 juin 2018, le maire de Dinard (Ille-et-Vilaine) a délivré à Mme B... C..., et non à M. C... ainsi que mentionné par erreur dans cet arrêté, un permis de construire pour la restructuration de trois garages et la création de deux logements locatifs en surélévation, sur la parcelle cadastrée J n° 402 située 89 rue du Maréchal Leclerc. Le recours gracieux du 26 juillet 2018 formé contre cet arrêté par M. et Mme E... et Mme D... C..., voisins du projet, a été rejeté par une décision implicite du maire de Dinard. Ce dernier a ensuite délivré, de sa seule initiative, à Mme B... C..., un permis de construire modificatif par un arrêté du 9 décembre 2019, lequel a également été contesté par les consorts E.... Par un jugement du 4 juin 2021, dont M. et Mme E... relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de ces arrêtés des 11 juin 2018 et 9 décembre 2019 et de la décision rejetant leur recours gracieux. Par des conclusions d'appel incident et provoqué, Mme B... C... demande que la somme mise à la charge de M. et Mme E... et J... Mme D... C..., à son bénéfice, au titre des frais d'instance décidés par les premiers juges soit portée de 500 à 2 500 euros.

2. Par un arrêté du 6 février 2024 le maire de Dinard a accordé à Mme C..., à sa demande, un permis de construire modificatif ne modifiant pas le projet autorisé mais prenant acte d'une évolution des règles locales d'urbanisme régissant la hauteur des constructions. M. et Mme E... demandent également l'annulation de cette autorisation modificative intervenue au cours de la présente instance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la composition du dossier de demande de permis de construire :

3. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ;/ d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

4. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire initial déposé par Mme C... qu'y figurait un document graphique représentant le projet de construction depuis la rue ainsi que cinq photographies du terrain d'assiette du projet, dont certaines représentant les maisons situées aux abords immédiats du projet. Par ailleurs, l'extrait de plan cadastral présenté à l'appui de la même demande représente les constructions existantes situées à proximité de ce projet. Ainsi ces documents ont permis au maire de Dinard de se prononcer sur la conformité du projet à la réglementation applicable sans que son appréciation soit faussée. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet et imprécis du dossier de demande de permis de construire au regard des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne l'autorisation de démolir :

5. Aux termes de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction (...), la demande de permis de construire (...) peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction (...). Dans ce cas, le permis de construire (...) autorise la démolition. " et aux termes de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme : " Doivent en outre être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction : / a) Située dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable classé en application de l'article L. 631-1 du code du patrimoine ; (...). ". Et aux termes de l'article R. 431-21 du même code : " Lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : / a) Soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ;/ b) Soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. ".

6. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que lorsqu'un permis de construire autorise un projet qui implique la démolition totale ou partielle d'un bâtiment soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire doit, soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir, soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction. D'autre part, si le permis de construire et le permis de démolir peuvent être accordés par une même décision, au terme d'une instruction commune, ils constituent des actes distincts ayant des effets propres. Eu égard à l'objet et à la portée du permis de démolir, la décision statuant sur la demande de permis de construire ne peut valoir autorisation de démolir que si le dossier de demande mentionne explicitement que le pétitionnaire entend solliciter cette autorisation. Est par elle-même sans incidence la circonstance que les plans joints à la demande de permis de construire montrent que la réalisation de la construction implique la démolition de bâtiments existants.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet de construction en litige est compris dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable de Dinard. En conséquence, par application des dispositions précitées, un permis de démolir les garages existants sur la parcelle d'assiette du projet s'imposait. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire déposé par Mme B... C... mentionne, en son point 6, qu'une démolition partielle des bâtiments des années 70 présents sur la parcelle est prévue dès lors qu'au titre des travaux effectués sur les constructions restantes " le mur de pierre de pignon nord sera conservé en RDC du projet ". Mme C... devait dès lors être regardée, alors même qu'elle n'a pas mentionné au titre du tableau des surfaces celles correspondant aux surfaces des constructions démolies, comme ayant formulé une demande de permis de démolir les garages existants dans la mesure précisée dans le formulaire renseigné. En conséquence, la décision du maire de Dinard délivrant à Mme C... le permis de construire initial contesté valait autorisation de démolir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-8 du code de l'urbanisme, faute d'octroi d'un permis de démolir les garages existants sur la parcelle supportant le projet de construction, doit être écarté.

En ce qui concerne le respect des règles de hauteur :

8. Aux termes de l'article U3 du règlement du plan local d'urbanisme modifié de Dinard approuvé le 17 décembre 2018 relatif aux " 2. Hauteurs des constructions " : " Dispositions générales / (...) Les hauteurs des constructions sont mesurées du terrain naturel (...) à l'égout du toit ou à l'acrotère. Au-delà, les constructions, y compris les toitures, devront s'inscrire dans un volume de 45° à partir de la hauteur maximale de façade sur rue sans pouvoir dépasser 16 mètres. (...) / Dans les secteurs d'espace patrimonial proche du rivage (EPPR) : / Dans les secteurs identifiés au plan des hauteurs comme espace patrimonial proche du rivage (EPPR), la hauteur maximale de façade des constructions ne pourra dépasser les hauteurs maximales de façade des constructions existantes situées à moins de 50 mètres des limites parcellaires du projet. / (...) En cas de terrain situé à l'angle de deux voies, le calcul de la hauteur maximale pourra s'effectuer au choix sur l'une ou l'autre des rues bordant le terrain. / (...) Dans tous les cas la hauteur maximale de façade ne pourra être supérieure à 16 mètres. (...) ".

9. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'autorisation initiale.

10. Il ressort des pièces du dossier qu'afin de prendre en compte la modification des règles de hauteur applicables au projet et plus largement sur le territoire communal en conséquence de l'approbation d'un plan local d'urbanisme le 17 décembre 2018, soit après l'intervention de l'arrêté contesté du 11 juin 2018 du maire de Dinard accordant à Mme C... le permis de construire initial, la même autorité a délivré à cette dernière le 9 décembre 2019 un premier permis de construire modificatif, suivi le 6 février 2024 d'un nouveau permis modificatif délivré pour le même motif. Les deux autorisations des 9 décembre 2019 et 6 février 2024 ont pour point commun de ne pas modifier les caractéristiques du projet autorisé le 11 juin 2018.

11. En premier lieu, le second permis de construire modificatif du 6 février 2024 pouvait, pour les motifs exposés au point 9, procéder à une régularisation du permis de construire initial du fait de l'intervention de nouvelles règles régissant les hauteurs de construction alors même que le projet n'était pas modifié.

12. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet contesté porte sur la réalisation d'une construction en R + 1 + combles aménagées, d'une hauteur de 6,90 mètres à l'égout du toit et de 10,65 mètres au faitage. Il résulte des dispositions citées au point 8 que lorsque, comme en l'espèce, une construction est située dans un espace patrimonial proche du rivage prévu par le plan local d'urbanisme, la hauteur maximale de façade des constructions ne pourra dépasser celles des constructions existantes, non pas contiguës, mais situées à moins de 50 mètres des limites parcellaires du projet, et que dans l'hypothèse, qui est celle du projet contesté, où le terrain d'assiette est situé à l'angle de deux voies, cette appréciation s'effectuera par référence à l'une ou l'autre des voies. Or, d'une part, le maire de Dinard disposait des pièces nécessaires à l'appréciation de ces règles, tout comme de celle régissant le volume des constructions au-delà de l'acrotère, au regard des plans de situation du projet figurant au dossier de demande de permis de construire, des plans côtés de la construction projetée et des photographies des alentours, dont celle représentant une maison voisine édifiée en R+2+combles, étant rappelé qu'il ne pouvait solliciter de la pétitionnaire des pièces qui ne sont pas prévues par la réglementation régissant la composition des dossiers de demande de permis de construire. Ainsi l'autorisation accordée à Mme C... par le maire de Dinard le 11 juin 2018, modifiée en dernier lieu le 6 février 2024, respecte ces règles de hauteur par référence à la rue du Maréchal Leclerc. Par ailleurs, alors que M. et Mme E... soutiennent que la toiture de la construction autorisée ne respecte pas la règle de volume de 45° à partir de la hauteur maximale de façade prévue par les dispositions citées au point 8, il résulte explicitement de la notice architecturale présente au dossier de demande de permis de construire initial que la toiture à double pente prévue sera de 45°, sachant que pour le calcul de cette règle, il n'y a pas lieu de se référer à l'emprise totale au sol de la nouvelle construction dès lors que celle-ci comprend un volume, d'une faible hauteur, qui ne sera pas surmonté par cette toiture à 45°. De plus, les plans présents au dossier attestent du respect de cette règle de hauteur et de gabarit. Par suite, dans toutes ses branches, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article U 3 du plan local d'urbanisme de la commune de Dinard en matière de hauteur doit être écarté.

En ce qui concerne les règles d'implantation des constructions :

13. Aux termes de l'article U 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Dinard approuvé le 17 décembre 2018 relatif à l'" 1. Implantation des constructions ", " (...) Sans préjudice des dispositions civiles éventuellement applicables (...) les règles d'implantation par rapport aux limites séparatives s'appliquent aux (...) débords de toiture et balcons (...). / Dans les tissus urbains centraux / les constructions devront s'implanter à l'alignement des voies et emprises publiques (...). ".

14. Ces règles relatives à l'implantation de la construction n'étaient pas applicables à la date du permis de construire initial délivré le 11 juin 2018. Par ailleurs, ainsi qu'il a été exposé, le permis de construire du 6 février 2024 a pour seul objet de faire application des dispositions nouvelles du plan local d'urbanisme opposables en matière de hauteur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du plan local d'urbanisme approuvé le 17 décembre 2018 opposables en matière d'implantation des constructions est inopérant à l'encontre de l'autorisation initiale accordée le 11 juin précédent.

En ce qui concerne l'insertion du projet autorisé :

15. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Par ailleurs aux termes du cahier des prescriptions architecturales de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) rendu opposable à la commune de Dinard par un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 13 juillet 2000, s'agissant de la rue du Maréchal Leclerc, et opposable à la date de l'arrêté du 11 juin 2018 : " Les constructions sont en majorité des immeubles R+ 3 et R+ 4 avec quelques villas dans la partie la plus proche de l'anse de la Morgane. (...) / D'une manière générale, les immeubles édifiés entre les n°s 46 et 66 côté pair et entre les n° 63 et 91 côté impair ne devront pas dépasser 3 étages droit sur rez-de-chaussée ou 12 mètres à l'égout du toit. ".

16. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain au sens de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Il est exclu de procéder, dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.

17. Il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée au n° 89 de la rue du Maréchal Leclerc se situe au sein du " secteur central 1 " de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) de la commune de Dinard applicable à la date du permis de construire délivré en 2018. Si quatre des villas existantes en vis-à-vis du projet contesté, dont celle des époux E..., sont recensées par ce document comme " à conserver avec leurs jardins et clôtures ", aucune protection ne s'attache aux constructions à démolir situées sur la parcelle d'assiette du projet. La même rue comporte par ailleurs, à la date de la décision contestée, à environ 45 mètres du projet litigieux, un immeuble d'habitat collectif de facture contemporaine en R + 2 + combles, construit sans retrait par rapport à la rue tout comme la maison qu'il voisine immédiatement. Le projet contesté atteste par ailleurs d'un souci d'intégration paysagère au regard des constructions les plus proches, notamment par l'utilisation de briques autour des fenêtres donnant sur la rue du Maréchal Leclerc, la réalisation de lucarnes en chiens-assis en toiture, et l'association de briques et d'un enduit neutre en façade nonobstant la présence d'huisseries de couleur verte. Il ne ressort pas des pièces produites, y compris au regard des croquis d'insertion paysagère présentés par M. et Mme E... en appel, que par son volume en R + 1 + combles aménagés, d'une hauteur limitée à 6,90 mètres à l'égout du toit et à 10,65 mètres à son faitage, le projet autorisé serait de nature à " écraser " au sens du rapport de présentation de la ZPPAUP, les constructions anciennes les plus proches, dont celle des appelants aux proportions similaires, et celle située en limite parcellaire implantée avec un important retrait par rapport à la voie et au projet. L'architecte des bâtiments de France s'est pour sa part prononcé favorablement sur le projet J... C..., sous réserve du respect d'une unique prescription, reprise par le permis, imposant que " les enduits seront lissés ou talochés fin ". Il s'ensuit que les consorts E... ne sont pas fondés à soutenir que la décision contestée du 11 juin 2018 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, ni qu'elle méconnaitrait les dispositions applicables à la rue du Maréchal Leclerc par le cahier des prescriptions architecturales de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager opposable.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du permis de construire modificatif du 9 décembre 2019 :

18. Il ressort des pièces du dossier que le premier permis de construire modificatif accordé à Mme C... le 9 décembre 2019 est intervenu à la seule initiative du maire de Dinard alors même que Mme C... n'avait pas sollicité la délivrance d'une nouvelle autorisation en ce sens. Or, à cette date, le maire de Dinard n'était plus saisi de la demande de la pétitionnaire sur laquelle il s'était prononcé le 11 juin 2018. Si le maire de Dinard était alors incompétent pour délivrer cette autorisation, ce vice a été régularisé par l'intervention de l'arrêté du 6 février 2024 de la même autorité, laquelle a délivré à Mme C..., à sa demande, un nouveau permis de construire modificatif. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 9 décembre 2019 doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire modificatif du 6 février 2024 :

19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal. (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 6 février 2024 accordant à Mme C... un permis de construire modificatif est signé par M. G... " pour le maire et par délégation, le conseiller municipal délégué ". Il ressort de ces mêmes pièces que par un arrêté du 19 septembre 2023, affiché en mairie le 21 septembre 2023 et adressé au préfet d'Ille-et-Vilaine le même jour, le maire de Dinard a accordé une délégation autorisant M. G... à signer les permis de construire en cas d'absence ou d'empêchement de M. F..., adjoint au maire. Par suite, alors qu'aucune pièce du dossier n'établit que ce dernier n'aurait été ni absent, ni empêché à la date de l'arrêté contesté, le moyen tiré de ce que M. G... n'était pas compétent pour signer l'arrêté du 6 février 2024 manque en fait et doit être écarté.

21. En deuxième lieu, la demande de permis de construire modificatif présentée par Mme C... comprenait une notice architecturale complémentaire à celle présentée à l'appui de sa demande de permis de construire initiale, dont il a été exposé au point 4 qu'elle était complète. Cette notice exposait que son projet restait inchangé et qu'il s'agissait uniquement de prendre en compte une modification des règles d'urbanisme opposables en matière de hauteur sur le territoire communal après la délivrance du permis de construire initial du 11 juin 2018. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme en raison de l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire doit être écarté.

22. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord ou, pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. ".

23. Il est constant que l'autorisation contestée accordée le 6 février 2024 par le maire de Dinard porte sur une construction comprise dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable de cette commune. Il ressort des pièces du dossier qu'alors même que l'architecte des bâtiments de France avait émis le 24 avril 2018 un avis favorable sur le projet J... C... autorisé en 2018, et que sa demande de permis de construire modificatif déposée le 15 décembre 2023 n'apportait aucune modification à ce projet, ledit architecte saisi par la commune de Dinard a émis un nouvel avis favorable le 26 décembre 2023 sous réserve d'une prescription concernant les enduits de la construction. Il ne résulte d'aucune pièce du dossier que cet architecte ne se serait pas prononcé au vu de la réglementation alors applicable, alors surtout qu'il s'est explicitement référé au site patrimonial remarquable opposable auquel il renvoie en annexe. Dans ces conditions, et alors qu'ainsi qu'il est exposé au point 4, il n'est pas établi que le dossier présenté par Mme C... aurait été incomplet et alors que le projet était inchangé, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté.

24. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été exposé, le permis de construire modificatif accordé à Mme C... le 6 février 2024 a pour seul objet de prendre acte de l'intervention du plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 17 décembre 2018 alors que les caractéristiques de son projet autorisé le 11 juin 2018 restent inchangées. En conséquence, M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions du règlement du site patrimonial remarquable applicables à l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine approuvée le 17 octobre 2023 en ce qu'elle régit notamment en son article 3.4 l'aspect extérieur des constructions neuves ou certains espaces urbains à préserver en son article 2.3. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par l'arrêté du 6 février 2024 du maire de Dinard accordant un permis de construire modificatif doit être écarté.

25. En cinquième lieu, pour les motifs exposés aux points 8 à 12, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article U3 du plan local d'urbanisme régissant les règles de hauteur des constructions doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par Mme C..., que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation des arrêtés des 11 juin 2018 et 9 décembre 2019 du maire de Dinard. Ils ne sont pas davantage fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 6 février 2024 du maire de Dinard.

Sur les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par Mme B... C... :

27. Mme C... demande la réformation du jugement attaqué, en tant qu'il a limité à 500 euros la somme mise à la charge solidaire de M. et Mme E... et J... Mme D... C..., à son profit, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. De telles conclusions constituent un appel incident en ce qu'elles concernent M. et Mme E..., auteurs de l'appel principal, et un appel provoqué, en tant qu'elles concernent Mme D... C..., qui n'a pas fait appel.

28. D'une part, il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de majorer la somme mise à la charge solidaire de M. et Mme E... par le jugement attaqué sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

29. D'autre part, les conclusions d'appel provoqué présentées par Mme B... C... à l'encontre J... D... C... n'auraient été recevables qu'au cas où la décision prise sur l'appel principal aurait eu pour effet d'aggraver les obligations mises par le jugement attaqué à la charge J... B... C.... En l'absence d'une telle aggravation, ces conclusions d'appel provoqué ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

30. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ".

31. Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre.

32. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par Mme B... C... ainsi que ses conclusions présentées au titre des frais d'instance sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentée au titre des frais d'instance par la commune de Dinard sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et H... E..., à la commune de Dinard, à Mme B... C... et à Mme D... C....

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02189
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : GROLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;21nt02189 ?
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