Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 7 décembre 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de leur demande d'asile.
Par un jugement n° 2319028 et 2319029 du 8 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2024, et un mémoire, enregistré le 4 juin 2024, M. C... et Mme D..., représentés par Me Pasteur, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler les deux arrêtés du 7 décembre 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert en Croatie ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de prendre en charge leur demande d'asile et de leur remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative dans un délai de
48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en tout état de cause de leur remettre l'attestation prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés ; ils sont entachés d'un défaut d'examen de leur situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE)
n° 604/2013 du 26 juin 2013 et L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lainé ;
- et les observations de Me Pasteur représentant Mme A... D... et M. B... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant mongol né le 24 août 1976 à Oulan-Bator (Mongolie), et Mme D..., ressortissante mongole née le 9 juillet 1975 à Oulan-Bator, déclarent être entrés en France le 9 octobre 2023. Ils ont déposé auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique leurs demandes d'asile qui ont été enregistrées le 30 octobre 2023. Les recherches conduites par la préfecture dans le fichier Eurodac ont fait apparaître que
M. C... et Mme D... ont sollicité l'asile auprès des autorités croates et autrichiennes préalablement au dépôt de leurs demandes d'asile en France. Les autorités croates, saisies le 6 novembre 2023 en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont donné leur accord explicite à la prise en charge des requérants le 5 décembre 2023.
M. C... et Mme D... relèvent appel du jugement du 8 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 7 décembre 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de leurs demandes d'asile.
2. En premier lieu, les deux arrêtés du 7 décembre 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert en Croatie de M. C... et de Mme D... comportent les éléments de droit et de fait qui le fondent, notamment au sujet de leur état de santé et de leur situation familiale et, par suite, de leur vulnérabilité éventuelle. Il ne ressort pas de la motivation de ces arrêtés, ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation des intéressés. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des arrêtés contestés et du défaut d'examen de la situation des requérants doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les requérants reprennent en appel sans apporter de nouveaux éléments, doivent être écartés par adoption des motifs retenus aux points 6 à 9 du jugement attaqué.
4. En dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
6. Les requérants font tout d'abord état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Croatie. Toutefois, les documents qu'ils produisent à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que leurs propres demandes d'asile seraient exposées à un risque sérieux de ne pas être traitées par les autorités croates dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Croatie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La production de rapports d'organisations internationales et d'articles de presse qui font état de considérations d'ordre général sur la Croatie ne permet pas de justifier que l'ampleur de ces pratiques les ferait relever de défaillances systémiques. Dans ces conditions, les éléments au dossier ne permettent pas de caractériser des raisons sérieuses de croire qu'il existe en Croatie des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile, qui imposeraient au préfet de s'assurer auprès des autorités croates des conditions de traitement des demandes d'asile des intéressés, ni qu'ils y seraient exposés au risque de subir des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
7. Par ailleurs, si les requérants invoquent leur situation de vulnérabilité compte-tenu de leur parcours migratoire, ils ne démontrent pas que leurs conditions de vie en Croatie les auraient placés dans une situation de vulnérabilité telle que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 en refusant d'instruire leurs demandes d'asile en France. M. C... ne justifie pas davantage qu'il se trouverait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France en soutenant qu'il souffre d'une hépatite B et D et en produisant des convocations à des rendez-vous médicaux au centre hospitalier universitaire de Nantes ainsi qu'une ordonnance de prise de sang et le résultat d'une échographie abdominale effectuée le 19 mars 2024 qui ne permettent pas d'établir la gravité de son état de santé et encore moins qu'il ne pourrait pas être pris en charge, si nécessaire, en Croatie. Il ne ressort pas non plus de l'examen de ces pièces que l'état de santé de M. C... serait incompatible avec son transfert en Croatie.
8. Dans ces conditions, les requérants ne sont fondés à soutenir ni que les décisions de transfert contestées méconnaîtraient les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni que le préfet de Maine-et-Loire, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du même règlement, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décision sur leur situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés du 7 décembre 2023 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités croates, responsables de l'examen de leurs demandes d'asile. Leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme A... D..., à Me Pasteur et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.
Le président de chambre, rapporteur,
L. LAINÉ
L'assesseur le plus ancien
dans le grade le plus élevé,
S. DERLANGE
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24NT01106