Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités belges, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2400346 du 25 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 22 février 2024 sous le n° 24NT00548, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 25 janvier 2024 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. C....
Il soutient que si la Belgique est effectivement confrontée à un afflux de migrants, il n'apparait pas établi qu'il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'asile.
Par un mémoire, enregistré le 4 juin 2024, M. C... représenté par Me Néraudau, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen soulevé par le préfet de Maine-et-Loire n'est pas fondé.
II. Par une requête, enregistrée le 22 février 2024 sous le n° 24NT00555, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 25 janvier 2024.
Il soutient que si la Belgique est effectivement confrontée à un afflux de migrants, il n'apparait pas établi qu'il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'asile.
M. C... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Néraudau pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. G... C..., ressortissant afghan né en 1997, déclare être entré en France le 22 octobre 2023 où il a sollicité l'asile auprès du préfet de la Loire-Atlantique le 16 novembre suivant. Ayant constaté que M. C... avait préalablement sollicité l'asile en Allemagne, le 22 juillet 2020, puis en Belgique les 29 juillet 2020, 1er mars 2021 et 28 avril 2023, le préfet de Maine-et-Loire a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge le 20 novembre 2023. Ces autorités ont refusé la reprise en charge de
M. C... le surlendemain. Le préfet de Maine-et-Loire a alors saisi les autorités belges le
12 décembre 2023 de la même demande. Ces dernières autorités ont accepté cette demande le
18 décembre suivant. Le préfet de Maine-et-Loire a, par un arrêté du 20 décembre 2023, décidé de le transférer aux autorités belges. Par un jugement n° 2400346 du 25 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté préfectoral, et a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, fait appel de ce jugement et, d'autre part, demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.
2. Ces deux recours sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour se prononcer par un même arrêt.
Sur la requête n° 24NT00548 :
En ce qui concerne le moyen accueilli par le tribunal :
3. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
5. M. C... a soulevé, lors de l'audience de première instance à l'issue de laquelle l'instruction a été close, le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois, le requérant n'établit ni l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Belgique à la date de l'arrêté litigieux, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il ne pourrait y faire valoir tout nouvel élément concernant tant sa situation personnelle que celle qui sévit en Afghanistan dans l'hypothèse où sa demande d'asile serait définitivement rejetée. Quant aux conditions matérielles auxquelles peuvent prétendre les demandeurs d'asile en Belgique, les articles de presse faisant état de l'engorgement des structures d'accueil liés à des afflux importants de demandeurs d'asile et le jugement du tribunal de première instance francophone de Bruxelles du 26 juin 2023 ne sauraient être regardés comme suffisants pour établir de telles défaillances systémiques au sens du règlement communautaire précité, alors que le tribunal condamne l'Etat belge à mettre un terme à " la violation systémique du droit de l'Union en matière d'accueil ", ce qui impose aux autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires précisément pour remédier aux difficultés des intéressés dans l'accès à des conditions matérielles d'accueil normales. Si, au vu d'un communiqué de presse du 29 août 2023, la secrétaire d'État à l'asile et la migration belge a décidé de réserver les places d'accueil aux familles avec enfants et de ne plus accueillir temporairement de demandeurs d'asile qui sont des hommes seuls, l'exécution de cette décision a été suspendue par une décision du Conseil d'Etat belge du 13 septembre 2023. Alors même que la presse a relaté les déclarations de la secrétaire d'Etat indiquant qu'elle ne " changerait pas sa politique ", il n'est pas établi que les hommes seuls seraient, de manière systémique, exclus du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile. L'arrêt n° 49255/22 du 18 juillet 2023 Camara contre Belgique de la cour européenne des droits de l'homme, qui constate une violation du seul article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne mentionne qu'une " carence systémique des autorités belges d'exécuter les décisions de justice définitives relatives à l'accueil des demandeurs de protection internationale ", au regard d'un délai de trois mois et demi mis à l'exécution de l'ordonnance d'un juge belge pour que l'intéressé obtienne une offre d'hébergement de l'Agence fédérale pour l'accueil des demandeurs d'asile " Fedasil " , ainsi qu'un" problème systémique concernant la capacité des autorités à se conformer à la propre législation interne de la Belgique sur le droit à l'hébergement des demandeurs d'asile y compris aux décisions de justice définitives en ordonnant le respect ". Ces seuls éléments ne peuvent être regardés comme constituant des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs au sens du règlement communautaire précité, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait contraire au §2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté et c'est à tort que le premier juge a accueilli ce moyen pour annuler l'arrêté contesté.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. C... :
7. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. Nicolas Brochard, secrétaire administratif de classe exceptionnelle, adjoint à la cheffe de pôle régional Dublin de la préfecture de Maine-et-Loire. A la date de cet arrêté, M. E... disposait, en vertu d'un arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 26 septembre 2023, publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans ce département, d'une délégation de signature lui permettant de signer au nom du préfet les décisions portant transfert de ressortissants étrangers vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, en cas d'absence ou d'empêchement de M. A... D..., directeur de l'immigration et des relations avec les usagers, et de Mme B... F..., cheffe du pôle régional Dublin, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils n'auraient pas, à cette même date, été absents ou empêchés. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
8. En deuxième lieu, si les conditions de notification, prévues à l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et à l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours à l'encontre de la décision de transfert, elles sont sans incidence sur sa légalité.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
10. Il ressort des termes de la décision contestée, qui vise notamment les articles 7-2 et 18 du règlement n° 604/2013 et l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. C... est entré irrégulièrement le 22 octobre 2023 en France où il a présenté une demande d'asile auprès du préfet de la Loire-Atlantique le 16 novembre 2023, que la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que l'intéressé avait préalablement sollicité l'asile auprès des autorités allemandes puis belges. Elle précise que les autorités belges ont accepté leur responsabilité par accord du 18 décembre 2023. Elle indique qu'en application du règlement précité, ces autorités doivent être regardées comme responsables de la demande d'asile de M. C.... Elle mentionne également que M. C... a déclaré être célibataire, sans enfant, ne pas avoir de famille en France ni de problèmes de santé, et en tire pour conséquence que l'intéressé ne présente pas de vulnérabilité particulière et que la décision de transfert ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique enfin que M. C... n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités belges. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision contestée doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
12. D'une part, il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
13. D'autre part, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit à l'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.
14. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre, le 16 novembre 2023 le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, soit en temps utile, le guide du demandeur d'asile et les brochures A et B, en langue pachto, conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont il a signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées, dans une langue qu'il a déclaré comprendre. M. C... a signé un document indiquant que les informations contenues dans ces brochures ont été portées oralement à sa connaissance par un interprète en langue pachto. Enfin, il ressort de ce compte-rendu que M. C... a eu le temps de s'exprimer sur sa situation. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 n'a pas été méconnu.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
16. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. C... qu'il a bénéficié le 16 novembre 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. La seule circonstance que l'agent qui a conduit cet entretien est seulement identifié par la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique - L'agent habilité " et ses initiales manuscrites ne permet pas de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions garantissant la confidentialité. Enfin, il ressort du compte-rendu de cet entretien, eu égard aux détails précis qu'il expose, qu'il a permis à M. C... de faire état des informations utiles, quand bien même l'assistance d'un interprète en langue pachto a été faite par voie téléphonique. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
17. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet de Maine-et-Loire ait entaché cet arrêté d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. C... et, particulièrement, de sa vulnérabilité.
18. En septième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) ". Aux termes de l'article 23 du même règlement : " 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013. Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. ".
19. S'il est constant que la première demande d'asile a été déposée par M. C... en Allemagne, les demandes ultérieures ayant été déposées en Belgique, il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes ont refusé, le 22 novembre 2023, la reprise en charge de l'intéressé, au motif que les autorités belges ne sont pas parvenues à le transférer en Allemagne dans le temps qui leur était imparti durant sa procédure Dublin, ce qui n'est pas contesté. Par conséquent, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les autorités belges n'étaient pas responsables de l'examen sa demande d'asile.
20. En huitième et dernier lieu, M. C... soutient qu'en cas de transfert vers la Belgique, il risque d'être éloigné, par ricochet, vers son pays d'origine où il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Outre que cette seule circonstance ne saurait caractériser la méconnaissance par la Belgique de ses obligations, l'intéressé n'établit pas faire l'objet dans ce pays d'une mesure d'éloignement qui ne serait plus susceptible de recours. Les seules circonstances qu'il est demandeur d'asile, qu'il a fui l'Afghanistan jeune et seul et qu'il aurait connu un parcours d'exil éprouvant ne suffisent pas à le placer dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité justifiant que sa demande d'asile soit instruite en France. En outre, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers l'Afghanistan, M. C... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû prendre en compte les risques auxquels il serait exposé dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 20 décembre 2023 pris à l'encontre de M. C..., lui a enjoint de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Néraudau en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 24NT00555 :
22. Dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur les conclusions du recours du préfet de Maine-et-Loire tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 janvier 2024 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête enregistrée sous le n° 24NT00555 tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 janvier 2024.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. G... C....
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24NT00548,24NT00555