La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2024 | FRANCE | N°23NT03858

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 28 juin 2024, 23NT03858


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du

2 septembre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.



Par un jugement n° 2300546 du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

<

br>
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Hourmant, demande à la cour :



1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du

2 septembre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 2300546 du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Hourmant, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 28 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 du préfet du Calvados ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de quinze jours ou de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet du Calvados a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie ;

- il ne peut voyager vers l'Albanie ;

- l'auteur de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse et de la décision fixant le pays de destination est incompétent ;

- le préfet du Calvados a méconnu l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet du Calvados a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché d'une erreur manifeste l'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er février et 7 mars 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais, né le 7 mai 1985, est entré en France le 12 mai 2014. Il a obtenu une carte de séjour temporaire pour motifs médicaux, valable du 24 novembre 2020 au 23 novembre 2021. Le 18 septembre 2021, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 septembre 2022, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 28 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux, que M. B... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

3. En deuxième lieu aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qu'il mentionne, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. Le préfet du Calvados s'est prononcé au vu d'un avis du 14 décembre 2021 aux termes duquel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut voyager sans risque vers son pays d'origine. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier que

M. B... a été diagnostiqué d'un cholestéatome qui a nécessité deux interventions chirurgicales en 2018, puis en 2019 sur récidive, il n'est pas établi que cette affection n'aurait pas été définitivement traitée. Même s'il ressort d'un certificat médical du 30 septembre 2022 que M. B... souffre d'une pathologie de type otite chronique, ces éléments ne permettent pas d'infirmer l'avis du 14 décembre 2021 et l'appréciation du préfet selon lesquels l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'autre part, il est constant que M. B... souffre d'une hépatite B chronique rendant nécessaire un suivi médical à ce titre. Toutefois, les pièces produites, bien qu'elles permettent d'établir la nécessité d'un traitement antirétroviral par Tenofovir à compter du 26 janvier 2022, ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du

14 décembre 2021 et l'appréciation du préfet selon lesquels l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En tout état de cause, comme le fait valoir le préfet du Calvados dans ses écritures, sans être précisément contesté sur ce point, le traitement est disponible en Albanie, où il fait partie de la liste officielle des médicaments remboursés. Par ailleurs,

M. B... ne peut utilement se prévaloir d'une indisponibilité du Tanganil dans ce pays, alors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le défaut d'un tel médicament devrait entraîner pour sa santé des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Enfin, contrairement à ce qu'il prétend, aucun des éléments avancés n'est susceptible de démontrer qu'il ne serait pas en capacité de voyager vers l'Albanie. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Calvados aurait méconnu les dispositions précitées des articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire, sans charge de famille en France. S'il n'est pas contesté qu'il réside en France depuis son entrée en 2014, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile qu'il y a présentée a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 février 2015 et qu'il n'a pas déféré à la décision d'éloignement du 17 décembre 2015 qui lui a été notifiée en conséquence. En outre,

M. B... n'allègue pas être dépourvu d'attaches en Albanie, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Dans ces conditions, quand bien même il allègue avoir sa sœur et quatre cousines qui vivent en France et se prévaut de divers emplois occupés depuis 2019, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Calvados aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant l'arrêté contesté. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir, que le préfet du Calvados aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.

8. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Hourmant et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03858
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : HOURMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;23nt03858 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award