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25/06/2024 | FRANCE | N°23NT03677

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 25 juin 2024, 23NT03677


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme I... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.



Par un jugement n° 2207969 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de

Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2207969 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023 Mme I... B..., représentée par

Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 du préfet de la Loire Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 25 euros par jour de retard ; subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Philippon renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- l'expédition du jugement n'est pas signée ;

- les premiers juges ont omis de répondre à la branche du moyen tiré de l'incompétence de l'autorité préfectorale pour prendre la décision de refus de titre de séjour et celle fixant le pays de renvoi postérieurement à la refonte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant refus de séjour :

- le préfet a omis de répondre à sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile ;

- il ne ressort pas des pièces versées aux débats que le rapport médical transmis au collège de médecins de l'OFII et relatif à l'état de santé de Mme B... aurait été établi par un médecin de l'OFII ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux dès lors que le préfet s'est prononcé tardivement au regard de l'avis du collège de médecins de l'OFII sans solliciter à nouveau cette instance collégiale ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement nécessité par son état n'est pas disponible en Côte d'Ivoire, qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier des soins nécessités par son état dans son pays d'origine et bénéficier de la couverture maladie universelle mise en place.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de

séjour ;

- la décision méconnait les dispositions du 9° de l'article L 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense en date du 7 mars 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... demande à la cour d'annuler le jugement du 14 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président- assesseur, des assesseurs et de la greffière, doit être écarté.

4. En second lieu, il ressort de la motivation du jugement attaqué que le tribunal a omis de répondre au moyen soulevé devant lui par Mme B... et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que l'autorité préfectorale n'a pas établi sa compétence pour prendre la décision portant refus de séjour et celle fixant le pays de renvoi au regard des articles R. 431-20 et R. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à compter du 1er mai 2021. Il suit de là que Mme B... est fondée, à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour et de celle fixant le pays de destination. Il y a lieu de de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par Mme B... devant la cour tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve de l'exception prévue à l'article R. 426-3, le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants (...)3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". L'article L. 612-12 de ce code dispose : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Enfin, aux termes de son article R. 613-1 : " L'autorité administrative compétente pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français est le préfet de département (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de département est compétent pour édicter un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions accessoires à ces deux décisions. Le moyen est écarté.

7. En deuxième lieu, l'arrêté en litige a été signé par Mme F... K..., cheffe du bureau du séjour de la préfecture de la Loire-Atlantique. Par arrêté du 31 août 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n°106 du 1er septembre 2021, le préfet lui a donné délégation à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour, les mesures d'obligation de quitter le territoire français, les décisions fixant le délai de départ volontaire et celles fixant le pays de renvoi, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E... D..., directrice des migrations et de l'intégration, et de son adjoint, M. J... C..., dont il n'est pas établi qu'ils n'étaient, à la date de l'acte en cause, ni absents, ni empêchés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de séjour :

8. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait sollicité un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, alors que sa demande de titre de séjour du 20 novembre 2020 vise seulement les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circonstance qu'elle ait évoqué dans sa demande son intégration au sein de la société française, son intégration professionnelle et sa capacité à s'entourer d'un réseau amical important, et de professionnels soutenants n'est pas de nature à établir qu'elle aurait également sollicité la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14. Dès lors qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Loire-Atlantique aurait examiné d'office si l'intéressée pouvait être admise au séjour sur ce fondement et eu égard par ailleurs aux motifs de cet arrêté relatifs à la situation personnelle et familiale de la requérante, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que sa situation n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier par le préfet.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions précitées dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

10. Tout d'abord, le préfet de la Loire-Atlantique produit l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) relatif à l'état de santé de la requérante, ainsi que le bordereau de transmission signé pour le directeur général de l'OFII, daté du 27 octobre 2021. Il ressort de ces documents que l'avis du collège de trois médecins du service médical de l'OFII a été rendu le 27 octobre 2021 par les trois praticiens, docteurs en médecine, dont les noms sont mentionnés, sur le rapport d'un autre médecin établi le 5 juillet 2021 et transmis au collège le 8 juillet suivant. Par ailleurs, cet avis est suffisamment motivé dès lors qu'il mentionne notamment que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier d'un traitement approprié. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet de communiquer à l'étranger l'avis du collège de médecins émis dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour.

11. Ensuite, il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent que la transmission d'un rapport médical rédigé dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un médecin de l'Office français de l'immigration et d'intégration (OFII) ne siégeant pas dans le collège des médecins chargé d'émettre un avis sur l'état de santé de l'étranger, constitue une garantie pour l'étranger dont le dossier est examiné. En cas de litige, il appartient au préfet de fournir les éléments nécessaires afin de permettre au juge de contrôler le respect de la procédure.

12. En l'espèce, Mme B... fait valoir que le médecin qui a établi le rapport médical adressé au collège des trois médecins de l'OFII n'est pas au nombre de ceux désignés par le directeur de cet établissement et n'était ainsi pas habilité à établir et transmettre au collège le rapport médical qu'il a instruit et à partir duquel ledit collège a délibéré et rendu l'avis sur lequel le préfet de la Loire Atlantique s'est fondé pour rejeter sa demande de délivrance d'un titre de séjour. Cependant, le docteur L... M... qui figure sur la liste annexée à la décision INTV2129890S du 1er octobre 2021 portant désignation du collège de médecins à compétence nationale de l'OFII a, à ce titre, la qualité de médecin de l'OFII et était donc au nombre des médecins régulièrement désignés pour établir le rapport médical adressé au collège des trois médecins de l'OFII.

13. Enfin, il ressort des pièces produites en défense par le préfet que le collège de médecins de l'OFII s'est prononcé le 27 octobre 2021 au vu d'un rapport établi par un médecin de l'office le 5 juillet 2021 et transmis le 8 juillet, soit au-delà des trois mois impartis par les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce retard aurait, dans les circonstances de l'espèce, été de nature à influencer le sens de la décision ou à priver Mme B... d'une garantie alors que d'une part, le délai imparti par les dispositions de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas prescrit à peine de nullité et que, d'autre part, l'intéressée ne démontre pas que son état médical aurait évolué entre la transmission des éléments requis à l'OFII et l'avis de ce dernier. En outre, dès lors que Mme B... ne justifie pas de l'évolution de son état de santé entre l'avis du collège de médecins de l'OFII et l'édiction de la décision attaquée, la circonstance que le préfet ne se soit prononcé que le 25 mars 2022 n'est pas de nature à établir un défaut d'examen particulier de sa situation comme elle l'allègue alors au demeurant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire qu'un délai serait imparti au préfet pour statuer sur une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade à la suite de l'avis du collège du médecins de l'OFII.

14. Il suit de ce qui précède que, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation du collège de médecins de l'OFII doit être écarté dans toutes ses branches.

15. En troisième lieu, il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraîneraient un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

16. En l'espèce, Mme B... souffre d'une adénose sclérosante du sein gauche, d'un syndrome anxio-dépressif, de troubles cognitifs, d'une asthénie résultant de séquelles d'une hépatite B, ainsi que d'une thalassémie et d'une hypersomnie. Elle suit un traitement médicamenteux composé de Paroxétine et d'acide folique et fait l'objet d'un suivi psychiatrique, psychologique, gynécologique et radiologique. Enfin, elle bénéficie également d'un suivi neurologique pour le traitement de ses troubles cognitifs. Pour contester l'avis de l'OFII précité, Mme B... produit, d'abord, un certificat médical du 5 juillet 2022, établi par le Dr A... et indiquant qu'un retour en Côte d'Ivoire risquerait d'interrompre ses traitements, ensuite, un courrier du 29 juin 2022 du Docteur H..., coordinatrice médicale pour Médecins du Monde France en Côte d'Ivoire, qui souligne le coût important de soins tels que des transfusions sanguines ou des greffes de moelle osseuse dont la l'intéressée " pourrait avoir besoin " et qui indique que seuls deux hôpitaux publics sont susceptibles de dispenser des soins en psychiatrie dans le pays et que la couverture maladie universelle existant en Côte d'Ivoire n'intègre pas les maladies chroniques du type de celles dont est atteinte Mme B..., et enfin, un courriel du 22 juin 2022 de Mme G..., pharmacienne au sein de l'entreprise Biogaran, mentionnant que la Paroxétine n'est pas disponible en Côte d'Ivoire.

17. Toutefois, le certificat établi par le docteur A... est rédigé dans des termes peu circonstanciés puisqu'il n'indique pas les raisons pour lesquelles le retour en Côte d'Ivoire de l'intéressée interromprait les soins dont elle bénéficie, tandis que le docteur H... précise qu'il existe effectivement un système de sécurité sociale dans le pays dont Mme B... n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier au moins pour partie. Par ailleurs, Mme B... ne soutient pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier des soins psychiatriques dans les deux hôpitaux publics mentionnés dans le courrier du 29 juin 2022. Enfin, elle ne produit aucun élément suffisamment précis et probant permettant de relever que la Paroxétine ne serait pas disponible en Côte d'Ivoire, le courriel de Mme G... indiquant que ce médicament n'est pas disponible en Côte d'Ivoire contredisant au demeurant le courrier du docteur H... mentionnant au contraire que ce médicament est bien disponible dans le pays mais qu'il n'est pas remboursable. En tout état de cause, il n'est pas démontré que l'intéressée se trouverait dans l'impossibilité de substituer à son traitement des médicaments de même classe ou reposant sur le même principe actif. Si Mme B... se prévaut enfin de l'avis commun rendu par trois médecins ivoiriens, ces médecins ont reconnu que les pathologies dont souffre l'appelante peuvent être traitées en Côte d'Ivoire compte tenu du plateau technique et humain. S'ils émettent des réserves quant au faible nombre de médecins pouvant assurer un suivi et aux difficultés de coordination en résultant, quant au cout du suivi, lequel devrait être assuré pour partie dans des structures privées, et des soins et quant à la disponibilité et au coût de certains médicaments, ces éléments ne sont pas de nature à établir que Mme B... ne pourrait bénéficier du traitement et suivi nécessité par son état de santé. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

18. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de cette annulation.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 17, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

21. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée d'une part à demander l'annulation des décisions portant refus de séjour et fixant le pays de renvoi contenues dans l'arrêté du 25 mars 2022 et d'autre part à soutenir que c'est à tort que, par le jugement atatqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2207969 du 14 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour et de la décision fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 25 mars 2022.

Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour et de la décision fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 25 mars 2022 ainsi que le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié, à Mme I... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0367702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03677
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-25;23nt03677 ?
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